Chapitre 16 - James

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Pour remonter un peu le moral d'Anna, je lui propose d'aller à la patinoire. Il fait encore frais dehors, donc c'est de saison. Elle apprécie tout de suite cette proposition et je suis ravi d'apprendre qu'elle est toute aussi nulle que moi. Je suis loin d'avoir un niveau professionnel en patin mais il est clair qu'elle non plus ! Elle tombe à plusieurs reprises et nous rigolons à chaque fois qu'elle fait le grand écart pour finir étalée par terre parce qu'elle n'a pas réussi à rapprocher ses pieds à temps.

On passe une excellente après-midi à se raconter toutes sortes d'anecdotes à propos de nous étant petits. J'apprends qu'elle aimait jouer à la poupée en les alignant les unes à côté des autres en pensant qu'elles se parlaient entres elles. Je découvre qu'elle était fan de Violetta, une série argentine à succès. Puis qu'elle a appris l'espagnol seule grâce à cette émission télé. J'hésite à lui parler de mes origines mais me ravise avant qu'elle ne me pose trop de questions.

J'apprécie pouvoir rire de tout avec elle, qu'on ne se prenne pas la tête pour rien et que l'on puisse se parler sans retenu.

Anna possède ce petit quelque chose qui fait qu'on a tout de suite confiance en elle. Et je l'ai remarqué depuis le premier jour où je l'ai rencontrée. Pourtant, je ne me sens pas encore prêt à tout lui dire, j'ai peur qu'elle ne me voie différemment après.


Au début, on patinait en se tenant la main parce qu'il était clair que si nous étions seuls au milieu de la glace, nous allions directement tomber. Mais voilà qu'elle a lâché ma main, pour me montrer qu'elle y arrive seule et je ressens ce vide au fond de moi. Je ne sais pas vraiment d'où ça vient, je ressens comme un mélange de mal et de bien. De mal parce que j'aurais aimé lui tenir la main plus longtemps, mais aussi de bien parce que je sais que je ne dois pas m'aventurer sur ce terrain glissant.


Anna patine plus loin et elle se retourne pour me faire un signe. Son sourire me fait fondre. Elle patine en marche arrière et avant que je n'arrive à la prévenir, elle percute une fille. Les deux tombent en même temps et j'essaie tant bien que mal de m'approcher d'elles. Anna rit, c'est bon signe, mais l'autre fille ne semble pas amusée du tout. Alors ma patineuse en herbe lui présente ses excuses et lui demande comment elle va, l'autre fille ne lui répond pas et lui lance un regard noir. On s'éloigne et c'est là qu'on part tous les deux dans un fou rire, sans savoir ce qui la provoqué.

Je me rends compte qu'elle m'apporte ces parenthèses heureuses auxquelles je n'ai plus l'habitude. Elle arrive à elle seule à me faire sourire rien que par sa présence et je sais intérieurement que ça n'augure rien de bon. Du moins, j'essaie de ne pas y penser.


***


Pendant que je me réchauffe un plat préparé dans le micro-ondes, je parcours mon fil d'actualité Instagram. Rien de bien neuf, si ce n'est une photo de petits chiots qui me fait esquisser un faible sourire. Puis, je tombe sur une photo postée par Nolan : il s'agit de lui en compagnie de Mattéo, les deux semblent vouloir se rendre viril sur la photo en exhibant leurs biceps mais elle n'en ai que plus ridicule. Je suis désolé pour Ayden que Nolan ne lui accorde plus aucun regard, ils étaient tellement soudés lorsque je suis arrivé que je n'arrive pas à intégrer le fait qu'ils n'ont plus rien à faire ensemble.

Je sais, on dirait que je parle d'un couple, mais ils étaient potes depuis des années et pour moi l'amitié est tellement quelque chose de précieux que j'ai du mal à comprendre comment on peut passer à autre chose du jour au lendemain.

J'avoue avoir l'impression d'être arrivé et d'avoir « volé » Anna et Ayden à leurs amis. On dirait que tout ce qui est arrivé est à cause de moi. Anna me dit que non, mais j'en ai quand même l'impression. Elle avait l'air de n'avoir aucun soucis avant mon arrivée. J'ai peur de lui causer plus de mal qu'autre chose. À cause de moi, elle a perdu sa meilleure amie, mais elle a aussi du prendre beaucoup de son temps pour m'aider à rattraper mon retard et je sais que ses notes en ont un peu souffert. Elle a beau m'assurer que non, je suis sûre que si elle avait pu être concentrée à cent pourcent dans son travail sans m'avoir sur son dos... elle aurait sans doute mieux réussi.

Je sais que je ne devrais pas rejeter toutes les fautes sur moi, mais que voulez-vous, c'est ce dont j'ai l'habitude depuis des années.

Le micro-ondes me sort de mes pensées et je m'installe devant la télé pour manger. La maison est toujours silencieuse alors j'allume la télévision pour combler le vide.

Mon portable vibre à côté de moi : Lola.

Je ne décroche pas. Quoi qu'elle veuille, ce n'est pas important. Ce n'est plus important.

Elle m'exaspère, elle m'appelle désormais depuis le téléphone de sa sœur, étant donné que j'ai bloqué son numéro. Je crois que je devrais également bloquer ce numéro-là, mais je suis certain qu'elle réussira à trouver quelqu'un d'autre pour m'envoyer des messages ou m'appeler.


***


Quelques mois plus tôt

Je toque à la porte, d'habitude elle est toujours ouverte et je peux rentrer comme je le veux. Les parents de Lola ne sont pas là puisque leur voiture n'est pas dans sous le carport, ils sont sûrement à leur cours de yoga mais je sais qu'elle est là, la lumière de sa chambre est allumée.

Je tente de sonner, peut-être qu'elle a de la musique à fond et qu'elle ne m'entend pas d'en-bas.

Je sonne une, deux, trois fois. Toujours rien. Je fais le tour de sa maison, parfois la porte-fenêtre est ouverte et je pourrai lui faire la surprise d'être venu à l'improviste.


- Bébé ? Tu es là ?

Je pénètre dans la salle à manger sans soucis puisque la porte-fenêtre était grande ouverte, comme je l'espérais. De la musique retentit d'en-haut et je comprends alors pourquoi elle ne m'a pas entendu.

Je réitère ma question, cette fois plus fort et je crois qu'elle m'a entendu.

Je perçois de l'agitement et elle me crie qu'elle va descendre. Bien, je vais l'attendre au canapé.

Je prends mes aises et lorsqu'elle descend en courant, les cheveux en batailles et les joues rougies, je me dis qu'elle devait sans doute être en train de danser comme une folle avec cette musique. Lola aime la danse depuis qu'elle a l'âge de savoir marcher. Elle a ça dans le sang.

- Oh, chérie, tu dansais ? je lui demande en m'approchant d'elle.

- Je... je dansais oui, dit-elle essoufflée.

- Tu répètes pour la compétition ?

- Oui, c'est ça.

Elle a le regard ailleurs, mais c'est ma petite Lola ça, hyperactive et agitée.

- Qu'est-ce que tu fais là ? elle me demande avec un sourire forcé, je le sens.

- Je passais juste te voir, ça ne te fais pas plaisir, bébé ?

- Si, si, bien sûr Jay.

- Cool, alors si tu veux on va au cinéma ? J'avais envie de sortir...

- Jay, j'aimerais bien mais là je dois vraiment continuer de répéter, tu sais que ça arrive bientôt.

- Mais c'est dans deux mois ta compét'. Tu peux pas répéter demain ? je lui réponds, déçu.

- James, bien sûr que je peux répéter demain, mais plus je répéterai et meilleure je serai, tu comprends ? Mais on peut y aller ce week-end si tu veux ?

- Tu me manques, Lola...

Elle me prend dans ses bras, m'embrasse et au même moment, j'entends un bruit sourd provenir du haut.


***


Le vibreur de mon portable me tire encore une fois de mes pensées. Le souvenir est douloureux, même si des mois sont passés, la trahison reste en surface et je n'arrive pas à y faire face.

Cette fois, le message vient d'Anna :

« Faut qu'on aille au cinéma. Ils passent le film dont tu m'as parlé l'autre jour. C'est OK pour toi ce soir ? »

On n'oublie pas [Publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant