Soulagé ( Hans )

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21 avril 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

J'ai repassé en boucle le moment où j'ai embrassé Eve. Je ne me suis jamais connu autant doux, j'ai été tout ce que je n'ai jamais été en quelques secondes auprès de cette française. Cette femme que je méprisais et qui me méprisait, jamais je n'aurais imaginé une seule seconde que je l'embrasserais.
Ses lèvres portaient un parfum délicat, ayant un goût à l'équilibre parfait entre un sucré très doux et une acidité explosive. Cette femme est surprenante. Je ne la comprenais pas jusqu'à ce que je me retrouve contre elle, contre le mur de sa cuisine.  Eve ressentait les mêmes sentiments que moi depuis le départ, ce sentiment d'insécurité, d'interdiction. J'étais le grand allemand craint et redouté avec qui elle ne devait pas aller. Elle était pour moi la petite française de village trop arrogante, celle avec qui je ne devais pas salir mon nom.
Pourtant hier, j'ai pris plaisir à embrasser Mlle Dechambord.

10h. Le retour à la Kommandantur jusqu'à l'heure méridienne, j'aimerais aller voir Eve. Je ne sais pas pourquoi mais j'aime bien cette femme, elle me redonne plaisir à vivre en France loin de tout ce qui m'importe réellement. C'est la femme qui m'a sauvé la vie quand je baignait dans mon sang en décembre 1942, je n'oublierai jamais ce qu'elle a fait pour moi.

《 Leyers ! Alors petit tu rêvasses ?!
- Marinus !! me suis-je levé de la chaise faisant mine de rien.
- J'ai une surprise pour toi.
- Oh.
- Une lettre venant de Berlin. Tiens lis la maintenant.
- En plein lieux de travail ?
- Oui, je te l'autorise et si quelqu'un te dit quoique ce soit rappelle toi que tu es colonel.
- Merci. 》

Je me suis installé sur le bureau en bois massif et verni, j'ai déchiré l'enveloppe avec soin. J'appréhende beaucoup, j'ai peur de ce que cela peut être vraiment...
J'ai déplié le papier et commencé à lire.

Für meinen Bruder

Pour mon frère ? Serait-ce Herman ? Ou encore plus incroyable que ça serait-ce Adolf qui aurait réussi à m'écrire ??
Je ne peux plus attendre. J'ai continué ma lecture, je ne sens plus mes jambes tant l'appréhension est grande.

Für meinen Bruder,

Alors petit frère comment te portes-tu ? Voilà un bon bout de temps qu'on n'avait pas pu s'écrire tous les deux. Depuis que tu es parti avec Herrn Strauss-Kahn en France d'ailleurs.
Je t'adresse cette lettre pour rassurer tes tourments Hans, je vais bien maintenant. En février, la VIème armée allemande a capitulé à Stalingrad. Nous avons perdu malgré toute la volonté du monde les Soviétiques ont eu l'avantage, leur rigueur et leur habitude face au froid ont eu raison de nous.
Je ne veux plus que tu t'inquiètes maintenant, je suis rentré à Berlin il y a quelques jours seulement. J'ai pris le petit Herman vivre avec moi dans le pavillon de grand père Otto. Maman a insisté vouloir rester vivre avec Papa, on sait tous les deux que c'est la seule à qui il ne ferait jamais aucun mal. Notre petit frère est en sécurité, tu peux me croire. Je sais également que tu seras en sécurité toi aussi, je connais Marinus, jamais il laisserait arriver malheur à son petit protégé ; toi.
Je veux que tu vives pour toi maintenant petit frère, essaies de vivre et de profiter des petits bonheurs en France, que tu sois honoré et respecté, n'est-ce pas Standartenfürher ? Car tout ira bien de notre côté. Sois heureux Hans, on se reverra bientôt ne t'inquiètes pas.
Je vois que nous nous ressemblons beaucoup mon cher, toi colonel de la Schutzstaffel, moi colonel de la Gestapo allemande, de quoi être fier hein !
Passe le bonjour à Marinus, prends soin de toi. Ce n'est qu'un au revoir.

Programmés pour tuerWhere stories live. Discover now