- Tu penses qu'il est où ?
- De quoi ?
- Le médaillon.
Fiona soupira. Elle était assise auprès d'Ilåna, elle-même allongée dans un lit de l'infirmerie. Aussitôt qu'Ilåna était arrivée, traînée de force par son amie, Mme Pomfresh avait nettoyé sa blessure avec de l'essence de Dictame. La plaie sanglante s'était vite réduite à trois estafilades blanches de la forme des griffes du sphinx. Après quoi, Madame Pomfresh lui avait ordonné de rester à l'infirmerie jusqu'à la fin de la journée.
- Tiens-toi tranquille, surtout, avait-elle dit. Se battre avec un sphinx, si jeune ! Non mais on n'a pas idée !...
Elle s'était éloignée en marmonnant, et avait laissé Ilåna avec une question. Qu'est-ce que le sphinx faisait dans la Salle des Trophées ? Il n'était sûrement pas là tous les jours à surveiller les intrus, sinon des élèves seraient morts depuis bien longtemps.
Ilåna n'avait plus mal au bras, mais elle commençait à ressentir des fourmis dans les jambes à être restée allongée toute la journée. Elle remua pour se dégager des couvertures.
- Tout doux, dit Fiona. Tu dois rester allonger.
- Je n'ai plus mal, répliqua Ilåna. Je n'ai pas envie de rester ici toute la journée. Encore un jour de vacances gâché...
- Comme si ça t'importait, les vacances, dit Fiona en haussant les sourcils.
C'était vrai. Depuis le début des vacances de noël, Ilåna n'avait fait que penser au médaillon, à sa mission, à sa sœur. Comment aurait-elle fait autrement, de toute manière ?
Elle se redressa dans son lit.
- Il y a trois endroits où il pourrait être, dit-elle.
Fiona souffla.
- Oublie ce médaillon 5 minutes, ok ? On a failli mourir pour cette fichue babiole. Maintenant, j'aimerais bien reprendre une vie normale, si ce n'est pas trop demandé.
- Et si la femme – la déesse – revenait prendre possession de ton corps ? s'énerva Ilåna. Qu'est-ce que tu dirais ? Moi aussi, j'aimerais bien une vie normale ! J'aimerais bien que ma sœur ne soit pas en danger de mort, que ma mère ne soit pas portée disparue, et que ma meilleure amie ne risque pas d'être carbonisée à tout bout de champ ! Merci.
Fiona avait les yeux écarquillés par ce discours, et elle ne répondit rien. Ilåna se calma.
- Il faut retrouver le médaillon et l'envoyer à la déesse avant qu'il ne soit trop tard, reprit-elle.
- Même après ce que Dumbledore t'a dit ? Tu ne penses pas que c'est un piège ?
- Peut-être bien, dit Ilåna. Peut-être qu'elle m'en veut, va savoir pourquoi. C'est sûrement elle qui a fait infiltrer le manticore, d'ailleurs, peut-être même le sphinx.
- Ça, c'est incohérent, releva Fiona. Pourquoi aurait-elle envoyé un sphinx pour t'empêcher de trouver le médaillon ?
- Je ne sais pas, pour me tester, peut-être. Voir si je tiendrais le coup.
- C'est louche, dit Fiona, qui avait l'air sérieusement inquiète.
- Je sais. Mais tu vois une autre solution ?
Fiona ne répondit pas.
- Soit Dumbledore l'a remis dans la salle des Trophées, soit il l'a gardé dans son bureau, soit c'est Mac Gonnagall qui l'a.
- Allons-y, dit Fiona.
Ilåna sortit du lit.
Elles se rendirent d'abord au bureau de Mac Gonnagall, au deuxième étage, en courant dans les couloirs vides. A une cinquantaine de mètres du bureau, elles ralentirent et s'avancèrent silencieusement, pour se cacher derrière une colonne.
On entendait distinctement le frottement d'une plume sur un parchemin à l'intérieur de la pièce. Ilåna et Fiona retinrent leur souffle plusieurs minutes, attendant que la directrice-adjointe se décide à sortir de son bureau.
- Je vais l'occuper, chuchota Fiona.
- Non, attends !
Avant qu'elle n'ait pu l'entendre, Fiona était sortie de sa cachette et s'était avancée dans le couloir. Elle brandit sa baguette et prononça une formule qui n'existait pas : « Calendula ! ». Aussitôt, plusieurs explosions jaillirent de sa baguette, de manière incontrôlable. Les murs furent ébréchés.
Mac Gonnagall souffla et sortit de son bureau. Fiona se déplaça hors de sa vue et reprit ses formules sans sens « Citrouille chevelue ! Bave de Crapaud ! Abracadabra ! Shazame ! ». Ilåna entendit sa voix et les bruits d'explosion diminuer, tandis que Mac Gonnagall s'éloignait. Elle pénétra dans le bureau. C'était un joyeux bazar. Des étagères massives supportaient des dizaines d'ouvrages. Des cartes, des dessins de métamorphoses – d'animaux en humains, d'humains en objets, d'objets en animaux – étaient suspendues aux murs. Le bureau était encombré d'une épaisse pile de parchemins, de plumes et d'un encrier. Il y avait de nombreux tiroirs.
- Où es-tu, petit médaillon... ? murmura Ilåna.
En supposant qu'il soit là.
Elle entreprit de regarder partout, mais sans rien déplacer. Elle devait faire vite. Manifestement, le médaillon n'était pas sur les étagères ni sur le bureau. Elle ouvrit un tiroir étiqueté à l'encre verte « Objets confisqués ». Elle y trouva différentes sortes de bonbons, une peau de lézard, un sac rempli de pièces d'or, une plume, mais pas de médaille. Elle ne s'attarda pas sur les autres objets du tiroir – pourquoi une plume ? D'où venait ce sac rempli d'or ? – et se tourna vers un autre, étiqueté "Reliques". A l'intérieur se trouvaient des morceaux d'os taillés, des petits objets gravés, mais surtout un parchemin vierge qui attira l'attention d'Ilåna. Que faisait un parchemin vierge dans le tiroir des Reliques ?
Elle le sortit du tiroir et le déplia. Aussitôt, une forme se dessina à l'encre noire sur le parchemin : il s'agissait du château de Poudlard, en miniature. Le nom de l'école était calligraphié en-dessous.
Puis, à toute vitesse, se tracèrent les continents et les océans, plaçant l'école au Nord de l'Écosse. D'autres bâtiments se dessinèrent ensuite sur les différents continents : un palais aux allures orientales, du nom de « Beauxbâtons », se dressa sur la côte Est de la France. Dans un pays du Nord de l'Europe se dressa une forteresse aux allures médiévales du nom de Durmstrang. Ilvermorny aux Etats-Unis, Uagadou en Afrique, Mahoutokoro au Japon...
Les différentes écoles de sorcellerie restèrent quelques secondes immobiles, puis d'autres images, plus petites, se formèrent sur la carte. De petites obélisques se dressaient un peu partout dans le monde, avec un numéro de « Nome » en-dessous. Le Nome 1, en Égypte. Le Nome 14 à Paris. Le Nome 100 au Canada. Le Nome 234 à Tokyo. Il y avait un nombre incalculable de Nomes, ils étaient si nombreux que les obélisques se dessinaient puis se déduisaient à un point sur la carte. Les nomes et les écoles de Magie restèrent ainsi quelques secondes, puis deux nouveaux symboles se formèrent sur la Carte. Sur la Côte Ouest des États-Unis était dessiné un rameau d'olivier avec le nom « Camp Jupiter », tandis que vers New York se dressait un temple grec, avec l'indication « Colonie des Sang-Mêlé ».
Ilåna se sentit défaillir.
Sang-Mêlé, répéta-t-elle dans sa tête. Colonie des Sang-Mêlé.
C'était ce qu'elle avait lu sur le T-Shirt d'Åna, dans l'un de ses rêves –
Ilåna se réveilla brusquement en entendant le pas régulier de Mac Gonnagall raisonner sur la pierre.
- Bon, retournez à vos occupations, maintenant, dit-elle à Fiona. J'ai autre chose à faire que la police dans les couloirs.
Ilåna prit la carte, referma le tiroir puis se faufila derrière la colonne. La directrice-adjointe rentra dans son bureau.
Quelques minutes plus tard, Ilåna rejoignit Fiona dans le couloir.
- Alors ? demanda-t-elle.
Ilåna secoua la tête.
- Allons voir dans le bureau de Dumbledore, dans ce cas, dit Fiona.
Ilåna ne répondit rien, mais elle suivit Fiona dans les couloirs. La vue de la carte l'avait troublée. Elle plia le parchemin et le fourra dans sa poche.
- Merci d'avoir occupé Mac Gonnagall, dit-elle.
- Oh, c'était rien, répondit Fiona en souriant. Ça m'a coûté dix points, mais ça valait la peine ! ... Enfin, non, mais c'était marrant.
Elles montèrent jusqu'au bureau de Dumbledore. Ilåna se rappelait du mot de passe que Mac Gonnagall avait utilisé la veille, mais elles n'avaient aucun moyen de prévoir si le directeur s'y trouvait ou non. Ilåna décida de lui poser la question du sphinx si jamais il était là.
- Fizwizbiz ! s'exclama-t-elle.
Alors que la gargouille en forme d'aigle se tourna lentement pour laisser apparaître un escalier, Ilåna se demanda pourquoi Dumbledore s'amusait à prendre des noms de bonbons pour ses mots de passe. L'avantage, c'était que si jamais elle voulait pénétrer dans le bureau sans y être invitée, elle n'aurait qu'à crier tous les noms de friandises qui lui viendraient à l'esprit, jusqu'à trouver la bonne.
Fiona et Ilåna montèrent sur la première marche de l'escalier tournant qui les amena à la lourde porte noire. Ilåna frappa, mais la porte était déjà ouverte.
- Professeur ? demanda Ilåna en passant sa tête par l'ouverture.
Elle n'obtint pas de réponse, ce qui l'inquiéta légèrement. Dumbledore était toujours dans son bureau, sauf pendant les repas. Où était-il ?
Elles entrèrent. La médaille était toujours posée sur le bureau.
- Ah, super, dit Fiona. On la prend et on s'en va.
Elle saisit la médaille et tourna les talons.
- Attends, dit Ilåna.
Fiona s'arrêta et la regarda avec incompréhension.
C'était beaucoup trop simple. Dumbledore devait se douter qu'elle ne renoncerait pas si facilement à récupérer le médaillon, alors pourquoi ne l'avait-il pas caché, rendu imprenable ? A moins qu'il soit protégé par un sortilège qui le ferait hurler dès qu'elles sortiraient des appartements du directeur.
La porte ouverte, le professeur absent... Tout portait à croire que Dumbledore avait voulu qu'Ilåna récupère la médaille, alors qu'il l'en avait défendu la veille. Pourquoi ?
- Allons-y, dit Ilåna.
Elles sortirent du bureau sans que la médaille n'explose dans leurs mains, et aucune sirène ne se fit entendre.
Une heure plus tard, Fiona et Ilåna se rendirent à la volière, le médaillon enveloppé grossièrement. Ilåna emprunta un des hiboux de l'école et attacha le paquet à l'une de ses pattes.
Elle pensait aux avertissements de Dumbledore, à la carte. Peut-être qu'elle venait de trouver une piste vers sa sœur. Et pourtant, elle préférait obéir à la déesse. Par précaution, parce qu'elle savait qu'elle la mènerait à coup sûr vers Åna. Par peur, aussi, que la déesse revienne s'emparer du corps de sa meilleure amie.
Dès qu'elle eut fini son nœud, le hibou s'envola dans le ciel blanc et elles descendirent pour le dîner.