Mein Liebe ( Eve )

38 6 7
                                    

1er juillet 1944, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Je ne savais pas ce qu'était la définition du mot amour avant que je ne le rencontre. Lui, ce sous officier devenu quasiment général, mon colocataire forcé, mon âme sœur, Hans Leyers. Je n'ai jamais aimé personne ce type d'amour. Ce genre d'amour fou et intense, qui m'a poussé dans mes retranchements, m'a fait être la meilleure version de moi-même comme la pire. Il m'a appris à être une femme, à être indépendante et à être forte. Je l'aime, je n'ai pas eu le coup de foudre pour Hans mais cela a été progressif jamais trop brutal. Il ne s'est jamais montré comme la vilaine vermine nazie à mes côtés, sans savoir pourquoi, je suis tombée sous son charme jour après jour.

Je ne peux pas croire à ce qu'il revienne pas, cela fait cinq mois que je ne l'ai pas vu. Que je n'ai pas pu le regarder, le voir me sourire, que je n'ai pas pu sentir son amour entre ses bras, tout comme le mélange explosif de nos lèvres. Il me manque, l'homme sous l'uniforme d'Oberfürher me manque plus que tout au monde. Dieu sera avec lui, Hans me sera ramené tout comme à sa famille et à Marinus.
Je ne peux pas croire que le Seigneur ait fourni un tel destin à l'homme que j'aime, pas en ayant vu toutes les bonnes actions que celui-ci a accompli c'est impossible. Si même le Créateur se met dos aux Résistants, qu'en est-il de cet avenir ?

Il n'est que 13h quand je suis sortie de chez moi comme tous les jours de cette stupide routine installée depuis le départ d'Hans. Je vais chercher le pain, je rentre, j'étudie, je vais résister. Et c'est reparti, tous les jours, sans relâche, jusqu'à ce que je le vois sur le pas de la porte face à moi.
Je suis passée sur la place, ignorant les remarques incessantes des soldats sur tout ce que je suis, leurs regards et leurs sifflements sont tout juste affreux. Je peine à les supporter. Je suis montée jusqu'à la place de l'église où je suis allée chercher une fine baguette de pain.

《Ma petite Eve attends !
- Oui Madame Moutou ?
- Ne me donne pas cet argent va.
- Si j'insiste les temps sont durs.
- Je suis déjà une vieille défraîchie, garde les, prends mon pain et va t'en sans que les nazis te voient ! Je serai morte dans pas longtemps.
- Je...
- Allez ! Bonne journée ma petite et que Dieu te bénisse.
- Merci. Amen. 》

Je suis sortie le cœur serrée par la bienveillance de cette femme. Je la connais depuis que je suis née, c'est la dernière figure stable du village qui survit je ne sais comment face à la barbarie des Boches. Je lui rendrai la pareille pour tous ces pains gratuits que je lui ai mangé.

《Fräulein Dechambord ! 》

J'aurais reconnu la voix de Marinus parmi mille depuis que j'ai vu quel homme il est en réalité.
Je l'ai rejoint à l'entrée de la Kommandantur. Ma surprise a été bien grande en le voyant ainsi tout seul, lui qui normalement toujours encadré par ses deux Einsatzgruppen privés, cela fait drôle.
Or, l'Oberstgruppenfürher Strauss-Kahn est à chaque fois sérieux, droit, irréprochable et inabordable. Beaucoup de français qui sont partis avaient très peur de cet homme.

《Que puis-je faire pour vous Général ?
- Écoutez moi bien je vais vous dire quelque chose de très important.
- D'accord.
- Vous connaissez Maxence Dubois ?
- Oui.
- Tenez, une lettre de sa part venant de Pologne. Lisez la que dans une semaine pile poil, me dit-il rapidement comme s'il allait s'envoler.
- D'accord merci beaucoup Général.
- Bonne journée Fräulein. 》

J'ai continué ma route jusqu'à chez moi, tenant fermement ce bout de papier si précieux entre mes doigts. J'ai hésité à ouvrir la lettre, très intriguée par la lettre de Maxence. À chaque fois qu'il m'écrit, c'est pour me faire part d'une nouvelle tragique.
J'ai résisté et fourré l'enveloppe tamponnée de je ne sais quel pays. Je suis remontée chez moi, enlevant mon petit cardigan, je me suis allongée sur un transat et pris le soleil durant tout l'après-midi.

Programmés pour tuerWhere stories live. Discover now