Ile de Pâques - 2

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      A partir de maintenant, c'est une course contre la montre. Takeshi a réservé une Jeep qui nous attend sur la piste. Il nous a certifié que c'était aussi rapide de s'y rendre en voiture qu'en hélicoptère. Mais je fantasme qu'Indy l'a pris de cours en louant tous les hélicos de l'île et que Tak n'accepte pas l'idée de s'être fait doubler par cet escroc.

Il n'y a pas de problème de circulation sur cette île. En même temps, les locaux n'ont pas beaucoup de choix de destination. Prendre la voiture pour aller où ? De ce côté, falaise et océan. De l'autre côté, à environ vingt kilomètres, idem. Il n'y a que les touristes qui se promènent en minibus ou en deux-roues.

Le GPS de la voiture nous indique un délai de 26 minutes pour rejoindre Rano Raraku. La route que nous suivons ne traverse pas d'agglomération. Elle longe le tarmac puis la côte jusqu'au volcan. Sophie conduit. J'aurais peut-être du prendre le volant. Je constate très vite et avec angoisse que son empressement dirige sa conduite. Je m'accroche fermement à la poignée de la porte. Elle va nous tuer. Je ne connais pas la réglementation Rapanui mais je suis certain que Sophie ne respecte pas les limitations de vitesse. J'ai l'impression d'être en voiture avec Sébastien Loeb en train de faire un Rally, sauf que je ne suis pas sur qu'elle maîtrise le véhicule aussi bien que lui. Au détour d'un virage, on manque de peu une collision avec un cycliste. Je peux voir, dans le rétro passager, le doigt d'honneur qu'il nous fait. On ne l'a pas volé. Le volcan est désormais visible. Nous passons devant plusieurs sites des statues qui ont fait la célébrité de cette île. Sophie ne me laisse pas le temps de faire du tourisme. On file à vive allure vers notre destin, ou notre mort prochaine. La route se termine enfin sur le parking du centre artisanal Rano Raraku. Sophie tire sur le frein à main et la Jeep pile à quelques centimètres de la barrière d'entrée du lieu. Le GPS nous signale que nous sommes arrivés à destination. Il nous aura fallu que treize minutes.

Sophie s'empresse de quitter la voiture. Elle ne me laisse pas le temps de souffler, je lui emboîte le pas. J'ai les jambes en coton suite à cette course folle et elle me distance facilement. Il faut suivre un sentier entouré de statues Moaï pour rejoindre le volcan. Ça grimpe un peu, je n'ai pas la condition physique requise. Je transpire à grosse gouttes, il faut dire qu'il fait une chaleur insupportable. Sophie s'arrête brusquement.

- Ah enfin ! Attends-moi...

Elle ne me regarde pas. Son regard se concentre sur la grande plaine, au bas du dénivelé menant à la falaise surplombant l'océan. L'hélicoptère d'Indy est là-bas. Son frère aussi. Rien ne saurait la retenir. Elle se précipite vers lui en criant son nom.

- JACK. JACK.

J'ai pensé que rien ne saurait la retenir, je n'avais pas pris en compte la plus dangereuse des forces sur terre : la nature. Une vibration commence à se faire sentir. Elle monte en intensité, jusqu'à devenir un effroyable tremblement de terre. Le sol bouge tellement que je n'arrive plus à tenir sur mes jambes. Sophie est, elle aussi, stoppé dans son élan. Un grondement assourdissant sort de sous la terre.

Les secousses sont s'intensifient. Elles sont terribles. Nous sommes plaqués au sol sans pouvoir se relever. Sophie se retourne vers moi et me regarde avec un air suppliant. Je ne peux rien faire pour l'aider. Son regard fixe un autre point derrière moi et son expression change radicalement. La colère. Elle m'indique du doigt ce que je dois regarder. Par-dessus le ronflement assourdissant de la terre, je comprends enfin son message.

- DERRIERE TOI ! INDY !

Il est là. Malgré son âge et sous ces airs de petit vieux fragile, cet homme est en fait une force de la nature. Il a vraiment bien caché son jeu avec nous. Il a beaucoup de mal à garder son équilibre mais il arrive tout de même à avancer, ce dont je suis incapable.

Le Geek Ultime (1. Genesis)Where stories live. Discover now