Chapitre II - Partie 3

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Sur ce, Dorian se leva, prit sa lance et s'approcha du ruisseau. Gaerald le suivit, juché sur Lyn. Ils longèrent l'eau bondissante au milieu de l'herbe et des fleurs pendant quelques minutes puis ils s'arrêtèrent sur une minuscule plaine protégée du vent par les collines aux alentours. Gaerald grimpa une colline derrière eux et découvrit un petit bois de pins. Il partit y ramasser du bois pendant que Dorian partit chasser, pour économiser les vivres. Ils se retrouvèrent une dizaine de minutes plus tard autour d'un feu et d'un lièvre. Ils le dégustèrent lentement, sans dire un mot. L'air était lourd, comme si l'équipage du Goéland hantait les deux voyageurs, leur reprochait leur mort. Dorian jeta les os du lapin dans le feu, sortit sa couverture, se roula dedans et s'endormit.

Gaerald contempla la danse des flammes. Il commençait juste à mesurer l'étendue de son pouvoir, à comprendre les moyens que pouvait déployer leur ennemi pour soumettre le monde. Une chouette ululait, des criquets chantaient, le feu crépitait, l'eau bondissait et Gaerald vivait. Il était vivant :

« Les gens meurent aussi facilement ?! C'est si facile de rejoindre Vär-Gul dans sa citadelle céleste ?! pensait-il. » Il s'enroula dans sa cape et s'endormit sur l'herbe fraiche. Lyn vint lui lécher le visage avant de s'enrouler chaleureusement autour de son maître, comme une couverture alors que les premières étoiles apparaissaient dans le ciel.

Le lendemain, Dorian fut réveillé par le chant d'une grive. Il s'étira et rangea machinalement sa couverture dans son sac avant de remarquer la place vide à côté de lui. Les affaires de Gaerald gisaient en désordre autour des cendres du feu de la veille. Lyn et son maître étaient absents. Il ne manquait rien, mis à part ces deux compagnons de toujours. Dorian ne dramatisa pas. Il regroupa toutes les affaires, les glissa dans son sac, saisit sa lance et se leva. Il examina leur campement, si on pouvait l'appeler comme ça. L'instinct de chasseur de Dorian trouva une trace presque invisible sur l'herbe, comme si deux corps y avaient été trainés. Les traces se dirigeaient vers le bois.

Dorian s'accroupit dans l'herbe et avança silencieusement. Contrairement à ce qu'il pensait, ses réflexes de chasseur acquis à Novigrad n'avaient pas disparus. Il gravit lentement la colline. Le bois se trouvait au pied de celle-ci. Il descendit prudemment la pente et s'arrêta à la lisière de la forêt. Là, l'herbe verte et humide laissait place à une lande marécageuse. Entre les bras du Nâar poussaient des arbres en rangs serrés. Dorian raffermit sa prise sur la lance et entra dans le bois. A chaque pas, la lumière du jour disparaissait un peu plus sous les aiguilles des pins. Dorian se retournait souvent avec la nette impression d'être suivi. C'était comme une sensation pesante sur ses épaules. Les muscles de ses jambes et de ses bras se crispaient régulièrement, comme si il avait peur du regard des arbres. Il fut tout à coup ébloui par la lumière vive du soleil. Il papillonna des yeux puis découvrit une petite clairière centrée autour d'un ensemble de pierres levées.

Dorian avança lentement, tous ses sens en éveil. Soudain, un petit soleil passa devant ses yeux en trombe, laissant dans son sillage une légère poudre blanche et jaune. Dorian, surpris, recula d'un pas. D'autres petits soleils voletèrent autour de lui avant que l'un d'eux, plus brillant que les autres, s'immobilise à hauteur de son visage.

Le petit soleil se révélait être un petit être. Comme un humain de dix à vingt centimètres de haut avec des minuscules ailes de colombe et à la beauté parfaite. Celui qui s'était immobilisé était une jeune fille aux longs cheveux blonds et lisses et aux yeux verts pétillants de malice. Elle semblait avoir entre quinze et vingt ans, comme tous les autres petits soleils immobiles. Elle ne portait pour seul vêtement qu'un mince voile presque transparent, comme tous ses congénères. La jeune fille éclata d'un rire cristallin alors que Dorian détournait pudiquement le regard :

« Monsieur, dit-elle amusée, ne détournez pas le regard et saluez-nous, moi et mon peuple !

- Bonjour, dit Dorian d'une petite voix. Je m'appelle Dorian et je suis à la recherche d'un ami et de son loup apprivoisé. Vous ne l'auriez pas vu, à tout hasard ?

- Un homme en capuche et son gros chien gris ? demanda celle qui semblait être la reine en se grattant le menton. Oui, mon mari les a vus je crois. Attendez un peu, je reviens avec lui. »

Sur ce, elle partit en dansant et sautillant avec une pudeur de nouveau-né. Dorian s'assit dans l'herbe en réfléchissant à ce qui venait de se passer : comment de telles créatures pouvaient-elles exister ? Il avait fouillé tous les bestiaires du Nelfgarl et jamais des humains de cette taille n'avaient été mentionnés.

« Bon, se dit-il, ils ne doivent exister que dans ce coin perdu, ça doit être pour ça... » Soudain, le silence fut troublé par une musique guillerette. Dorian se leva, alerte. Il se détendit quelques instants plus tard quand il vit approcher les petits soleils et des lutins vêtus de brun et de vert foncé. Les lutins portaient chacun un instrument de feuilles et de brindilles. Tous, sauf l'un d'entre eux : son chapeau était plus grand et plus coloré. Dorian en déduit que c'était le roi.

La reine des soleils s'ouvrit alors un chemin dans la foule des lutins en chantonnant. Elle regarda leur roi, lui prit la main et dit :

« Humain, je me présente : Elearia, reine des fées du bois marécageux. Et voici mon mari, Pter, roi des lutins de ce même bois.

- Enchanté ma dame, répondit Dorian, comme je vous l'ai dit il y a peu, je cherche mon ami et son « gros chien » comme vous l'appelez. Il se trouve que c'est assez urgent.

- Ne vous inquiétez pas, nous savons où il se trouve. Mais avant, laissez-nous vous accueillir. Vous êtes notre hôte, venez vous restaurer.

- Non merci majesté, répondit Dorian, je n'ai pas faim.

- Alors suivez-moi, renchérit Pter, faisons la fête ! Nous saurons vous ravir les yeux et les oreilles.

- Non merci majesté, répéta Dorian, je suis pressé.

- Ne vous inquiétez pas humain, dit à l'unisson le couple royal, Il ne risque rien.

- Majestés, menti Dorian, je suis chargé de sa protection, je dois toujours garder un œil sur lui.

- Comment ça, hurla Elearia, sale petit humain ! Tu resteras ici et tu nous divertiras ! »

A cet instant, les arbres poussèrent à une vitesse impossible et leurs protubérances formèrent bien vite une arène ovale et des gradins pour les petits peuples. Soudain, Elearia se tordit le coup en craquement sinistre. Elle s'agita en des spasmes morbides alors que sa peau passait du rose au blanc-lune et se liquéfiait au point de devenir si flasque qu'elle ondoyait au moindre de ses mouvements. Elle redressa la tête : ses yeux étaient devenus entièrement noirs et sa bouche aux lèvres couvertes de sang se tordait en un rictus assassin. Son coup et ses membres se tordaient en des angles horribles et s'agitaient soudainement comme si la fée était prête à vomir toutes ses entrailles.

Pter fut, quant à lui, soudainement couvert de bourgeons épineux. Un bois pourri prit la place de sa tête avant de se tordre pour former une face hideuse. Le couple royal se penchait sur Dorian depuis un balcon de l'arène. Ils poussèrent un cri suraigu et morbide. A cet instant, tous les autres lutins et fées imitèrent leur dirigeants avec une synchronisation parfaite et horrifique. Une fois tous les êtres transformés, Elearia écarta les bras, se pencha en arrière et hurla d'une voix grinçante :

« Bienvenue aux jeux du petit peuple, humain ! Tu as eu le malheur de refuser nos invitations, tu vas donc nous divertir ! Tu ne pourras sortir d'ici qu'après avoir terrassé ton adversaire. Sale petit humain prétentieux, dis bonjour à pupuce ! » Elearia éclata d'un rire morbide alors qu'une grille de bois s'ouvrait dans un mur de l'arène. Un rugissement inhumain résonna dans le bois et le sol trembla alors qu'une patte griffue se posait dans l'arène, face à Dorian.

Chroniques de la Mâ - Partie 1/Les paladins de BhaldërusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant