Chapitre 33 - Jared Hempton

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1er Août, Combe Martin.

Jared fixait la route de ses yeux noirs bordés de larges cernes. Une de ses mains parcourues de cicatrices caressait avec nonchalance le volant en cuir de sa Volvo « gris épicéa ». Son coude droit négligemment appuyé sur la portière, il conduisait en direction de Combe Martin sur ordre de John Lovelace. Officiellement, il ne faisait que livrer Archibald. Officieusement, il devait s'assurer du bon déroulement de l'exploitation minière, de la loyauté des lycans postés là-bas et, enfin, que Lottie fasse bien ce que l'on attendait d'elle.

Le loup jeta un œil dans le rétroviseur intérieur de la berline. Les yeux du gamin l'auraient brûlé sur place s'ils en avaient eu l'aptitude. Jared lui répondit d'un regard rieur dans le miroir. Son « colis » repéra l'air narquois de son chauffeur et leva les yeux au ciel avant de plonger ses yeux sur la route. Les soubresauts de la lèvre supérieure d'Archibald ne lui échappèrent guère. Ce gamin avait de la colère à revendre. Le bruit métallique des menottes brisa le silence de l'habitacle ; Archie porta ses mains plus proches de son visage pour ronger ses ongles.

Le trajet serait rapide, il y avait à peine une heure et demie entre le manoir des Lovelace et le camp de Combe Martin. Le temps était dégagé tout comme leur itinéraire. La circulation était fluide à cette heure de la journée.

Rien ne semblait pouvoir entacher la bonne humeur de l'homme de main de John : il adorait passer sur les camps. Cela lui rappelait sa tendre enfance... sauf qu'il était du côté des bourreaux, cette fois. Et puis fallait pas déconner, en comparaison à ce qu'il avait vécu, les camps de John lui apparaissaient davantage comme une fête foraine qu'un lieu de réelle torture. Bousculer la vermine humaine faisait, selon lui, partie des plaisirs simples de sa nouvelle vie. Et foutre des bâtons dans les roues de Lottie, c'était son péché mignon.

Il utilisa une commande de sa voiture et les premières notes d'Another Day in Paradise s'envolèrent dans l'habitacle. L'index gauche du lycan suivait le rythme et tapotait délicatement sur le volant. Un regard dans le rétroviseur et il sut que le prisonnier à l'arrière se mordait l'intérieur de la joue. Jared prit la parole, avec l'espoir que ce petit con lui donne une bonne raison de câbler. Sa petite gueule d'enfant choyé manquait d'une ou deux cicatrices bien placées.

Un souci, mon chou ?

Archie arqua un sourcil, interloqué par le surnom. Cette manie de leur choisir des petits noms doux leur faisait toujours cet effet, au début. Levi s'était pris au jeu, au début. Puis, comme pour tous les autres, le malaise s'était installé. Et enfin, la peur. Il l'observa s'enfoncer un peu plus sur son siège en cuir, et basculer la tête vers l'arrière. Pas le moins du monde impressionné, Jared laissa faire, jusqu'à ce qu'Archibald finisse par enfin répondre :

C'est drôle, t'as pas la gueule pour écouter du Phil Collins.

Ah ouais ? Et j'ai la gueule pour quoi, chaton ?

T'as la gueule pour sucer la queue de John Lovelace, en dehors de ça, j'en sais pas grand-chose.

Jared venait d'obtenir sa bonne raison pour le cogner, servie sur un plateau. Il écrasa le frein de la Volvo, les pneus crissèrent et le véhicule se figea brusquement. Il appuya avec sur les warnings, sorti de la voiture. Le calme de façade qui l'habillait était probablement plus intimidant encore que s'il avait simplement cédé à la colère. Le chasseur se mordit la lèvre inférieure, se retenant bien maladroitement de sourire, visiblement satisfait de sa répartie. Son instinct de survie était complètement anesthésié par les traumatismes répétés des derniers mois. Il flirtait avec le danger, sans comprendre si c'était l'adrénaline qu'il cherchait, la douleur, ou simplement la mort.

L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.Where stories live. Discover now