L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 12 - Isaac Wentworth

Juste avant la tempête.

Isaac frotta la tranche de sa main droite légèrement douloureuse. Il se sentait désolé pour son cousin, mais il était persuadé d'avoir fait le bon choix. Si Lafe se mêlait à ce conflit, il y laisserait sa vie. Plus proche de ce dernier que de son propre frère, l'aîné des enfants Wentworth refusait de perdre un précieux allié et ami.

Il enferma son Lafayette, inconscient, dans une armoire métallique de la salle de surveillance et ferma soigneusement la porte derrière lui. Par les aérations du meuble, il glissa la clé ainsi qu'un mot à son cousin. Il devrait être prudent et prétendre ne pas savoir où se trouvait Lafayette. Harold et Richard se situeraient sûrement près de John Lovelace et sa fille. Isaac était intimement convaincu que ces deux-là étaient à l'origine de l'attaque.

Bien décidé à arrêter l'ami de son père, il avait tenté de prévenir Richard, des mois auparavant. Malgré ses arguments, il ne l'avait pas pris au sérieux. Assaillit par un doute, il avait testé de l'ADN de John et Lottie en récupérant quelques cheveux tombés lors d'une visite au château. Son instinct de chasseur ne l'avait pas trompé. Richard l'avait sermonné comme un enfant pris en faute, l'avait accusé de fourrer son nez dans des affaires trop dangereuses pour lui-même. Richard Wentworth était au courant, mais laissait pourtant faire. Isaac ne regarderait pas sa famille se faire massacrer les bras croisés. Leur paternel avait tant de fois critiqué la naïveté d'Archibald, il ne valait finalement pas mieux. L'aîné de la fratrie ne comprenait pas. Le chef des Wentworth, ce chasseur redoutable et redouté... Pourquoi ? Alors que sa paranoïa avait monté en flèche, il s'était délibérément posé des œillères dès lors qu'il s'agissait de John Lovelace.

Même leur propre père cachait visiblement de lourds secrets qu'il souhaitait enterrer avec lui. Et Isaac ne le supportait pas. Quand Lafe avait passé son coup de fil, en arrivant, son sang n'avait fait qu'un tour. Avant qu'il ne s'en rende compte, comme porté par son seul instinct, il s'était retrouvé à la salle de contrôle de la sécurité du château, face au moniteur principal. Tout était intact. C'était incompréhensible. Sauf si John s'était rendu lui-même ici. Isaac n'avait pas le temps de vérifier les caméras, sa famille était en danger.

Quand il avait entendu du bruit, il était sorti de la pièce, sans se donner la peine de refermer derrière lui, et s'était dissimulé à l'angle d'un couloir. Bien décidé à en découdre, il fut surpris de croiser son cousin Lafayette, armé et sur ses gardes. C'est à ce moment qu'il avait choisi de l'écarter du combat. Lafe avait le potentiel de surpasser chacun d'entre eux, mais il ne voulait pas courir le risque de le voir mourir ici, par la faute de son père, en héros pour une cause perdue.

Une fois dans le couloir, et sachant Lafe en sûreté, le jeune homme rejoignit à grandes enjambées le rez-de-chaussée du bâtiment. Muni de son téléphone portable, il passa un rapide appel à son père pour le situer dans l'immense demeure. Il fit un détour par l'armurerie, lui aussi, pour s'équiper d'un fusil à pompe et d'une paire de couteaux papillon qu'il dissimula dans ses poches. Isaac se dirigea ensuite au point de rendez-vous indiqué par Richard.

À peine arrivé dans le champ de vision de Richard, ce dernier le héla :

— Enfin, Isaac, te voilà. As-tu croisé ton cousin ?

— Lafe ? Non, pourquoi, j'aurais dû ? Il m'a appelé pour me prévenir que quelque chose clochait et que je devais te rejoindre, d'où mon appel. J'étais dans la verrière de l'aile est.

La vue du visage inquiet de son oncle fit culpabiliser l'aîné de la fratrie, qui garda toutefois pour lui ses intentions. Il adressa un sourire factice ainsi qu'un signe de tête aux deux Lovelace. Si Lottie ne semblait pas comprendre ce qui était en train d'arriver, John paraissait étrangement calme.