L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 6 - Jared Hempton

Londres

20 Mai

Chapitre 6 — Jared Hempton

L'homme devait à peine avoir la trentaine. Il était bien plus grand que la moyenne comme de nombreux lycanthropes. Sa musculature dessinée se devinait sans peine sous ses vêtements bien qu'il ne soit pourtant pas si massif. Jared refusait de privilégier la force brute à l'agilité et la rapidité. Le loup conservait un certain équilibre.

Quelques mèches corbeaux collaient son front au teint pâle, presque gris. Il se tenait là, accroupi dans cette ruelle, au-dessus du corps inerte de Jane. Ses yeux noirs étaient plongés dans ceux dépourvus de vie de sa victime. Le lycan essuya proprement la lame de sa dague sur le chemisier autrefois immaculé de la patiente atteinte d'un cancer.

Il pressa le bouton de son beeper, ses louveteaux, comme il aimait à les appeler, viendraient s'assurer que le ménage soit fait. Jared, lui, se déplia pour retrouver toute sa hauteur. Du haut de ses deux-mètres dix, il sonda la ruelle : pas de témoin. Parfais. L'homme ôta le gant de cuir sombre révélant sa main droite à la peau toujours aussi pâle, mais marquée par les années d'entraînement et nombre de cicatrices rosées. De la pulpe de l'index, il tapota un message sur son smartphone, puis il s'extirpa de l'endroit comme il y était entré : les mains dans les poches et la démarche assurée.

Un étrange sourire vint tendre les lèvres fines du lycan, barrées par une vieille balafre du côté droit. Son long manteau de cuir sombre accompagnait ses mouvements souples, comme s'il faisait partie de son corps et lui donnait cette aura mystérieuse et particulièrement inquiétante.

Il continua sa route le long des rues de Londres et frémit lorsqu'une légère émanation d'argent et de sang mêlé chatouilla jusqu'à ses narines. Odeur typique des chasseurs, ou des esclavagistes. Les muscles de l'homme en noir se tendirent et ses sens aiguisés se lancèrent à la poursuite d'indices supplémentaires.

Il ne lui fallut pas longtemps pour retrouver la trace de sa proie. Il se situait un peu plus loin, dans son champ de vision : un grand brun au corps affûté et aux yeux anthracite. Un des fils Abbot, l'héritier de surcroît. Il se pavanait là, à la vue de tous, à faire la causette avec un informateur, probablement.

Étonnant de voir l'un des membres de la prestigieuse famille de chasseurs écossais aussi insouciants. Des trois lignées britanniques, les Abbot étaient les plus méfiants, les moins enclins à prendre des risques, ce qui permettait à certains lycans, malins et audacieux, de leur échapper au moyen de bluff et d'attaques imprévisibles.

Jared se glissa dans la foule dans l'espoir de se rapprocher de celui qu'il désigna comme sa cible. Il resta cependant à une distance respectable afin de ne pas éveiller les soupçons. John avait été très clair : si l'un des membres de la meute venait à croiser la route d'un chasseur, il le voulait vivant. Rencontrer ce spécimen en plein Londres relevait presque du miracle, ce n'était habituellement pas leur terrain de chasse.

Jared en noir emprunta un journal à une vieille dame en usant de son masque affable. Il s'installa ensuite à un banc à portée d'écoute de Levi Abbot. L'avantage d'être loup, c'est qu'on entendait bien mieux qu'un humain, cela permettait de rester à distance tout en pouvant réagir très rapidement en cas de besoin.

Son portable vibra dans la poche de son pantalon en jean. La créature jeta un œil au message reçu et la satisfaction vint détendre un peu ses traits durs. Il releva ses iris charbonneuses au-dessus du quotidien « The Times » : sa cible venait de clore sa discussion et se mettait en mouvement. Le coin supérieur de la bouche de Jared tressauta ; il était agacé. Il envoya rapidement sa position à ses hommes et leur ordonna de le rejoindre : ils allaient le pousser vers un endroit moins fréquenté de la ville.