Ignorance

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"Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose." Sigmund Freud.

"Magie" tout est dit dans celui-ci hélas galvaudé de nos jours. Transformation, mystère, incompréhension, étonnement, surprise, émerveillement.

Que de mots en un seul !

Magie des mots, certainement, mais fallait-il encore savoir à qui les confier.

Première tentative : Echec.

Je me retrouvais face à un psychanalyste trouvé dans l'annuaire, derrière un bureau très luxueux, trop luxueux à mon goût et quelque peu arrogant, du moins ce fut ce que je ressenti. Mais comme le hasard n'existe pas pour moi, je rencontrais une amie d'une amie qui habitait la région où je m'installais et qui me parla de sa propre expérience psychanalytique avec Monsieur M et me le recommanda vivement car connu et reconnu dans son domaine. Elle l'appréciait tout particulièrement ayant passé huit années avec lui.

Je pris rendez-vous rapidement. Je fus reçus par un petit homme aux cheveux blancs, au charme désuet et surtout d'une humilité hors normes. Il respirait le respect, et du respect j'en avais un besoin intense. Cet homme s'avèrera un psychanalyste d'exception, qui plus est vraiment très cultivé et d'une modestie exceptionnelle.

Je croyais encore qu'il allait me libérer de mes douleurs et lui parlais de mon intervention dès notre première entrevue; Assise face à lui sans que rien ne nous sépare créant d'emblée une sorte d'intimité propice à la  confidence. Son bureau, vitré, donnait sur un jardin. Un vieux lit d'une place semblait me tendre les bras et surtout semblait "fatigué" voire usé par le poids des patients au sens propre et figuré. Il pouvait refuser de me psychanalyser, ou accepter et moi de même. Il accepta et je sus à ce moment qu'à lui je pourrai parler, que je "dirai".

Je ne me trompais qu'à moitié en fait en croyant au sauveur ! Oui il allait me libérer des mes douleurs mais pas de celles auxquelles je pensais. J'étais si éloignée de ce qui m'attendait. Me tromper ? C'est le propre de l'être humain, et si j'avais "su" avant toute cette richesse, j'aurais entamé très certainement une psychanalyse à l'adolescence. Oh que oui !

J'entrais donc en psychanalyse avec un motif précis: La souffrance physique.

 Je passerai des années auprès de lui pour lui livrer ce que je ne savais pas encore de moi, ce qui me surprendra moi même, ce qui sortira de mon ventre, souvent extirpé et me passionnera également car comme le disait si bien Guy Béart dans une de ces chansons: "Parlez moi de moi y a que ça qui m'intéresse".

Ce qui est une vérité criante !

Il appartenait à l'école Freudienne, Lacanienne et avait de plus travaillé avec Françoise Dolto car il était aussi psychiatre.

Ignorante que j'étais, il me mènera sur la route de la "connaissance" de qui je suis vraiment et non de ce que mes parents, ma fratrie, la société, la religion, l'école s'étaient permis de faire de moi sans me laisser "le choix". Les livres nombreux me serviront de support certes, mais ne pourront jamais et en aucun cas remplacer ce que mon livre intérieur, lui, avait à raconter et à m'apprendre.

Moins idiote je ne sais pas si je le serai, mais un peu plus avertie et surtout sachant décrypter mon âme, mon coeur et mon corps et parfois celui des autres. Moins ignorante je crois je ressortirai de cette expérience et surtout clairvoyante.

"Le peu que je sais c'est à mon ignorance que je le dois". Sacha Guitry.

Oui Monsieur Guitry entièrement d'accord pour ma part.

J'apprendrai sans cesse et encore pendant onze années sur ce divan qui était devenu mon lieu de paroles certes mais aussi mon refuge, mon répit, mon second souffle, mon gouffre parfois mais mon nid aussi. Je pouvais "être" et "devenir" sans jugement aucun de quiconque, sans à priori.

Je découvrirai un nouveau domaine, qui, si au début était un mystère total, deviendra un compagnon de vie, indispensable, salvateur et captivant. Connaissez vous une histoire plus fascinante que celle dissimulée en vous et que vous arriverez à mettre à jour en passant par tous ses méandres?

J'apprendrai sans apprendre c'est ce qui me surprendra le plus (magie des mots). Ce sera révélation après révélation plus qu'apprentissage au sens propre du mot. Je parlais je parlais je parlais, ou pas, laissant surgir ainsi la prise de conscience et l'apaisement. Pour la première fois ce sera "mon savoir de moi" et de ce fait un peu des autres car il n'y pas non plus cinquante mécanismes humains. Il n'était pas dans les livres, il était écrit nulle part.

Tout était en moi, dans la moindre parcelle de mon coeur, de mon corps, de ma tête, dans ma chair et mon sang et dans ce que je ne voyais pas surtout : Mon inconscient.

Mes lapsus, mes actes manqués, mes rêves, mes symptômes seront mes messages envoyés par moi à moi. Il me fallait les décrypter.

Qui allait m'enseigner ce nouveau langage ?

Mon psychanalyste ? Pas vraiment.

Moi-même ? Oui.

Et c'est un sacré boulot !!!

"Créer c'est toujours parler de l'enfance". Jean Genet.

Et bien j'allais être une sacrée créatrice pendant les onze années à venir ! Seulement une fois de plus je l'ignorais. J'ignorais tout et tant mieux !

Car assis face à face avec cet homme, ce "nouvel homme" qui entrait dans ma vie je ne commençais certainement pas à lui parler de mon enfance. Je lui racontais ma douleur "physique", ce long parcours pour arriver jusqu'à lui, ce que je vivais là tout de suite, ce qui faisait mal et je n'allais pas chercher plus loin.

Les yeux dans les yeux sans détourner le regard. Aisé ? Non.

Ce que j'attendais ? Qu'il me débarrasse au plus vite de cette étreinte crânienne.

Erreur j'étais dans l'erreur la plus totale.

Comme nous pouvons l'être quasiment en permanence dans notre vie sans même le savoir.

Et ce que je ne savais pas non plus...

Pourquoi avoir choisi un homme et pas une femme ?

La réponse sera longue à venir, mais elle viendra.

Mon mari n'a jamais supporté que je sois en psychanalyse et malgré tous ces reproches permanents et sous entendus déplacés je ne fléchirai jamais sur ma décision, jamais et poursuivrai dans cette voie, l'unique possible, la seule.

La mienne !





Un autre visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant