Londres - 1

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      Depuis la fin de notre aventure à travers le monde, Takeshi a toujours traqué notre pote Indy, de l'Île de Pâques aux plateaux de Nazca jusqu'à une petite boutique londonienne à Camden Market. Il m'a dit que je reconnaitrais son magasin quand je la verrais. Que ferais-je une fois que je l'aurais retrouvé ? Je ne suis pas quelqu'un de violent. Il nous a laissé pour mort au fond du pacifique et est responsable du décès du frère de Sophie, ça me suffit à le haïr et à vouloir qu'il paie pour ses crimes. Mais comment faire ? Je dois aussi récupérer les médaillons du soleil. Finalement, je ne crois pas être à la hauteur de la tâche. J'aurais dû accepter l'offre de Tak et envoyer des hommes à lui faire le boulot. En même temps, je me dois d'être là, j'attends d'Indy des explications. Je veux connaître ses motivations. Je veux savoir pourquoi il détruit les cités. A bien y réfléchir, je me rends compte que je me suis encore précipité pour agir. Je ne me suis pas suffisamment préparé à cette confrontation. Un vrai touriste, je ne suis même pas armé. D'ailleurs, je ne sais pas comment j'aurais pu me procurer un revolver. Ça ne s'achète pas à tous les coins de rue. Tant pis, c'est dangereux mais j'improviserai. De toute façon, il ne s'attend pas à me voir débarquer dans sa boutique. L'effet de surprise est en ma faveur. Pour commencer, je dois le trouver dans ce réseau compliqué de venelles. Ce qui n'a pas l'air si simple.

Je découvre ce quartier de Londres très particulier. Le contraste avec les quartiers connus de Westminster, Tower Bridge ou Buckingham Palace que l'ont peu trouvé sur les cartes postales, que les gens exposent fièrement sur leurs frigos pour montrer qu'ils voyagent, est saisissant. Le côté guindé anglais à totalement disparu pour laisser place à sa face caché punk destroy. On passe des Beatles époque « Love Me Do » au Sex Pistols d' « Anarchy in the UK ». Les devantures des magasins de Camdem High street sont époustouflantes. Des chaussures géantes, baskets pour skateurs et bottes pour black métalleux, sortent des enseignes colorées de cette rue mais aussi un dragon, des fées, un scorpion argenté, des diablotins ou encore Ganesh. Certains magasins vendent des vêtements difficilement portables par le commun des mortels mais très appréciés des Lolitas Goth et autres fans de look vampirique époque victorienne. Je constate qu'il n'est pas rare de croiser des femmes aux lèvres rouge sang portant bottines, cape brodé et ombrelle en dentelle au bras d'hommes en redingote assorti d'une cane et d'un haut de forme. Ces derniers semblent tout droit sortis de l'imagination de l'écrivaine Anne Rice, leur apparence rappelant fortement celle de Lestat dans Entretien avec un vampire.

Quand on entre dans Camden Market, on s'immerge dans un autre univers. C'est un enchevêtrement de petites allées étroites menant à des boutiques de vêtements, des tatoueurs, des brocanteurs, des expositions d'artistes ou de la production artisanale de diverses communautés. Une espèce de Zouk marocain version british. Un melting pot culturel. On peut y trouver des Street Food vegan, bio, végétarien mais aussi indien, breton, mexicain, pakistanais, chinois, colombien ou turque. Une version condensée de toutes les populations de la planète. Les communautés hippie et punk se côtoient amicalement au milieu de ce bric-à-brac d'objets underground en tout genre. Camden réussi le pari de réunir tous les antagonistes.

Il est facile de se perdre dans ce labyrinthe florissant ou il n'existe pas de murs où il n'y ait pas quelque chose à regarder. Comment retrouver Indy dans ce bordel qui semble malgré tout organisé ? Je reconnaitrais sa boutique. Mais à quoi ? Ce dont je suis sûr c'est que ce n'est pas celle de sacs artisanaux indiens, ni celle de t-shirts à l'effigie de groupe de heavy metal, encore moins ce restaurant Hongrois. Je m'engouffre un peu plus dans les méandres de ce marché atypique. Il y a beaucoup de monde bien que nous soyons en semaine. Je n'ose imaginer la fréquentation qu'il doit y avoir le week-end. Certaines personnes doivent perdre tous leurs repères. Un enfer pour les claustrophobes et agoraphobes.

Je continue ma recherche dans Horse Tunnel, la partie du quartier située dans une ancienne étable aménagée. Au détour d'une allée, je trouve enfin ce que je cherchais. Takashi avait raison, je l'ai reconnu tout de suite. Ça ne peut être qu'ici. Cette boutique vend des centaines de goodies de films, de dessins animés et de jeux vidéo. Une boutique pour geeks pour quelqu'un qui m'a dit détester les geeks. Il l'a dit car il en côtoie régulièrement et j'avoue qu'on a tendance à être énervant quand on recherche des produits convoités et introuvables. Ce n'est pas le seul magasin de ce genre que j'ai pu voir dans ce quartier mais dans celui-ci il y a beaucoup de pièces rares dont je ne peux ignorer la provenance. Je me rappelle encore les poussières entourant le vide laissé par les objets volés chez Jack et Sophie. Je me souviens des formes laissées sur la tapisserie par les épées. Je retrouve ici Andruil, Aiguille et leurs consœurs. Toute la collection exposée quasiment dans le même ordre que celui du salon de la maison ronde. Je le vois le fourbe, il ne se cache pas. Il ne porte plus un costume d'Indiana Jones et sans celui-ci je me demande pourquoi je l'ai affublé de ce surnom. Il ne ressemble en rien à Harrison Ford. Sa barbe et ses cheveux ont beaucoup poussé ce qui le rend encore plus âgé. Il est maintenant plus proche du magicien fou Radagast dans le Hobbit que de l'aventurier de l'arche perdue. Comment avons-nous pu avoir peur de ce petit vieux à l'air si fragile ? Il est derrière sa caisse en train de finaliser la vente d'un casque de Boba Fett à un garçon obèse aux cheveux gras. Il l'encaisse et le client sort le sourire aux lèvres, content d'avoir dépensé de l'argent dans un truc inutile comme dirait Sophie. Indy relève enfin la tête et m'aperçoit.

Débute le défilé des émotions. Sourcils froncés, il commence par ne pas me reconnaître mais ma tête lui rappelle quelque chose. Ça y est, il me remet. Vient alors la surprise avec sa bouche en forme de O. Je m'empare de l'épée de Gryffondor exposé à côté de moi et fonce vers lui. A chaque pas qui me rapproche de lui, la colère me submerge jusqu'à ce qu'un cri de rage sorte et me brûle la gorge. Je jubile car dans son regard je peux lire de l'effroi.

Le Geek Ultime (1. Genesis)Where stories live. Discover now