Chapitre 13 - James

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On parle tellement avec Anna que je loupe l'arrêt où je dois descendre. Elle se moque de moi, j'avoue que ça me fait bien rire aussi, mais en réalité je vais devoir marcher pour rentrer chez moi et je ne connais pas vraiment bien les environs, encore moins de nuit. Nous sommes devenus proches depuis la sortie des grottes. Je parle régulièrement avec Ayden et son amitié avec Nolan s'est effrité de jours en jours. Je suppose que ce dernier est jaloux. Je ne vois que ça. Il est jaloux qu'Ayden passe autant de temps avec Anna ou avec moi. D'après ce que j'ai compris ils se sont considérablement éloignés depuis mon arrivé. Je ne pense pas être la cause de leur éloignement mais sans doute l'élément déclencheur qui a fait voir le véritable visage de Nolan. Il ne supporte pas ne plus avoir toute l'attention sur lui.

Je passe beaucoup de temps avec Ayden, mais il faut dire que celui-ci ne fait que de me parler d'une fille ces derniers temps et il commence à me taper sur les nerfs. Mec, agit.

Je regarde sur le GPS de mon téléphone et me rends compte qu'il va me falloir au moins trente minutes de marche avant de mettre un pied chez moi. Elle me propose alors de rester au téléphone avec moi, durant tout le trajet. J'accepte, il est vrai que sa compagnie est agréable et qu'elle éloigne mes démons le temps de quelques instants. C'est agréable.


Le froid vient me fouetter le visage et j'enfonce mon bonnet plus profondément sur ma tête, compose le numéro d'Anna et nous voilà à parler, alors que nous avons fait que ça toute la journée. C'est dingue tout ce qu'une fille peut avoir à vous raconter pendant une journée, et la suivante et encore la suivante. Elle ne s'arrête jamais !

Bon, j'avoue y avoir ma part de responsabilité aussi étant donné que j'alimente la conversation bien plus que par de simples « ah » ou « je vois ». J'apprécie qu'elle ne s'intéresse pas qu'à elle, ni qu'à moi, mais que nos discussions soient diversifiée et souvent peu communes je dois dire. Elle aime beaucoup débattre de tout et n'importe quoi.

Elle commence à me parler d'un film d'horreur dont j'ai vu la bande-annonce la veille :

- Du coup, j'ai vu la bande-annonce hier et franchement il a l'air cool ! me dit-elle avec une certaine joie dans la voix.

- Tu dis « cool » comme s'il s'agissait d'une comédie romantique. C'est un film d'horreur, Anna.

- Oui, enfin tu vois ce que je veux dire...

Je ne la laisse pas finir et enchaîne :

- Je vois très bien, je l'ai regardée hier, la bande-annonce. Et effectivement il a l'air plutôt bien fait.

- « Plutôt bien fait » ? Mais tu t'entends ? elle part dans un rire communicatif.

- Du coup tu veux qu'on y aille ? je m'entends lui poser la question au même moment qu'elle.

Qu'est-ce que ce moment est cliché, et je me dis que je le vis, bel et bien.

- Ouais carrément, on peut.

La mère d'Anna l'appelle et elle me mets en sourdine, si bien que je n'entends pas ce qu'elle lui veut. Elle m'a raconté que leur relation n'est pas simple tous les jours, mais je n'ai aucun conseil à lui donner. Les parents, c'est sacré, et tout le monde est différent alors chacun gère ses relations comme il peut.

On raccroche peu de temps après parce que mine de rien il est tard et il faut que je mange.


Notre sortie dans les grottes a été un vrai fiasco, un groupe a failli y rester enseveli sous des roches qui sont tombées au moment où nous avons pénétré à l'intérieur. Bref, on a fini par faire une randonnée dans les environs parce que le site n'était plus accessible au public l'après-midi par mesure de sécurité. Les personnes qui encadraient la sorties se sont retrouvées bien connes. Personne ne savait quoi faire et nous étions coincés dans ce trou perdu jusqu'au soir dix-huit heures. Le bus n'est arrivé qu'une heure plus tard, ayant eu des bouchons sur la route et nous avons mis deux heures de plus pour rentrer à cause d'un accident de la route, soit six heures de trajet au total. Bien heureusement, nous n'étions pas concernés par l'accident en question. Nous étions tous exténués quand nos parents nous ont cherchés et aucun prof n'a daigné reparler de cette journée qui devait nous être si « instructive ».


***


- Alors toi, tu n'as pas passé une bonne nuit !

Anna a les traits de son visage affaissés, elle a une mine renfrognée et ses yeux n'inspirent aucune gentillesse.

- Oh ça va, ça arrive à tout le monde de pas se réveiller du bon pied !

Elle détourne le regard, comme pour clore la discussion qui n'a même pas encore commencée.

- Eh, relax. Je vais pas te bouffer ! Tu veux savoir un truc drôle... ? je tente en me rapprochant d'elle pour qu'elle se tourne vers moi.

- Non. Je veux pas parler ce matin.

- Pourquoi ça mademoiselle ?

Je tente l'humour mais je suis pas sûre que ce soit la meilleure stratégie.

- Pas envie de parler.

Je tente tout de même de la faire parler en lui redemandant pour quelle raison elle est aussi froide ce matin, mais elle me répond que ses parents se sont fortement disputés ce matin, qu'elle s'en est mêlée et que tout a vrillé. Je comprends, rester en froid avec ses géniteurs n'est jamais une bonne idée, surtout qu'on ne sait pas ce qui pourrait arriver.

Je comprends alors que mon histoire a peut-être une infime chance de la faire rire. Je tente le tout pour le tout, soit elle m'écoute, soit elle reste dans son coin et j'aurais au moins essayé de la faire esquisser un maigre sourire.

Je lui raconte comment j'ai réussi à faire tomber le pot de confiture à la fraise, le beurre, mes céréales et le lait, tout ça en même temps. J'ai voulu me lever de ma table de la cuisine et j'ai emmené avec moi la nappe. Vous savez comme dans les films quand la personne est énervée et qu'elle envoie tout valsé de la table en tirant d'un coup sec sur la nappe. Eh bien c'est ce qui m'est arrivé, sans l'énervement et sans l'effet sympa du montage.

- J'en avais partout, j'ai dû me changer, le lait avait coulé sur mon pantalon. T'imagines la jolie tâche au bon endroit... Je te laisse aussi imaginer l'état de ma cuisine après cet épisode chaotique.

Un vague sourire naît sur son visage, ses yeux pétillent et d'un coup elle éclate de rire. Yes.

Je me demande l'espace d'une seconde pour quelle raison j'ai voulu à tout prix lui apporter un peu de gaieté dans sa matinée, et j'oublie cette réflexion personnelle lorsqu'elle se moque de moi. C'est bon, on ne la pas perdu, ça c'est clair.


Je passe la journée avec Ayden, ce qui me fait du bien d'être en présence de la gente masculine et de ne pas toujours côtoyer Anna. Je vais finir par mettre du vernis à ongles sinon.

Je comprends malgré tout qu'Anna est mise de côté dans le groupe Maria, Lisa et June. D'après ce que je sais leur groupe n'a jamais existé, c'était plutôt Anna et Maria d'un côté et Lisa et June de l'autre, même si elles faisaient partie du même groupe d'amis. Je perçois bien une gêne chez Anna, elle n'est pas à l'aise et je sens qu'elle ne comprend pas ce revirement de situation venant de Maria. J'ai clairement vu qu'ils ont supprimé leur groupe qu'ils avaient sur Messenger, apparemment Nolan le trouvait inutile. J'en viens quand même à me demander si tout ça n'est pas ma faute. Bizarrement, juste au moment où je débarque dans leur vie, tout va de travers. Ils ont l'air de s'éloigner, se déchirer même si j'en crois ce que j'entends de la bouche de Nolan. J'en reviens pas que tu puisses salir une personne qui a été ton meilleur pote pendant des années, ça me dépasse.


Mon téléphone vibre, un message de Lola s'affiche et je clique sur « supprimer » quand Ayden me conseille de la bloquer, tout simplement. Je lui ai tout raconté et il n'a pas mâché ses mots pour me dire ce qu'il en pensait. Il faut que j'avance, que je laisse toute cette histoire derrière moi. Ma raison revient peu à peu et je comprends que ce qu'elle a fait est inacceptable et par-dessus tout impardonnable.

On n'oublie pas [Publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant