L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 19 - Lottie Lovelace

Manoir Lovelace - Durleigh, 26 Mai

       – Amenez-le au sous-sol.

Les deux hommes de main des Lovelace avancèrent en passant chacun l'un des bras d'Archibald sur leurs épaules. Le garçon avait perdu connaissance, ou plutôt : son cerveau avait choisi de se déconnecter. Le trajet depuis Barnsley avait semblé interminable : trois heures et quarante et une minutes. Et il avait fallu contenir le sang. Tout ce sang. Ce crétin de Garrett aurait pu rendre Archibald paraplégique.

La jeune femme, nerveuse, sortit de la voiture, les mains dans les poches de sa veste de tailleur. De nombreuses mimiques passaient sur son visage puis s'évanouissaient pour ne laisser qu'une sorte de vide béant derrière les deux orbes sombres de son regard. Elle se sentait instable. La blonde ôta une des épingles de son chignon strict pour se gratter l'arrière du crâne. Son regard se dirigea vers le ciel dégagé. Sa lèvre tressauta alors que la pleine lune éclairait son visage. Des tremblements plus fort parcoururent ses bras. Il lui fallait une dose, vite.

Avec précipitation, elle sortit une sucette de couleur noire de la poche interne de sa veste. Ses mains défirent l'emballage d'un mouvement saccadé avant de la fourrer dans sa bouche en laissant échapper un grognement. Le goût sucré qui se déposait sur ses papilles la détendit un peu. La jeune femme pressa le pas jusqu'à l'intérieur et devança les deux hommes alors que la pilosité de ses avant-bras se développait à vue d'œil. Ses dents, devenues plus longues et plus acérées, se serrèrent si fort autour de la sucrerie qu'elle se brisa en deux. Son père ne lui avait pas laissé le loisir passer ses nerfs sur qui que ce soit. Il lui fallait quelque chose, ou quelqu'un pour passer sa frustration, et sa dose. Le passage à tabac patientera. Elle avait sa transformation à endiguer et son fiancé à soigner.

Ses mains poussèrent sur les lourdes portes du manoir qui s'ouvrirent sans peine. Une fois à l'intérieur, la veste de tailleur fut jetée sur une des statues qui servaient autant à la décoration que de porte-manteaux. Ses épaules nues commençaient à se couvrir de fourrure et elle semblait avoir pris plusieurs dizaines de centimètres. La jeune lycanthrope se débarrassa de ses escarpins et se précipita au sous-sol. Là, elle fondit dans une des salles de soin et se jeta sur l'armoire où se trouvaient des dizaines de petits flacons. Elle en saisit un avant que ses ongles qui poussaient exagérément ne soient trop handicapants. La louve attrapa une seringue, la remplit du liquide translucide et se l'injecta en intraveineuse. L'épais vaisseau sanguin de son bras reprit presque immédiatement son diamètre initial. L'héritière des Lovelace plongea son regard dans le miroir au-dessus de l'évier dans un coin de la pièce.

Le produit courait dans son corps, arriva jusqu'au cœur avant d'être redistribué dans tout son réseau veineux. Ses pulsations cardiaques se stabilisèrent, sa respiration également et la fourrure crème sembla comme tomber de sa peau. L'épilation de ses sourcils serait bonne à refaire. Cette réflexion lui arracha une grimace. La lueur argentée dans ses yeux s'estompa et un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres : Lottie détestait se transformer.

En attendant que ses deux hommes de main arrivent, la blonde se saisit d'une pince pour couper ses ongles trop longs et refit son chignon à la hâte. Enfin, alors qu'elle s'observa à nouveau dans le miroir, elle sembla satisfaite de son apparence de nouveau parfaitement humaine. La jeune femme jeta son bâton de sucette et enfila une paire de gants en nitrile avant de préparer son matériel : elle avait une suture à faire.

Lottie se dirigea ensuite vers la salle où se trouvait l'héritier des Wentworth en poussant sa roulante. Elle repensa à ce sauvetage in extremis. Heureusement qu'elle était arrivée à temps. Son cœur se serra lorsque son imagination morbide lui projeta le corps déchiqueté du jeune homme en image mentale.