Chapitre 11 - Richard Wentworth

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26 Mai

Barnsley,


Lafayette n'était pas revenu. Richard lança un regard inquiet à son frère Harold. La préoccupation tirait ses traits malgré le masque impassible de façade que le plus âgé s'efforçait de maintenir.

Il n'avait cependant pas le luxe de ne se soucier que de son aîné. Archibald et Chastity étaient introuvables. Isaac était finalement revenu, sans son cousin aux yeux vairons, et le chef de famille lui avait confié la tâche d'escorter en lieu sûr John et sa fille Lottie.

Rachel, désespérée à l'idée de ne pas retrouver les cadets, s'était mis en tête de retourner le château, accompagnée de Lucia et Anita. Comme si le moment était bien choisi, alors qu'ils n'avaient aucune idée de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Richard était cependant bien incapable de stopper la mère de ses enfants.

Harold et lui-même surveillaient les accès stratégiques de la demeure, tendus et aux aguets. Un silence étouffant avait pris possession des murs de cette bâtisse où pourtant la vie résonnait à l'accoutumée.

Leur première destination après s'être séparés d'Isaac, avait été l'armurerie principale des Wentworth afin de s'équiper face à d'éventuels loups-garous. Les deux chasseurs d'âge mûr avaient écarté l'hypothèse d'une attaque de vampire ; la nuit n'était pas encore tombée.

Pour autant, cela n'était pas nécessairement une bonne nouvelle. Les offensives de lycans, bien que plus rares, demeuraient tout aussi dévastatrices. En effet, ces prédateurs attaquaient en plus grand nombre et étaient terriblement bien coordonnés grâce aux consignes de l'alpha.

Équipés de leurs armes à feu fétiches, Richard et Harold se dirigeaient vers le hall principal, unique entrée qui n'avait pas été revue depuis l'arrivée de ce dernier et de son fils.

La pièce les accueillit avec un calme froid et angoissant. Seuls le bruit de leur respiration et le léger écho de leur pas dans l'immense pièce perturbaient le silence.

Les deux frères continuèrent leur inspection de la salle. Ils slalomaient entre les imposantes colonnes de marbre qui soutenaient à des endroits précis la structure des étages supérieurs. Richard laissait glisser son regard, sur la surface lisse et veinée de la pierre. Il y cherchait la trace d'un éventuel explosif. Ces créatures ne se gênaient pas pour utiliser l'armement que l'humanité avait conçu.

Une seule chose lui apparaissait comme une évidence : le calme avant la tempête. Et s'il s'agissait de LA tempête, celle qu'il redoutait depuis tant d'années, il n'était pas certain de parvenir à la contenir.

Il observa un moment Harold. L'inquiétude le rongeait juste dans cette teinte si particulière qui habitait le regard des membres de la famille. Ses cheveux grisonnants, initialement tirés en arrière, étaient devenus bien indisciplinés à cause de ses doigts qui passaient nerveusement à travers les mèches poivre et sel.

Richard aurait voulu lui dire quelques mots, pour l'apaiser, toutefois, il n'avait aucune idée de ce qui rassurerait le plus âgé. Lui aussi s'inquiétait, malgré tout, pour ses enfants et son neveu qu'il connaissait débrouillards et entraînés.

Ses pensées coulèrent un peu plus loin dans son esprit alors qu'il se remémorait sa dernière discussion avec Archibald. Si jamais cette conversation avait été leur dernière, il aurait aimé qu'elle se déroule autrement.

Conscient d'avoir été un piètre père, Richard était tiraillé entre ce qu'il savait, ce qu'il souhaitait et ce qu'il devait faire. Au fond de lui, il aurait aimé avoir cet esprit rebelle qu'Archie tenait de sa mère. Peut-être, ses choix auraient été différents, leur destiné également.

Le bruit sourd et soudain d'une explosion dans l'aile ouest du château fit sursauter les deux frères qui s'élancèrent, presque d'un seul homme, vers le danger. Ce qu'il avait tant redouté se présentait à lui, dans sa propre demeure.

Le passé finit toujours par nous rattraper.

Le cœur du chef de famille accéléra le rythme de ses battements, en écho à l'angoisse qui tissait lentement le pessimisme dans l'esprit du chasseur expérimenté. Il aurait plutôt imaginé que ce serait les vampires qui se déplaceraient. Pourquoi les Lycans ? Étaient-ils au courant ? Les attaques de loup-garous se faisaient rarement dans la dentelle, en sortir triomphant, peut-être. Sans perte, c'était penser vivre dans un conte de fée.

Richard laissa son frère prendre les devants pour jeter un dernier regard dans le grand hall, un mauvais pressentiment lui collait à la peau. Il reporta cependant bien vite son attention vers son aîné lorsqu'il l'entendit appeler Rachel. Le chef de famille pressa le pas pour, il l'espérait, retrouver son épouse, saine et sauve.

Une partie de la tension qui entravait ses épaules le libéra de son emprise alors qu'il aperçut sa femme, bien vivante, discuter avec Harold. Cette dernière croisa son regard et l'azur de ses yeux, emplis d'inquiétude, ne trompa pas ceux de son mari : les deux cadets restaient introuvables.

Il s'avança vers elle dont la chevelure cuivrée s'échappait de son chignon défait. Rachel était une femme à la posture noble et qui n'avait rien de la bourgeoise fragile à protéger. Richard en avait fait les frais durant leur jeunesse et malgré la rigidité du chef de famille, une réelle affection s'était développée entre eux, jusqu'à les lier par le mariage. Les désaccords concernant l'éducation de leurs enfants, toutefois, avaient brisé la complicité du couple, dernièrement. Rachel s'était effacée pour mieux attaquer Richard dès que l'occasion s'offrait à elle.

Aujourd'hui, pourtant, pas de reproche sur le beau visage fin de sa femme. Seulement cette triste mine inquiète, jusqu'au bout de ses lèvres pressées l'une contre l'autre. Richard la prit dans ses bras et lui murmura au creux de l'oreille :

— Ça va aller, je vais les retrouver. Je ferais ce qu'il m'en coûtera, mais nos petits seront saufs, je te le jure sur ma vie, Rachel.

La mine défaite de la femme ne s'étira que d'un maigre sourire triste. Elle voulait y croire et souhaitait s'accrocher à cet espoir de toutes ses forces. Toutefois, Rachel n'était pas naïve pour autant. Malgré la force et l'expérience de son mari, elle avait vu les bêtes forcer les entrées de l'aile ouest. Ils ne s'en sortiraient pas tous vivant. Elle sursauta quand Richard la saisit par les épaules :

— Où sont Lucia et Anita ?

— Nous nous sommes séparées pour mieux couvrir l'aire de recherche. Je leur avais ordonné de me rejoindre au sellier par les escaliers de service si le moindre bruit les alertait. Elles doivent être en route.

Richard acquiesça. Il était fier d'elle, qui savait garder la tête froide quand les situations critiques se présentaient à eux. Ils échangèrent encore quelques secondes à propos de ce que la femme avait pu apercevoir du nombre d'ennemis et Richard lui tendit son arme à feu ainsi que plusieurs chargeurs pleins avant de prendre à nouveau la parole :

— Protège-les. Elles vont avoir besoin de toi. Ne gaspille pas tes balles, fuis autant que possible.

Rachel déglutit bruyamment puis resserra sa prise sur la cross du Desert Eagle de son mari. Harold lui lança les clés de son véhicule, ajoutant qu'ils iraient jusqu'au garage en sous-sol pour récupérer l'une des voitures présentent là-bas au besoin.

Harold s'écarta de quelques pas pour offrir un peu d'intimité au couple. Son frère avait du mal à quitter ainsi sa femme, incertain de la revoir un jour. Après un long soupir haché, Richard lâcha enfin les épaules de Rachel qui fit un premier pas pour s'éloigner.

Le quarantenaire saisit son poignet et l'attira contre lui pour échanger, peut-être, leur dernier baiser, mouillé par les larmes de la bourgeoise qui, pour une fois, laissait apparaître aux yeux de son mari sa fragilité.

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1er chapitre dans la peau de Richard.

Alors, c'était si terrible ?

J'espère que ce jour 3 du petit calendrier de l'Avent vous aura plus :3

à demain pour un chapitre en compagnie d'Isaac ;)

bécaux !

Loranee.

L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.Where stories live. Discover now