- Tu as entendu ça ? fit Åna.
Ilåna hocha la tête. Non seulement elle l'avait entendu, mais elle le sentait. Une autre horde de monstres approchaient. Et certains étaient bien plus coriaces que les Ogres de Terre.
- Il faut aller au Pin de Thalia, dit Åna.
- Mais, et ici... ?
Si elles fuyaient, les Ogres de Terre n'auraient plus aucun obstacle pour atteindre la forêt, et de là, envahir la Colonie. Les dryades, les satyres, mais aussi leurs amis seraient en danger.
Åna hocha la tête.
- J'ai une idée, dit-elle.
Elle brandit son arc, et sortit une flèche, puis une seconde, puis une troisième. Elle les décocha à une vitesse folle, visant les Ogres de Terre sans hésiter. Dix flèches plus tard, les Ogres de Terre qui les assaillaient étaient tombés en poussière.
- Mais, et s'ils se reforment... ? demanda Ilåna.
- Oh, c'est sûr qu'ils vont se reformer. Il faut trouver un moyen de les attirer ailleurs.
Elle entraîna Ilåna plus haut sur la colline, en espérant qu'ils les suivent, mais ils commençaient déjà à se reformer. Réfléchis, se dit Ilåna tout en courant. Elle retransforma son épée en baguette, cherchant un sort qui pourrait leur être utile. Finalement, elle se retourna.
- Aguamenti !
Aussitôt, des gerbes d'eau jaillirent de sa baguette, et transformèrent le sol en flaques de boue. Les Ogres de Terre se reformaient toujours, mais cette forme était difficilement tenable, ils glissaient, avançaient lentement et devaient se reformer en même temps que leur corps se décomposait.
- Aguamenti maxima ! dit alors Ilåna.
Elle n'avait jamais tenté cette formule avant, mais théoriquement, ce n'était qu'une démultiplication de puissance. Elle se concentra, essaya de visualiser une énorme quantité d'eau jaillir de la baguette, sous la forme d'une vague qui feraient éclater les Ogres de boue, et les enseveliraient définitivement au fond d'une marre.
Ce fut presque le résultat attendu. L'eau se déversa sur les Ogres de terre, et coula le long de la colline, en empêchant d'autres de se reformer.
- Pas mal, commenta Åna. Maintenant, il faut y aller.
Elle s'élança, et Ilåna courut pour la rattraper. Elle jeta des coups d'œil en arrière, pour voir si les Ogres ne se reformaient pas, mais ils disparaissaient déjà dans la nuit. Elle pria pour que ses amis s'en sortent, si la forêt était finalement attaquée.
En haut de la colline, des jets de flammes émergeaient à nouveau, mais c'était le dragon protecteur de la Toison d'or qui s'agitait. Quand Åna et Ilåna arrivèrent, il se battait contre d'autres Ogres de Terre, mais aussi un lion gigantesque, et des géants bien plus grands que les Ogres de Terre, qui semblaient également plus assoiffés de sang.
- Super, fit Åna. Le Lion de Némée. Et mes amis les Lestrygons.
- Tes, heu... Tes amis ?
- Ils ont volé la Toison d'Or une fois, j'ai fait une Quête pour la récupérer. Bref, il vaut mieux éviter qu'ils s'en prennent à elle à nouveau.
- En effet, acquiesça Ilåna, en se disant que ce n'était pas le moment de poser plus de questions sur la vie mouvementée de sa sœur.
Elles s'avancèrent pour essayer d'aider le dragon, qui lançait des gerbes de flammes sur les Lestrygons sans les faire reculer, tout en poussant des cris de détresse. Il allait et venait devant la Toison d'Or, manifestement paniqué devant des ennemis si nombreux.
Åna saisit une flèche dans son carquois qui s'était à nouveau rempli, et visa l'œil d'un des Lestrygons, qui recula en criant. Mais les autres arrivaient en renversant les arbres, et l'un d'eux donna un coup de pied qui fit rouler le dragon quelques mètres plus loin. Celui-ci se redressa et cracha des flammes encore plus vives, qui firent reculer Åna et Ilåna. Ilåna se retrouvait face au Lion de Némée, qui s'approcha en griffant le sol d'un air menaçant.
Combien de monstres ais-je affrontés aujourd'hui ? se demanda Ilåna, en se rendant compte qu'elle avait les pensées étonnamment claires malgré son cœur qui battait à tout rompre et son souffle court. Je peux le faire.
Le lion plia ses pattes, et les tendit pour bondir sur elle, mais cette fois-ci elle avait son bouclier –
Elle le dressa au-dessus de sa tête, se préparant à devoir supporter le poids d'un lion gigantesque –
Mais au lieu de cela, le lion fut pulvérisé en arrière. Il s'écroula quelques mètres plus loin, alors qu'Ilåna se relevait.
Elle regarda son bouclier. Elle sentait l'énergie magique qui s'y déversait, plus grande encore que celle qu'elle avait sentie dans la Cloche. C'est moi qui ai fait ça... ?
- La Toison ! cria alors Åna.
Mais c'était trop tard. Le temps qu'Ilåna comprenne, se retourne, coure vers la Toison qui était restée à l'air libre alors qu'Åna était au corps-à-corps avec les Lestrygons et que le dragon avait une nouvelle fois été précipité au sol –
Un Ogre de Terre arriva, et se saisit de la Toison. Il la brandit d'un air triomphant, et Ilåna voulut courir pour le rattraper et la lui prendre. Mais, aussitôt... L'Ogre de Terre disparut.
Il tomba dans la Terre, et la Toison disparut avec lui.
- Par les dieux... souffla Åna.
Elle avait fui les Lestrygons pour essayer de récupérer la Toison, comme Ilåna, mais elle n'avait pas prévu le coup de l'Ogre de Terre.
- Heu, peut-être qu'on peut fouiller... ? suggéra Ilåna.
- Non, non. Gaïa n'aura sûrement pas crée des êtres aussi stupides. Il a pris la Toison avec lui. Tôt ou tard, il faudra la récupérer... mais ce n'est pas pour tout de suite. (Elle leva les yeux vers le pin de Thalia). Sans la Toison, il est bien probable que la barrière faiblisse... Il faut surveiller l'arbre le plus possible, d'accord ?
Ilåna acquiesça. Alors, elles poursuivirent le combat, dos à dos, repoussant les Lestrygons et le Lion de Némée tant bien que mal, mais le dragon s'essoufflait. Il avait été blessé, et s'il venait à s'évanouir, elles devraient combattre les monstres à deux, ce qui s'avérerait impossible.
Un des Lestrygons, qui avait enlevé les flèches d'Åna figées dans ses pieds, s'avança pour secouer le pin de Thalia.
- Noon ! hurla Åna.
Il n'arracha pas l'arbre, bien qu'il aurait sûrement pu le faire sans effort. Des milliers d'épines de pin tombèrent sur Ilåna et Åna, elles s'enflammèrent en partie. Ilåna sentit la barrière vibrer, faiblir, et puis disparaître. L'invasion commençait pour de bon.
- Il faut les tenir à distance, dit Åna.
- Non, dit Ilåna en fouillant dans son sac. Il nous faut... du renfort.
Elle ressortit la Corne dorée. Elle n'avait sûrement pas débloqué tous ses pouvoirs, mais ça restait une Corne, dont le but premier était de faire du bruit.
Elle souffla dans la Corne.
Un bruit grave, long et dissonant en sortit, plus fort que ce que cet instrument aurait normalement produit. Il se projeta dans la vallée, et produisit même une onde sonore qui fit perdre un instant l'équilibre aux Lestrygons.
- Wow, commenta Åna.
Wow, dit Ilåna dans sa tête. Décidément, cette Corne était pleine de surprises...
Elle dérapa, sentant son souffle se faire court.
- Ilåna... ?
Åna la rattrapa alors qu'elle était sur le point de s'écrouler sur le sol.
- Ça va, dit Ilåna. J'ai juste... soufflé un peu fort.
- Ah, ça oui, dit Åna en souriant. Ils ont dû t'entendre jusqu'à New York.
Ilåna sourit.
- Encore deux secondes, dit Åna. Je vais t'emmener à l'infirmerie.
- Non, non. (Ilåna se releva, et se détacha d'Åna). Je reste.
- Mais...
- Vous avez peut-être besoin d'aide... ? fit alors une voix.
Åna se retourna, pour voir H. qui s'approchait en souriant. Il portait une armure grecque dorée, et tenait son épée à l'épaule, en avançant d'une démarche détendue.
- Harry ! pesta Åna. C'est comme ça qu'on débarque sur un champ de bataille ?
- Sérieusement, fit H., c'est comme ça que tu me dis bonjour après deux ans ?
Sans s'arrêter de sourire, il s'avança alors vers un des Lestrygons, et lui lacéra les jambes. Le montre cria, mais il ne s'arrêta pas d'avancer. Il baissa son bras pour pulvériser le moustique qu'était H., mais celui-ci esquiva adroitement.
- Tu vois ? dit-il. Rien à craindre !
A ce moment-là, un autre Lestrygon abattit son bras dans le sol, ce qui creusa un trou dans lequel H. dérapa.
- Aïe aïe aïe, fit-il en se relevant.
Alors qu'Åna soufflait d'une telle incompétence, Ilåna vit d'autres personnes arriver. Elle ne reconnaissait pas la plupart, mais ils étaient environ une vingtaine, en tenue de la Colonie et en armure grecque. Ils se précipitèrent sur les monstres, et les encerclèrent, pour les attaquer ensemble. Un petit groupe s'approcha du Pin de Thalia.
- Par les dieux ! dit une fille. Il est tout abîmé !
Ilåna leva les yeux vers elle, et se rendit compte que son visage était familier, dans la lumière des flammes. Elle avait des boucles rousses, et un T-Shirt vert. C'était la fille qui s'appelait Fiona.
Elle ferma les yeux, et posa ses mains sur l'arbre. Quelques secondes plus tard, ses branches dénudées étaient à nouveau recouvertes d'épines. Ilåna sentit la barrière qui se reformait, mais elle était encore fragile.
- Cool... dit-elle doucement.
- Tu peux remercier les enfants de Déméter, dit alors une autre fille en souriant. La seule chose qui m'inquiète, c'est d'avoir perdu la Toison d'Or... et le dragon.
Elle lui fit signe de les suivre, donc Ilåna accompagna les filles un peu plus loin, pour trouver le dragon allongé, qui respirait avec difficulté. Son flanc saignait.
- Je suis douée pour guérir les plantes... dit Fiona en s'agenouillant près de mal. Mais pour lui, je ne sais pas si je vais y arriver.
- Laisse-moi faire, dit alors une autre fille.
Elle se pencha près du dragon, et posa ses mains sur lui, comme Fiona avait fait pour l'arbre. Ilåna sentit son énergie descendre lentement dans le corps du dragon, qui commença à respirer mieux.
- Ça va prendre du temps, dit la fille en grimaçant. L'idéal, ce serait d'avoir des enfants d'Apollon, un satyre, ou n'importe qui s'y connaissant en dragons...
- On va faire avec ce qu'on a, dit Fiona d'un air résolu. On te couvre. (Elle se releva, et sortit de sa ceinture deux cimeterres argentés). Allez, bungalow Déméter, en avant !
Alors que les filles chargeaient sur les Lestrygons, Ilåna jeta un œil autour d'elle. H. se battait lui aussi contre un Lestrygon, et Åna était seule contre le lion de Némée. Aucun, cependant, ne s'était avancé suffisamment pour menacer la Colonie, ils réussissaient à les tenir à distance. Mais la barrière était encore fragile, ce n'était pas impossible que d'autres monstres attaquent.
Ilåna saisit son épée, et courut vers le Lion de Némée.
Åna arrivait à lui tenir tête, et même si elle était essoufflée, elle n'était pas blessée. Mais l'animal n'avait aucune blessure, et les flèches que lui envoyaient Åna rebondissaient sur sa fourrure.
- Il est indestructible... ? demanda Ilåna.
- Non. Il faut viser sa langue. Mais il est rapide et il n'ouvre pas souvent la gueule, donc j'ai du mal.
- Je vois.
Sans plus attendre, Ilåna s'avança, et dérapa volontairement. Elle s'écroula sous l'animal, qui ouvrit la gueule pour la dévorer. Ilåna ne réagit pas. Elle serra les dents, essayant d'ignorer l'haleine de l'animal et ses dents tranchantes qui brillaient à-côté d'elle. Puis elle roula en avant et se retourna pour planter son épée dans la langue de l'animal. Il poussa un cri de douleur, et tomba en arrière. Mais il referma sa mâchoire, et Ilåna fut prise entre ses dents, qui arrachèrent la peau de ses jambes. Elle poussa un hurlement de douleur.
- Ilåna ! cria Åna.
Elle saisit son arc, et visa à l'intérieur de la bouche de la créature maintenant immobilisée. Elle fit attention à ne pas toucher à Ilåna, et envoya deux flèches reliées par une corde, en tournant autour de l'animal. Voilà qui bloquait la partie inférieure de sa mâchoire.
Elle s'avança et, à l'aide de son couteau, lacéra les gencives de l'animal. Ilåna, toujours à l'intérieur, retenait son souffle alors que du sang doré lui tombait dessus. Et puis, au bout d'un moment, l'animal poussa un dernier cri... et tomba en poussière.
Ilåna s'écroula au sol, et toussa. Elle avait la bave du lion et du sang dans les cheveux et sur ses vêtements... Mais elle était en vie. C'était quelque chose.
- Ilåna, fit Åna en s'agenouillant près d'elle. Tu es folle ? Pourquoi tu as fait ça ?
Elle l'aidait à se relever, tout en parlant à toute vitesse sans la regarder. Ilåna leva les yeux vers elle.
- Désolée, dit-elle, c'était stupide.
Åna soupira.
- Non, en vrai, c'était une bonne idée. Ton épée est puissante, il aurait dû tomber en poussière immédiatement. Mais les monstres de Némésis sont coriaces, apparemment... Écoute, la prochaine fois, préviens-moi juste avant, ok ?
Ilåna sourit.
- Ok.
En regardant autour d'elle, Ilåna vit une bande de gens en blouse, des Apollon probablement, apporter une civière pour porter le dragon, et accompagner les blessées, sûrement jusqu'à l'infirmerie. D'autres demi-dieux en armure remontaient la colline, et plusieurs Lestrigons avaient déjà été vaincus. Par contre, le feu dans la forêt en contrebas avait pris de l'ampleur, Ilåna pouvait maintenant distinguer nettement les flammes et la fumée noire qui s'en élevait.
C'est à ce moment-là qu'elle les entendit. Les hurlements des loups, ceux qu'elle reconnaissait depuis la Cloche, résonnaient dans les arbres derrière le pin de Thalia. Bientôt, une dizaine de loups blancs dévala la colline, passa sans problème la barrière magique, et encercla les Lestrygons en grognant.
- Bonjour, Ilåna, dit une voix.
Némésis descendait la colline d'un pas calme. A sa droite, il y avait Raoul, l'air concentré sur ses loups. Et à sa gauche... c'était Lois.
Il tenait une épée contre lui, et regardait Ilåna d'un air hargneux. Mais, Ilåna le voyait – il n'était pas là pour attaquer. C'était plutôt comme si l'épée lui servait de bouclier.
Malgré cela, Ilåna se sentit mal à le voir ainsi. Elle comprenait qu'il cherche à rester fidèle à Némésis, celle qui, même si elle n'était pas sa mère biologique, l'avait pris sous son aile et éduqué comme tel. Il n'empêche... Ça voulait dire qu'il les avait trahis pour de bon. Et ça, Ilåna n'arrivait pas à s'y faire.
- Alors, dit Némésis, tu as pris ta décision ?
Ilåna ne dit rien, et laissa la déesse descendre la colline. Étrangement, les Lestrygons s'étaient arrêtés d'attaquer, ils semblaient se sentir menacés par les loups, bien plus que par la quinzaine de demi-dieux qui les avait attaqués jusqu'alors.
- Je peux faire arrêter tout ça, dit Némésis. Il suffit... que tu te joignes à moi.
- Ah oui... ? (Ilåna s'avança à grands pas, et saisit son épée. Elle sentait le regard des autres demi-dieux tourné vers elle. Elle décida d'élever la voix). Vous joindre pour quoi ? Vous stoppez l'attaque sur le Camp, et alors ? Qu'est-ce que vous faites du reste du monde ?
- On ne peut pas arrêter le réveil de Gaïa, dit Némésis avec un sourire.
A ce moment-là, une détonation retentit au fond de la vallée, du côté de la forêt des dryades. Le sol s'agita. Des Ogres de Terre se formèrent peu à peu, directement à l'intérieur du camp. Il y en avait tout le long de la plaine, et aussi loin qu'Ilåna pouvait regarder.
- Oh non...
- L'invasion a déjà commencé, dit alors une autre voix.
Aussitôt, les Ogres de Terre se figèrent, comme stoppés par un filet invisible. En réalité, Ilåna pouvait sentir la force magique qui s'était abattue sur eux. Une forme sombre apparut dans le ciel, et Trivia atterrit doucement près d'elle, à la manière de Mary Poppins. Elle avait une main tendue dont les doigts étaient crispés. Ilåna comprit que, même pour une déesse puissante comme elle, maintenir figés des centaines d'Ogres de Terre n'allait pas être chose simple.
- Ilåna... dit Åna à-côté d'elle. Tu n'as pas à leur obéir. Quoi qu'il arrive, on pourra le battre. Ensemble.
Ilåna leva les yeux vers sa sœur. Ensemble, hum... ? Elle avait envie de rappeler à sa sœur comment elle avait pris la fuite, comment elle les avait laissés gérer trois déesses seuls... Mais non.
Åna était avec elle maintenant, et c'était tout ce qui comptait.
- Je sais ce que je dois faire, dit Ilåna d'une voix ferme.
Elle s'avança vers Trivia d'un pas ferme, sans que rien ne bouge autour d'elle. Elle pouvait sentir la tension ambiante, les monstres figés, les loups qui grognaient, Némésis prête à attaquer à chaque instant ; et tous les demi-dieux qui tenaient leurs arcs et leurs épée à portée de main tout en la suivant des yeux. Ilåna n'était pas habituée à une telle attention, elle aurait préféré faire ça au milieu du champ de bataille sans que personne ne la voie ou l'entende. En cet instant, tout son corps tremblait, elle aurait voulu courir se cacher quelque part. Mais elle n'en fit rien – elle continua d'avancer tête haute, à grands pas vers la déesse.
Quand elle arriva près d'elle, elle lui tendit la main.
- Oh, dit Trivia avec un sourire. Alors, c'est moi que tu as choisi ?
- Oui. Vous êtes plus raisonnable, et vous connaissez la magie. Vous êtes puissante, et je sais que vous protégerez Poudlard autant que la Colonie. (Ilåna releva la tête, et regarda la déesse droit dans les yeux). Je suis prête à m'allier à vous, et à vous confier les Reliques du guerrier.
- Voyez-vous ça, dit Trivia. Tu as fait un choix très judicieux. J'en suis honorée.
Elle tendit la main vers celle d'Ilåna.
- A une condition, dit Ilåna en retirant vivement sa main.
- Je t'écoute.
- Ça, dit Ilåna en pointant le champ de bataille. Je veux que vous l'arrêtiez. Et tout de suite.
- D'accord.
Trivia recula, et tendit son autre bras. Une énorme quantité de magie s'abattit sur tous les Ogres de Terre. Dans le processus, elle changea de visage et retrouva sa forme grecque, Hécate. A ce moment, des racines sortirent du sol et saisirent tous les Ogres de Terre en même temps, qui tombèrent en poussière, étranglés par les plantes grimpantes. Pour éviter qu'ils ne se reforment, Hécate aspergea le reste d'eau (quelque chose de magique un peu rigolo ?). Elle se retourna vers Ilåna, l'air essoufflé.
- Et les Lestrygons ? demanda celle-ci.
- Ils sont sous le commandement de Némésis. Mais, avec les Reliques, je pourrai les supprimer sans problème.
Ilåna hésitait à lui faire confiance, mais elle hocha la tête.
- Ok.
Elle tendit à nouveau sa main.
- Souviens-toi, dit alors Trivia, je ne peux pas empêcher Gaïa de se réveiller. Mais dans la guerre qui s'annonce, je te promets de vous protéger, toi et tes proches, et de m'assurer qu'elle perdra.
- Ça me va.
Alors qu'elle serra la main de la déesse, Ilåna se dit qu'elle avait définitivement pris la bonne décision. C'était le seul moyen d'empêcher que d'autres personnes meurent, le seul moyen de survivre face à Gaïa. Åna pensait à bien, mais ses idées n'étaient pas réalisables. Ilåna était prête à faire des sacrifices.
Alors, peu à peu, un filon argenté se tissa entre leurs deux bras, comme ça avait été le cas avec Fortuna. Ilåna ne put plus bouger son bras, alors que le filon se solidifiait et scellait leur accord. Maintenant que c'était plus calme, elle pouvait comprendre ce qui se passait. Le filon était une marque magique puissante, celle d'un Serment Inviolable. Elle en garderait une cicatrice toute sa vie, et sa vie resterait liée à celle de Trivia.
Elle attendit encore un peu... et puis, d'une main, saisit son épée et trancha le lien.
- Qu'est-ce que... Tu...
Trivia recula, l'air paniqué.
- Ce... Ce n'est pas dans les possibilités, dit-elle. Tu n'as pas le droit...
- J'ai changé d'avis, dit Ilåna en souriant. Je vais nouer un pacte avec Némésis plutôt !
Elle s'en alla en sautillant, alors que la déesse, perplexe, n'essayait même pas de la rattraper. Elle allait se diriger droit vers Némésis, mais celle-ci la stoppa d'un geste du bras.
- Je sais ce que tu veux faire, dit-elle. Ce n'est pas possible.
- Ah bon... ? fit Ilåna de sa voix la plus innocente.
- Tu vas nouer un pacte avec moi, dit Némésis avec un sourire. Et tu ne pourras pas y couper, cette fois-ci !
Elle adressa un signe de tête à Raoul, qui ramena ses loups vers lui. Alors, les Lestrygons attaquèrent à nouveau, et descendirent plus en avant dans la vallée. Raoul siffla à nouveau, et les loups se mirent à attaquer les demi-dieux. Plusieurs tombèrent, et Ilåna commença à désespérer. Elle siffla à nouveau dans sa Corne. Du renfort, pria-t-elle. Du renfort.
Le son se répercuta dans la vallée, et presque aussitôt, de nouvelles silhouettes apparurent. Il y avait des demi-dieux en armure, mais aussi des silhouettes familières... Ilåna reconnut Fiona et Mylon... ainsi que le corps caractéristique d'un centaure.
- Demi-dieux, en avant ! clama Chiron.
Alors qu'ils se jetaient sur les monstres, Ilåna décida de courir vers Némésis, pour lui attraper la main. Mais quelqu'un vint se camper devant elle, et la menacer avec son épée.
- Lois... souffla Ilåna. Ce n'est pas le moment...
Sans répondre, Lois attaqua. Ilåna para avec son épée dorée, et s'avança vers la déesse tout en lui tenant tête. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle se battait contre le garçon avec qui elle était arrivée à la Colonie et avait eu sa première leçon d'épée. Tous les deux étaient encore maladroits, mais au moins, ça s'équilibrait. Ilåna devait rester concentrée pour ne pas perdre l'équilibre...
Soudain, il donna un coup d'épée en avant qui fit voler l'épée dorée d'Ilåna. Aussitôt, un des loups de Raoul passa et attrapa l'épée, alors que Némésis attrapait violemment le poignet d'Ilåna.
- Voilà qui est mieux, dit la déesse avec un grand sourire. Les choses sont enfin en ordre. Je vais pouvoir me venger des Olympiens... et de ton fichu monde des sorciers pour nous avoir tenus en écart, nous, les dieux mineurs, pendant si longtemps.
Le filin argenté se formait déjà. Ilåna, paniquée, regarda le visage de Némésis sans savoir comment réagir. Alors, c'était ça, la vengeance... ? pensa-t-elle vaguement. Tout le monde avait déjà ressenti de la frustration, de la haine. Tout le monde avait été blessé. Tout le monde... avait déjà espéré détruire l'autre, parce qu'il le méritait. Parce que, si on lui affligeait la même chose que ce qu'on avait subi... la justice serait rétablie.
Elle pensa à Kévin aux grandes oreilles décollées, qu'elle avait sans le vouloir arrosé de pluie.
Elle pensa à Pierre-quelque-chose, à qui elle avait plusieurs fois voulu lancer un maléfice douloureux. Elle repensa à Mylon, qui pleurait à cause de lui, et qui avait failli l'attaquer à mains nues.
Elle pensa à Lois et sa mère... Lauren, avec qui les choses semblaient compliquées. Trivia, qui avait prétendu qu'il n'existait pas.
En regardant le visage tendu de la déesse, en voyant son rictus dément, Ilåna avait du mal à croire qu'elle emblématise la vengeance. L'envie de vengeance était un sentiment légitime, un sentiment qui naissait dans la douleur. Mais Némésis... elle semblait tout simplement mauvaise. Elle avait passé toutes ces années à planifier sa revanche sur les dieux en manipulant Åna, elle avait même pris le temps de lui construire une Cloche remplie de monstres, pour... pour quoi au fait ? La préparer ? Et à quoi ?
Au final, elle s'en était même prise à Fiona et Mylon. Au fond, elle leur avait fait du mal, et ça n'avait abouti à rien.
Oui. Ilåna lui en voulait ; et pas qu'un peu.
Mais, en l'écoutant déblatérer à propos des Olympiens et des sorciers, du pouvoir qu'elle allait avoir, de sa revanche –
Ilåna, pour la première fois, essaya de la comprendre.
Ça semblait venir de nulle part, ça semblait être une simple, et ridicule quête de pouvoir, comme, dirait Åna, les dieux en perpétuaient toujours.
Mais un jour, Eléa avait dit à Ilåna que les dieux n'existaient que s'ils étaient utiles. Et Ilåna eut l'impression de comprendre. Némésis, Fortuna, Trivia – leurs noms étaient oubliés des leçons de collège, les valeurs qu'elles incarnaient étaient dénigrées. Elles n'avaient pas le pouvoir. Et, d'après ce que laissait sous-entendre Dumbledore, même le monde des sorciers leur était hostile.
Il y avait sûrement des siècles de guerres dans le regard de Némésis, des rancunes accumulées, des espoirs brisés. Et, comme c'était une déesse, elle avait pris le temps de planifier sa vengeance. C'était son grand retour, qui aurait dû lui garantir enfin la reconnaissance qu'elle espérait.
- Ilåna ! cria alors une voix.
C'était Åna. Elle avait abattu le loup d'une flèche, et récupéré l'épée. Elle la lança à Ilåna.
- Merci, fit celle-ci.
Elle attrapa l'épée, et brisa le lien.