Albuquerque - 4

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      Je dois puiser au fond de moi pour trouver le courage de descendre des marches taillées dans la pierre s'enfonçant dans les profondeurs de la terre. Ce n'est pas gagné. Je ne suis pas du genre aventurier, loin de là. Je passe la plupart de mon temps libre à lire, jouer ou regarder des films et des séries. Je n'ai jamais envisagé de vivre dangereusement et me voilà face à un gouffre sombre et peu engageant dans lequel je dois m'enfoncer. La plupart des héros que j'admire sont tellement téméraires qu'ils n'hésiteraient pas une seconde. D'ailleurs, je me suis souvent fait la réflexion qu'il fallait être fou ou inconscient pour agir comme ils le faisaient. Personnellement, je ne suis ni l'un, ni l'autre. Pourtant, ma curiosité est suffisamment forte pour que j'ai envi de savoir ce qui se cache au bout de cet escalier. Je vais peut-être découvrir une cité d'or. Si c'est le cas, mon nom restera dans les livres d'histoire au chapitre des explorateurs à côté de Champollion et de Christophe Colomb. Je peux aussi mourir dans l'indifférence la plus totale, écrasé par un piège sous le sol du Nouveau-Mexique. Personne ne sait que je suis ici. De toute façon, à qui j'aurais pu le dire vu que je ne connais personne qui s'intéresse à ce que je fais. Je ne devrais pas avoir si peur, avec Sophie à mes côtés, je ne serais pas seul à affronter cette épreuve. Elle est dans la même galère que moi. A nous deux, nous devrions nous en sortir vivant. Au moins un sur deux... en espérant que ça soit moi.

- Vous descendez. Si vous trouvez de l'or, vous remontez me le dire et...

- Quoi ? Non, non, non. Tu viens avec moi, sinon je ne vais nulle part.

- Vous n'allez pas me dire que vous êtes plus peureux que curieux.

- Je te retourne la formule.

Je sens qu'elle est aussi partagée que moi concernant l'idée de quitter la chaleur épouvantable mais rassurante de la surface. Je la rejoins sur le fait qu'il n'est pas facile de dépasser ce que la peur vous empêchent d'oser faire, mais je reste persuadé que ce serait moins difficile à surmonter à deux. Je suis là à cause d'elle, hors de questions que j'y aille seul.

- De toute façon, on n'a pas de torches, finit-elle par dire.

- Fausse excuse. Nos téléphones portables ont la fonction lampe de poche. Je te préviens, tu me dis encore que tu ne viens pas, je me casse et tu te démerdes pour expliquer à tes parents que tu n'as pas pu aider ton frangin. Il est peut-être en danger et nous devons absolument avoir ce qui se trouve au bout de ces marches pour le sauver. D'ailleurs, il est peut-être au fond de cette... cave. Nous sommes peut-être sa seule chance de survie et nous restons là à nous disputer pendant qu'il agonise. Ou pas. A toi de voir si tu veux prendre le risque.

- Vous n'êtes pas bien net dans votre tête. D'accord, on y va ensemble, mais vous restez à mes côtés et s'il y a des serpents ou des araignées vous devrez me porter.

S'il y a ce genre de bestiaire, je serais le premier à crier comme une fillette, mais je préfère ne pas lui dire.

Nous passons de la lumière et la chaleur à la noirceur et au froid. Il ne doit pas faire plus de dix degrés sous terre. Sophie va probablement ne pas avoir très chaud car sa tenue est adaptée au climat de la surface du Nouveau-Mexique et non à celui de ce souterrain. Je ne l'entends pas se plaindre. Ses émotions ont dû prendre le dessus sur ses sensations. Je n'aurais pas du insinuer que son frère pouvait être en danger de mort. Il y a peu de chance qu'il soit ici vu que le sable sur le sol ne laissait en aucun cas présager d'une trappe cachée avant que nous l'ouvrions. Par conséquent, personne n'est sûrement venu ici depuis des siècles. C'était le seul moyen que j'ai trouvé pour la convaincre de me suivre. Ce n'était pas très orthodoxe de ma part mais je l'assume.

Nous progressons relativement lentement le long d'un couloir interminable. A la lumière de nos smartphones, nous ne pouvons pas voir le bout de cet escalier. Il est difficile d'aller plus vite car Sophie est accrochée à mon bras, ce qui est gênant pour marcher à un rythme plus soutenu mais ça ne me déplait pas totalement. Ça me donne un sentiment de puissance, alors que je suis aussi apeuré qu'elle. Je ne lui montre rien, je joue au « bonhomme », sûr de lui. C'est typiquement masculin comme façon de faire. Je me dis que si nous montrions un peu plus nos faiblesses, ça nous éviterait bien des ennuis. A mes côtés, la femme qui a tellement d'assurance quand elle me remet à ma place a totalement disparue. J'ai une fillette tremblotante collée contre mon corps. Du coin de l'œil, je peux apercevoir son regard inquiet. Serais-je capable de protéger Sophie s'il se passait un évènement vraiment dangereux ? Autant être honnête avec moi-même, probablement pas.

Le Geek Ultime (1. Genesis)Där berättelser lever. Upptäck nu