Retour à Paris - 1

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      Il y a maintenant 6 mois que le jet en provenance de l'île de Pâques a atterri à Orly. Je me sens seul et me morfonds à repenser à ce que j'aurais du dire ou ce que j'aurais du faire. Depuis les évènements extraordinaires que j'ai vécu à travers le monde avec Sophie, ma vie me semble fade et sans intérêt. « L'hiver vient » disent-ils dans la série Game Of Thrones. L'hiver est déjà présent dans le ciel de Paris et également dans mon cœur. Je me demande où est Sophie en ce moment. A-t-elle une pensée pour moi ?

Mon patron a accepté de me reprendre, après que je me sois abaissé à le supplier. J'ai du lui expliquer pourquoi un japonais l'avait insulté au téléphone. Je lui ai raconté une aventure abracadabrantesque avec des cités mystérieuses enfouies aux Etats-Unis, au Japon et sur L'Île de Pâques. Finalement, rien de très différents de ce que j'ai l'habitude de lui servir. Qui pourrait croire ça ? Il a eu l'air d'apprécier le fait que je me serve de l'actualité pour inventer cette histoire à dormir debout. Le réveil du Rano Raraku avait fait les gros titres. Je finis par croire qu'il aime bien que je le baratine, ça doit mettre un peu de piment dans sa petite vie si bien rangée de patron. Ça lui change de tous les autres moutons qui bossent pour lui.

Depuis que j'ai repris le travail, je ne suis plus le même. Je ne suis toujours pas l'employé du mois mais je suis rentré dans le rang. Je bosse de manière automatique, je n'y mets aucune émotion. Un robot serviable aux ordres de son maître. Il en est fier et se vante de m'avoir domestiqué. Je suis devenu son nouveau jouet. Angus fait ci ! Angus va chercher ça ! J'obéis sans discuter. Je fais parti d'un système qui ne me convient pas mais j'en suis prisonnier. Inadapté mais soumis par obligations. Comment se nourrir ou se loger sans salaire ? J'ai tellement fait n'importe quoi professionnellement que mon CV ne me permet plus d'accéder à des emplois qui répondent à mon besoin de liberté. Je ne peux m'en vouloir qu'à moi-même.

Je pense souvent à Sophie, à tout ce que je ne lui ai pas dit. Quand j'y pense, mon corps souffre de ce manque jusque dans le fond de mon âme. Parmi les milliards d'êtres qui peuplent cette planète, j'ai enfin trouvé quelqu'un que j'aime et j'endure son absence. Une personne sur sept milliards. Comment ai-je pu la laisser seule avec son deuil ? Elle me l'a demandé mais j'aurais du insister. Je n'arrête pas de repenser aux mots qu'elle a utilisés pour m'évincer de sa vie. Elle a été si froide, si dure avec moi. C'est affreux de penser avec le recul que ce puisse être un appel au secours. J'ai été lâche en quittant cette île. Ensuite, je n'ai pas osé aller à l'enterrement de son frère. La cérémonie a pourtant eu lieu à Paris. Aurait t'elle apprécier que je vienne ? Je n'aurais pas supporté qu'elle me rejette une fois de plus. Je n'aurais pas pu soutenir son regard. Takeshi m'a dit qu'il avait fait livrer une gerbe de fleurs. Même ça je n'y ai pas songé. Je suis pitoyable. J'ai essayé de l'appeler trois fois sans laisser de message. Je savais qu'elle ne me répondrait pas. Mon numéro a du s'afficher dans les appels reçus et pourtant elle n'a pas tenté de me joindre, ne serait-ce que pour me dire de ne pas l'importuner. Elle ne veut vraiment plus entendre parler de moi. Je sais que ma présence lui remémorerait ce jour fatidique. Elle a besoin de tourner la page et elle ne souhaite pas que je passe parti de celle d'après.

Grâce à Tak, je sais qu'elle a habité à New York chez ses parents avant de revenir vivre à Paris, il y a un mois environ, dans la maison ronde de son frère. Je remercie ce petit otaku de ne pas avoir arrêté de tracker nos téléphones portables. J'aime savoir qu'elle n'est pas loin de moi. Peut-être nous croiserons-nous par hasard. Il est difficile de ne pas forcer le destin. Je souhaite tellement la revoir mais je dois lui laisser du temps pour se reconstruire. Ce n'est pas à moi de faire le premier pas.

Par moment, je pense aussi à ce traitre d'Indy. A-t'il trouvé et détruite la dernière bibliothèque ? Takeshi m'a appelé la semaine dernière. Cela faisait plusieurs semaines que je n'avais pas eues de ses nouvelles. Depuis l'enterrement de Jack, nous n'avions jamais reparlé d'Indy. Nos conversations se portaient sur l'état de santé de Yoshi depuis qu'il était sorti du coma et des banalités concernant les dernières productions animées japonaises. Mais lors de son dernier appel, il m'a dit qu'il avait suivi la piste d'Indy jusque sur le plateau de Nazca au Pérou où il était resté pratiquement deux mois. Ce lieu est dans la lignée de ceux que l'on a découverts. Il s'y trouve les plus grands géoglyphes du monde. Cette cité aurait peut-être pu répondre à nos questions. A cause de ce salaud de Robert « Indy » Baratheon, nous n'avons jamais pu prendre le temps de les explorer et nous n'en aurons plus jamais l'occasion.

Le Geek Ultime (1. Genesis)Where stories live. Discover now