L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 40 - Levi Abbot

Combe Martin

06 Novembre

Le vent froid de la fin de l'automne fit mine de faire s'écrouler le bâtiment et plusieurs de ses camarades d'infortunes toussèrent bruyamment. La météo jouait contre eux. Levi se laissa choir sur sa paillasse. Il se frictionna les bras pour tenter de se réchauffer après cette douche glacée qui leur était imposée. Impossible pour les travailleurs du camp d'avoir une idée précise de la température extérieure. Ils étaient unanimes : le froid était dangereux pour eux. Le vent hivernal s'insinuait par chaque interstice entre les briques ou dans la toiture de vieille taule. Les sifflements rendaient les nuits inquiétantes et le manque de couverture les incitait à se les voler entre eux et était fatal pour les plus fragiles.

Le chasseur s'enroula dans la précieuse étoffe rêche et usée dans une vaine tentative : ses cheveux trempés ruisselaient sur le tissus troué et peu épais.

Les effectifs réduisaient à vue d'œil. Il ne restait plus que quatre des vingt enfants arrivés en juillet. Dont Kitty, la petite rousse à qui Archibald avait évité le fouet.

Son collègue avait toujours un œil porté sur elle et s'était évertué à lui sauver la mise autant de fois que possible. Lorsqu'il l'avait questionné à ce sujet, Archie était resté plutôt évasif. Elle ressemblait à sa défunte sœur lorsqu'elle était enfant. Point.

Ce dernier venait de rentrer à son tour dans le hangar, ses bras entourant son torse frigorifié. Le regard fuyant, il se hissa sur le lit du dessus et s'emmitoufla lui aussi dans sa paillasse.

— Journée de merde !

L'entendre ainsi râler l'aurait fait glousser, quelques semaines plus tôt. Aujourd'hui, les plaintes constantes de son homologue pesaient sur son moral.

— Tu trouves qu'il y en a de bonne, de journée, toi ?

Archie laissa quelques secondes s'écouler, puis, comme s'il était frappé par une vérité soudaine, répondit :

— C'est pas faux.

Ils soupirèrent en chœur. Avec l'hiver qui approchait, garder espoir relevait du miracle. Chaque jour, ils s'endormaient en se demandant qui parmi eux ne se réveillerait pas. Les réveils à cinq heure trente étaient plus compliqués à gérer, lorsqu'il faisait encore nuit noire. La nourriture ne tenait plus si bien au corps, lorsque le métabolisme peinait à maintenir sa température.

L'un des enfants fut pris d'une quinte de toux. Levi se sentait déchiré. Depuis quand se faisait il passer avant un enfant mourant ?

— N'y pense même pas, Levi, c'est la mort assurée.

— J-Je sais...

Archie le connaissait mieux qu'il ne le laissait paraître. Les plaintes du gamin lui retournèrent les tripes. Lorsqu'il sentit bouger au-dessus de lui, Levi attrapa son compagnon d'infortune par le poignet :

— Qu'est-ce que tu fou ?!

— T'inquiète, jvais pas lui donner ma couverture.

— Alors quoi ?

— J'vais dormir avec lui. Je ne vais pas le laisser caner tout seul. Avec un peu de chance ma chaleur corporelle va lui faire passer la nuit.

— Et si tu tombes malade ?!

— ... John Lovelace ne me laissera pas crever. Il me fera soigner.

Levi ne trouva rien à redire tandis que son camarade s'installa dans le lit de l'enfant, un peu plus loin. Un vague « merci », faible, parvint à ses oreilles.