Sorcellerie

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"Je préfère le désespoir à l'incertitude" Jean Paul Sartre.

Moi aussi, enfin je n'en suis pas très sûre, d'ailleurs je ne suis sûre de rien, mes seules certitudes dans ce monde et je n'en ai pas d'autres c'est que nous mourrons tous et que j'ai mises au monde deux filles.
C'est pourquoi je suis toujours étonnée voire stupéfaite d'entendre des personnes "être certaines de"..."sûres de"... Admirable !!!

Je commençais à prendre conscience que, sur mon chemin chaotique, je croisais des personnes très différentes de celles que jusqu'ici j'avais rencontrées dans ma vie, aucune superficialité chez elles, souvent passionnantes et surtout d'une compréhension rare.

Avec le recul et les années passées, j'en souris aujourd'hui car vraiment je me dis que désespérée, j'aurais fait n'importe quoi, j'aurais tout tenté tant la douleur était insoutenable. De toute manière dans mon état ou je me suicidais ou j'essayais tout et n'importe quoi mais j'étais prête à tout oser. Donc un peu comme à mon habitude je fonçais, mais vers le "n'importe quoi".

Pourquoi pas d'ailleurs ?

Jo eut une idée. Saugrenue à priori mais au point où j'en étais. L'Afrique et ses mystères, ses rites, ses coutumes avaient peut-être ma solution. Le mot "solution" allumait en moi une petite flamme, une lueur.

Nous prîmes Jo et moi rendez-vous avec le sorcier d'un village.
Je payais le prix d'un mouton qui allait être sacrifié en mon nom et servirait de festin à tous les villageois. Le jour de la cérémonie fut décidé avec le chef de village. Quand elle arriva je venais avec mes doutes, mes questionnements, mon étonnement mais malgré tout mon désir de guérison toujours aussi brûlant.

Qu'on y croit ou pas, une certaine anxiété se manifestait que ce soit de ma part ou celle de Jo. Elle avait préféré se tenir à l'écart pour se "protéger" m'avait-elle dit. Pas très rassurant pour moi !

Comprenne qui pourra.
A chacun ses croyances. Elle avait les siennes et je les respectais.

Une chèvre fut placée avec moi dans un cercle dessiné à la craie. J'étais assise sur une chaise en son milieu. Une vieille femme, le visage parcheminé, m'aspergea d'une eau de couleur douteuse, plutôt boueuse, tourna autour de moi en proférant des paroles dans son dialecte. J'avais espoir et peur à la fois.

Le sorcier arriva.

Je l'avais imaginé portant un masque, le corps recouvert de kaolin, terrifiant.
Et bien pas du tout, rien de tout cela.
Habillé à l'européenne, avec un costume tout ce qu'il y avait de plus ordinaire, de grande stature, et d'après ce que je pus comprendre à l'aide de ses mains transmis mes douleurs à la chèvre.
J'avais les yeux rivés sur elle.
Comment ma souffrance allait-elle passer en elle ?
A cette seconde précise je le crus, ma confiance fut brève.

Vous vous en doutez, rien ne se passa et j'ai bien envie de rire en écrivant ces lignes tant je fus crédule, ridicule. Mais le ridicule ne tue pas, le désespoir oui.

Donc le transfert de mes douleurs à la chèvre ne se fit pas, rien de surprenant !

Le pauvre animal eut la chance de rester animal et moi beaucoup moins de rester ce que j'étais. Le village entier allait faire la fête.

Je repartais avec un visage poisseux, ne sachant que penser de la sorcellerie, mais en partie satisfaite d'avoir nourri un village entier.





Un autre visageWhere stories live. Discover now