Yonaguni - 8

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      La respiration de Yoshi est faible. Le sifflement qui sort de sa bouche est inquiétant. La balle à l'air d'avoir traversé son corps, il a également une plaie ouverte dans le dos. La seule bonne nouvelle, c'est que ça s'est arrêté de saigner. J'utilise une de nos bouteilles de plongée pour lui insuffler de l'oxygène et tenter de le maintenir en vie. Pour combien de temps ? Je ne peux pas me résoudre à le laisser mourir. Pourtant, je gâche peut-être cet air si vital pour rien. Quand sa bouteille sera vide, vais je lui donner la mienne ou la garder pour avoir quelques minutes de plus à vivre dans ce cauchemar ? Sophie sera t'elle prête à un tel sacrifice ? Nous bâterons nous pour de l'oxygène en boîte ? Combien de temps durera notre supplice ? Tant de questions sans réponses. Peu importe, la finalité sera toujours la même. Cette aventure nous aura menés à la mort. J'en viens à regretter ma vie d'avant.

- Merde ! Je sais que c'est la fin et au lieu de chercher des solutions, je m'apitoie et je pense à mon patron. Je suis trop nul.

- Je me demandais comment tu t'étais retrouvé dans ce job avec ton niveau d'étude et tes connaissances. Tu pouvais prétendre à mieux.

Nous sommes tous les deux assis côte à côte sur les marches menant à l'autel, au centre de la bibliothèque. La pression étant retombé, la fatigue s'est fait sentir. Nous étions résignés concernant notre sort et nous avons eu besoin de nous rapprocher après avoir équipé Yoshi. Mon genou touche le sien. Ce seul contact suffit à me sentir mieux, plus apaisé.

- Est-ce bien le bon moment pour en parler ?

- On est coincé. Personne ne viendra nous sauver. On va surement mourir ici. Tu veux parler de quoi ? De la souffrance qui nous attend.

Sophie a besoin de se changer les idées. Chacun réagit différemment face à la perspective d'une fin proche. Je préfère qu'elle ait cette réaction plutôt qu'une crise d'hystérie. Elle paraît sereine comme si elle savait dès le début vers quel avenir notre quête nous mènerait. Je me range à son idée de discuter, après tout, que pourrions nous faire d'autres. Ça a un air de confession ultime avant le grand départ. Autant dire ce que j'ai sur le cœur.

- Je ne suis pas courageux. Je suis resté immobile face à Indy, comme je le suis face à mon patron. Je ne sais pas prendre de décisions qui me demandent d'affronter mes peurs. Que ce soit dans ma vie personnelle ou professionnelle, je suis figé et fébrile. Je suis quelqu'un de faible.

- Tu te trompes. Tu es quelqu'un de courageux. Bien sûr, tu n'es pas du genre baroudeur, un héros sans peur et sans reproche. Mais tu as eu assez de force en toi pour me protéger de l'explosion. Tu as déployé beaucoup d'énergie pour venir à mon secours lorsque j'ai perdu mon détendeur. Face à Indy, moi aussi j'étais figé par la peur. Il était armé et venait de tirer sur Yoshi. Personne ne te demande d'être un surhomme.

- J'avais peur de ce que tu pourrais penser de moi si je ne réussissais pas à le maitriser. Je n'ai pas bougé par manque de confiance en moi. Ça ne m'était jamais arrivé de me faire braquer et pourtant, avec tous les films que j'ai vus et les jeux vidéo auxquels j'ai joué, ça ne m'a pas tant choqué que ça finalement. Ça arrive tout le temps au cinéma. Personne ne meurt vraiment dans les mondes virtuels. On n'y croit plus à la mort par balle. C'est inquiétant mais on s'habitue ! Dans mon univers, il n'est pas anormal de se faire tenir en joue par le méchant et dans mon esprit, plusieurs solutions étaient réalisables pour l'amener à faire une erreur. Mais rien n'est sorti de ma tête car mon corps s'est trouvé bloqué par ce concept : de toute façon, je n'y arriverais pas.

Je me fais froid dans le dos. C'est affreux de dédramatiser cet acte si peu anodin de se faire mettre en joue par une arme. Si j'avais réussi à maitriser Indy, je serais devenu un héros aux yeux de Sophie. Sinon, je serais passé pour un looser et je n'aurais pas pu le supporter. Il aurait alors pu m'abattre sans que je me débatte, la mort aurait été plus douce que ses sarcasmes et la déception que j'aurais pu lire dans le regard de Sophie.

Le Geek Ultime (1. Genesis)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant