Yonaguni - 9

83 25 4
                                    

- Angus, nous ne pouvons pas rester sans rien faire pour sauver notre peau. Je ne veux pas mourir ici au milieu de ces statues de monstres.

- Il doit forcement y avoir une autre sortie quelque part. Fouillons la pièce !

Pourquoi nous ne l'avons pas fait plus tôt. Je ne serais l'expliquer. Enfermé dans notre désespoir, nous nous y complaisons. La nature humaine est ainsi faite, nous aimons nous enfoncer dans notre désespérance. On s'y installe, on s'y love et il est difficile d'en sortir. Il faut trouver une motivation assez forte pour aller contre cette pulsion masochiste qu'est l'auto-flagellation de l'esprit. Trouver une sortie pour vivre me semble être un objectif suffisamment fort pour bouger et se remotiver.

Après avoir fait le tour de la bibliothèque en tâtant tous les murs, en essayant de repérer des souffles d'air et en poussant sur l'autel de toutes nos forces. Il faut se rendre à l'évidence. Rien. Il n'a rien. Aucun mécanisme caché ou aucune porte dérobée. La civilisation qui a créé ce lieu n'était pas assez évoluée pour inventer la porte de secours, pour notre malheur.

- Il y a peut-être une solution dans les livres, dit-elle.

Sophie est plus réactive que moi. Elle a l'esprit vif depuis que cette vibration est continue et de plus en plus forte. J'ai l'impression d'avoir mes connexions neuronales congelées. A cause des gravats qui nous tombent dessus et devant l'urgence de notre situation, j'ai du mal à me concentrer sur autre chose que notre mort prochaine. J'exécute ce qu'elle me dit de faire. Elle est la tête, je suis les bras.

J'hésite quand même avant d'en prendre un. Je dois garder mon sang-froid, me maîtriser de nouveau pour éviter que la situation n'aille en s'empirant. Qu'est-ce que nous a dit Indy pendant son monologue de super vilain ? Il nous a précisé que finalement les livres n'avaient jamais été piégés et qu'il était l'auteur de l'éboulement de Cibola. Je peux donc sans risque en prendre un. Mais dois-je faire confiance à un homme qui a essayé de me tuer ? La tentation est trop forte et la situation trop désespéré pour se poser des questions auxquelles personne ne me donnera la réponse. Je dois prendre ce risque.

Il y en a tellement. Mon instinct me guide vers l'ouvrage numéroté 23, comme le nombre obsédant du film avec Jim Carrey. Je le touche du bout des doigts. Je n'ose l'agripper. Cet instant semble durer une éternité. Plus d'hésitation à avoir, je le sors d'un coup de son emplacement en fermant les yeux de peur que quelque chose de létal et de fulgurant et de létal ne m'arrive. Rien ne se passe. Le plafond vibre toujours mais aucun autre phénomène ne se produit. Je vais enfin savoir ce que révèlent les livres de Cipango.

Le vingt-troisième ouvrage est écrit dans une langue que je n'arrive pas à déchiffrer. Tout du moins dans un premier temps car les lettres changent pour s'adapter à ma langue natale. C'est fascinant ! Et quand je comprends ce que je suis en train de lire ça devient effrayant. C'est une encyclopédie sur la fabrication de monstres. Ça parle de leur force, de leur faiblesse et de la composition de leur organisme. Je n'ai jamais été bon en biologie et en science naturelle, par conséquent je ne comprends pas grand-chose aux formules présentes dans ce livre. Par déduction, je saisis que ça sert à en produire en masse. J'ai devant moi la séquence de fabrication des Mogwais. Il est expliqué que de nature gentil, ils deviennent des êtres monstrueux si on les nourrit après minuit. L'implantation en territoire ennemi se fait innocemment via des animaleries. Le petit animal de compagnie trop mignon se transforme en arme de destruction terrible. Mais qui a créé cette bibliothèque ? Quel est l'intérêt d'avoir une telle connaissance si barbare ? Les pages suivantes sont sur le même sujet : comment éradiquer des peuples grâce à des monstruosités.

L'ouvrage est fragile. Ce n'est pas du papier ordinaire, il semble légèrement plastifié, ce qui est étonnant pour un livre ayant plusieurs siècles. Je réalise que je tiens un livre qui vient d'une époque où le dessin rupestre était le seul moyen de transmission. Malgré la matière qui le compose, le temps et l'humidité ont tout de même fait leur travail de dégradation. Certaines pages se désagrègent sous mes doigts. Je le range dans son emplacement avant qu'il ne tombe totalement en morceaux. Je ne vais rien apprendre qui me permette de ne pas me faire écraser dans un éboulement.

- Nous ne trouverons aucune réponse dans ses livres.

Sophie fait le même constat de son côté. Nous sommes dans la merde jusqu'au cou. Je ne vois pas comment ça pourrait être pire. De nouveaux tremblements secouent l'édifice. Une fissure s'ouvre au plafond laissant passer un filet d'eau. Et voilà, c'est pire ! Une nouvelle perspective de mort s'offre à nous : la noyade. Je ne dois pas me laisser abattre, nous devons réagir. Il y a sûrement une solution à cette situation catastrophique.

La pièce se rempli rapidement. Le niveau d'eau ne cesse de monter et nous arrive déjà au niveau des chevilles. Je regarde Yoshi, que nous avons équipé de sa bouteille d'oxygène, être immergé.

- Aide-moi Sophie ! Nous devons monter Yoshi sur l'autel sinon il va se noyer.

Mais oui ! C'est ça la solution ! Le yakusa ne va pas mourir asphyxié et nous non plus, il nous reste de l'oxygène Si l'eau monte et que le trou dans la structure s'agrandit, nous pourrons peut-être sortir. C'est un pari risqué et ça ne sera probablement pas sans danger, mais à choisir, je préfère mourir dans l'action que dans l'attente.

- Laisse tomber Yoshi et viens vite avec moi. Nous devons récupérer le matériel de plongée.

Sophie m'emboîte le pas vers les bouteilles toujours au sol près de ce qui reste des deux majestueux dragons. La chance nous sourit enfin car c'est au moment où nous finissons de nous équiper que le plafond s'éventre. Des trombes d'eau nous tombent dessus. D'énormes blocs de pierre nous frôlent. Nous courrons vers Yoshi, je réussi à le rattraper avant qu'il n'aille s'écraser contre une des statues. Sophie s'accroche à moi, je lui fais signe de plonger. Il ne faut surtout pas que nous restions en surface. La puissance des remous est trop dangereuse, nous prendrions le risque inutile d'être repoussé violement contre une paroi. Je maintiens le corps inconscient de Yoshi dans les profondeurs en m'accrochant au Rancor, chose que j'aurais évité si nous étions dans Star Wars.

La pièce met peu de temps à se remplir. Après le brassage que nous avons du subir, le calme revient quand elle est complètement pleine. Des rochers continuent de couler autour de nous. Nous ne devons pas nous éterniser ici. J'aperçois un passage plus clair dans le plafond immergé de la bibliothèque. Je le pointe du doigt et fais signe à Sophie de remonter. La brèche est suffisamment grande pour que l'on puisse sortir.

Un dernier regard à la bibliothèque. Les livres ont été détruits par l'eau. Des lambeaux de papier flottent autour de nous, illisibles. Tous ces évènements sont dramatiques. Notre aventure a viré au cauchemar. Yoshi est aux portes de la mort et nous aurions du le rejoindre sans ce coup de chance. Jack est aux mains d'Indy. Encore une cité de perdu. A cause de mon manque de discernement, il en sera de même des deux dernières. Quel gâchis !

Le Geek Ultime (1. Genesis)Where stories live. Discover now