Chapitre IV - Première Partie

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14 Septembre 2177 après Theobran

Une mince et vive silhouette se faufilait au milieu des parias endormis. Entre ces humbles tentes disparates, tout était calme. Quelques grillons subsistaient encore dans le froid de l'automne mais leur chant demeurait rare. Seule une faible lumière brillait au loin, dans l'ancienne écurie de la citadelle. Ces ruines étaient aujourd'hui couvertes d'une vaste tente rouge. La silhouette en fit le tour et y entra par un passage dérobé. Elle déboucha dans une antichambre lumineuse tapissée de tentures colorées où un bureau servait de seul mobilier. Assis à celui-ci, une grande et massive silhouette encapuchonnée. Elle écrivait sur un vieux parchemin froissé en jetant des coups d'œil à une carte du camp.

Le frêle individu chuchota d'une voix féminine à l'oreille du grand personnage attablé :

« Ils ont été emmenés à la prison habituelle. Si ce que tu dis est vrai, il faut vite les délivrer. Et furtivement.

- Tu es sure que ça ira ? Cette... voix ne te dérange plus ?

- Normalement ça va. J'ai assisté aux dernières exécutions et il ne s'est rien passé.

- Tant mieux ! Allons-y. »

Les deux silhouettes quittèrent la tente éclairée et s'avancèrent furtivement dans la nuit sombre. L'herbe humide et la boue cachaient le bruit de leurs pas. Ils atteignirent rapidement les ruines de la cathédrale. Même détruit, l'édifice conservait toute sa splendeur. La nef gardait sa majesté, du cœur émanaient toujours les chants des fidèles... Sur les ruines de cet édifice religieux, Maître Gladio, riche et prospère marchand d'esclave, s'était fait construire un petit palais de bois et d'argile duquel il régissait cette masse grouillante d'exclus de la civilisation. Il avait pris le contrôle de ce camp sept ans auparavant. Pour cela, il avait dû tuer sa sœur et son beau-frère. Ensuite, pour assurer la stabilité de son pouvoir et les rentrées d'argent, il avait organisé un trafic d'esclaves autour du camp. Les premiers à être vendus furent ses deux fils. Enfin, pour éviter les rébellions, il avait construits de nombreuses tavernes et bordels, tous plus sordides les uns que les autres. Pour achever ce projet, il avait poussé ses trois filles à une telle misère que leur seule chance de survie était de demander à leur père de les prostituer. La plus vieille avait alors treize ans.

Ce démagogue sans cœur dirigeait le camp d'une main de fer : il avait posté ses serviteurs dans tous les recoins de ces ruines. Ils étaient bien souvent difformes, bossus ou simplement laids, mais les persécutions qu'ils avaient subis les rendait plus forts et plus hargneux. Devant les lourds battants restaurés de la cathédrale se tenaient douze infirmes repoussants armés de vielles lances et de gourdins ensanglantés. Ils lorgnaient les ténèbres en grognant d'un air mauvais. Les deux silhouettes se regardèrent en hochant la tête puis contournèrent le champ de vision des gardes en silence. Ils trouvèrent rapidement une fenêtre ouverte au rez-de-chaussée. La grande silhouette jeta un oeuil par l'ouverture et hocha la tête. Les deux collaborateurs se glissèrent rapidement dans le palais et suivirent les couloirs dans lequel ils venaient de déboucher. Le couloir fit plusieurs coudes avant de s'ouvrir sur un grand hall où le bois sombre se mêlait à de nombreuses tentures colorées.

Toujours prudents, les deux personnages longèrent lentement les murs de la pièce vers le fond de celle-ci, endroit qui correspondait au chœur de l'antique édifice. Là, un sombre escalier s'enfonçait vers la crypte de l'édifice.

*

Dorian et Gaerald se morfondaient dans leur sombre cellule crasseuse. Les heures et les minutes se succédaient et se confondaient dans cette même morosité profonde. Bouger ne servait à rien, et tous leurs sujets de conversation avaient été épuisés dans les heures qui ont suivi leur capture. Alors Dorian somnolait et Gaerald tournait en rond et rageant intérieurement. Soudain, un bruit sourd se fit entendre puis une voix étouffé leur dit à travers la lourde porte :

Chroniques de la Mâ - Partie 1/Les paladins de BhaldërusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant