Chapitre II - Partie 2

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Dorian retourna prestement sur le pont alors que Gaerald le rejoignait. Les deux hommes se regardèrent avec un air interrogateur. Un cri strident brisa le silence et un poing de vagues et d'écume détruisit le mât de misaine et faucha trois marins. Dès que ceux- ci touchèrent l'eau, ils furent transformés en gouttelettes fines qui grossirent les flots impétueux. Au même instant, une dizaine de créatures humanoïdes surgirent sur le pont :

« Des naïades !!!, cria quelqu'un »

Les naïades étaient des êtres à la peau bleue et aux formes vaguement féminines. Leur dos et leurs avants bras s'hérissait de nageoires et de pointes d'os tranchantes. Les naïades avaient les yeux effilés et sombres et sortaient constamment une langue rouge et fourchue. Un marin se jeta alors dans la cale et distribua des armes au reste de l'équipage. Gaerald tira une épée et Dorian reçu une lance du capitaine Clercy. La hampe de l'arme était faite d'if poli et sa pointe d'acier était ternie par le temps. Gaerald cria à son ami :

« Couvre-moi ! » Sans demander d'explication, il tourna le dos à son ami et faisait virevolter sa lance aux milieu des naïades qui approchaient. Pendant ce temps, Gaerald, qui avait rabattu son capuchon, traçait dans le bois du pont un étrange et grand symbole. Un pentacle enfermé dans un cercle. Autour du cercle, Gaerald traçait des runes incompréhensibles. Au-dessus des runes, Gaerald traça un autre cercle fait de sept traits entrelacés. Dorian se tourna et demanda :

« Eh, tu fais quoi !

- Je n'en sais rien ! Mon corps bouge tout seul ! Mon cerveau me dit ce que je trace et mon corps l'exécute. Je... » A ce moment, le jeune homme se mit à psalmodier, sans l'avoir décidé. Il frappait le sol au rythme de ses mots.

« Ê Guraden, maecter col fectuba, sola gar duvani, lad keon necrod klader, ke orled bdaed keo! »

Lorsque Gaerald prononça la dernière syllabe, son tracé s'illumina d'une vive lumière verte, puis jaune et enfin mauve. Là, tout ce qui se trouvait dans le cercle extérieur disparu et laissa place à un liquide blanc laiteux qui resta confiné dans le tracé. Tout bruit disparut alors et un immense aigle d'or et d'ivoire surgit du liquide. D'une voix grave, puissante et mélodieuse il tonna :

« Je suis Guraden, gardien céleste. Tu m'as appelé à ton secours. Mais tes pouvoirs sont encore faibles. Je ne pourrais sauver qu'une personne, en plus de toi et de ton loup. Qui choisis-tu » Gaerald réfléchit quelques instants : l'équipage n'avait rien demandé, mais il allait devoir l'abandonner.

« Sauve Dorian, mon compagnon.

- Bien. »

Sur ce, Guraden replia ses ailes sur les deux hommes et disparut dans un flash blanc. Il réapparut une seconde plus tard sur la rive ouest du Nâar. Il déposa les deux voyageurs sur un tapis d'herbe fraiche, aux milieu de collines verdoyantes. Il s'inclina devant Gaerald puis disparut. Après avoir retrouvé leurs esprits, les deux compagnons se mirent à courir vers le navire où les marins mouraient les uns après les autres. Ils arrivèrent sur le berge du Viôrd. Alors que Gaerald s'avançait sur la berge, une naïade surgit des flots et darda sa langue fourchue sur les deux hommes :

« Salut toi ! dit Dorian. » Et sans attendre de réponse, il saisit sa lance et l'enfonça dans la gorge de la créature avant qu'elle ait pu réagir. Le sang bleu de la naïade se déversa sur l'herbe verte qui tomba en cendres. En effet, le sang des naïades était particulièrement acide. Le cadavre monstrueux s'agita encore quelques instants puis s'affaissa dans un dernier soubresaut. Dorian dégagea sa lance du cadavre, l'essuya dans l'herbe et releva la tête. L'incident n'avait pas duré plus d'une minute mais ça avait suffi aux naïades pour faire disparaitre le bateau. Il ne restait de celui-ci qu'une planche, flottant au gré des courants.

Gaerald, sous le choc, restait les yeux fixé sur l'endroit où se trouvait le navire, quelques instants auparavant. Dorian le tira de sa rêverie :

« Vite, suis-moi. Les naïades ne vont pas tarder à rappliquer, mais elle ne s'enfonceront jamais dans les collines. » Sans dire un mot, Gaerald suivit Dorian. Ils marchèrent une dizaine de minutes, suivant de loin le cours d'un ruisseau qui serpentait au milieu des collines. Ils s'arrêtèrent au sommet d'une petite colline, à l'ombre d'un orme aux feuilles rouges. Gaerald brisa le silence d'une voix frémissante :

« Dorian, ils sont morts.

- Oui, je sais. Répondit Dorian d'une voix neutre.

- Comment t'as pu garder la tête froide après ça ?!

- Gaerald, c'est normal que tu sois sous le choc : c'est la première fois que t'assiste à une chose pareille. Moi j'ai servi dix ans dans l'armée du Nelfgarl ; lors des guerres contre le gang Jux, les plus grands criminels du Nelfgarl ; et des batailles, j'en ai vu, crois-moi.

- Oui mais...

- Arrête de te lamenter ! On est en vie, c'est l'essentiel. Bien, t'as pu sauver quoi.

- Ce que je porte sur moi, une bouteille de bière lupine et le lard pour Lyn. » Il caressa un instant la tête de son animal et reprit :

« Et toi ? » Dorian fouilla dans sa besace de cuir noir et dit, en en sortant les objets désignés :

« Trois miches de pain, quelques lambeaux de lard, la bague que m'avais offerte ma femme à notre mariage, une dague, une cape et une grande couverture en peau. » Dorian se leva, jeta la cape noire délavé sur ses épaules, glissa la dague à sa ceinture et la bague à son doigt, et se rassit, séparé de Gaerald par la lance posée entre eux. Ils restèrent silencieux un moment puis Gaerald secoua la tête et demanda :

« On fait quoi maintenant ?

- Je ne sais pas. Tu sais à peu près où on est ?

- On doit être dans les collines de l'ouest. Si j'me rappelle bien de la carte de Clercy, en remontant vers le nord, on arrivera à la confluence du Nâar et de la Lîhe.

- Ah bon... Je crois qu'on va faire ce que tu dis parce que je n'ai pas de meilleure idée... Et puis l'avantage de collines c'est que c'est bourré de terriers du coup la nourriture ce n'est pas un gros problème. » Dorian jeta u œil au ciel et dit :

« On peut voyager encore deux heures avant la nuit... T'es chaud ?

- Pas trop...

- Bon, on va chercher un abri pour la nuit... Debout ! »

Chroniques de la Mâ - Partie 1/Les paladins de BhaldërusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant