Le jour j

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Mon visage a une histoire qui, je crois, peut en vous la narrant, aider ou du moins apporter à celles ou à ceux qui se posent encore des questions sur la chirurgie esthétique, quelques réponses.

C'est une longue histoire.

Il y a longtemps si longtemps, trop longtemps, je pris la folle décision de faire un lifting, je dis bien folle car malheureusement aujourd'hui encore j'en garde les traces.

Décision irréfléchie, prise à la hâte, et surtout à mon insu...et oui je dis bien à mon insu, car je sus des mois plus tard seulement que j'étais en dépression, sans même le savoir moi même, et que mon inconscient me dictait cet acte que je pourrai d'ailleurs m'expliquer après de nombreuses années de travail sur moi.

Je résidais à l'époque à l'étranger et je consultai une femme chirurgien esthétique (qui aurait dû mais qui n'a pas...) qui me recommanda le "professeur T" de renommée mondiale avec lequel il ne pouvait y avoir qu'un résultat merveilleux

Je précise que j'avais donc à l'époque 39 ans et que de ce fait je n'avais nullement besoin de me faire refaire quoi que ce soit mais ce qui se passait dans ma tête à ce moment là m'était bien trop étranger pour pouvoir être clairvoyante

Je pris l'avion pour Paris et consulter le "dieu du bistouri"

La consultation fut plus que rapide, il m'ausculta en "maître" , pas de psychanalyste à l'époque, pas de question sur mes raisons profondes ni mon état bref la date de l'opération fut fixée rapidement...

Le scialytique disparut...

L'aiguille à peine enfoncée dans le bras, je n'avais même pas eu le temps de voir le chirurgien, et je fus emportée dans un autre monde. Je ne savais pas encore qu'au moment du réveil , ce monde serait celui de la douleur et ce pour toujours...

Je venais de quitter une vie, la mienne à jamais.

Je ne serai plus jamais celle qui venait de rentrer en clinique, confiante pour effacer les traces du temps, pour refaire un visage que je trouvais fatigué par une vie trop active, marquée par la rage de vivre intensément, appelée "passion".

Excessive en tout, j'avais donc choisi le lifting total du visage, du cou, des yeux et du front...qui à l'époque allait jusqu'aux muscles c'est à dire mais je l'ignorais : la découpe des muscles et de ce fait des nerfs.

Rien n'était épargné.

Cette décision je l'avais prise sans trop de réflexion je l'avoue pensant à une simple formalité d'autant que je m'en remettais à un "ténor aux doigts d'or".

Egale à moi même je fonçais tête baissée sans prendre le temps de sentir et de ressentir.

L'opération dura longtemps paraît-il au dire de ma mère qui m'avait accompagnée dans cette démarche et qui s'inquiétait un peu en attendant ma sortie du bloc.

J'ouvris les yeux, du moins essayai-je.

Le chirurgien passa en coup de vent et prononça ces paroles à jamais gravées dans ma mémoire : "résultat parfait"

Ces mots me convenaient à ravir étant moi même une perfectionniste invétérée à l'époque.

J'apprendrai plus tard que le perfectionnisme n'est que perte d'énergie bien souvent.

Incapable d'émettre un son, je commençais à prendre conscience que ma tête était entièrement bandée et que je ressentais une sensation abominable qui malheureusement ne me quittera plus jamais.

Mes yeux étaient devenus de pierre, mes paupières inférieures deux barres d'acier, et tout le reste du visage du béton.

J'étais solidifiée, statufiée, emmurée.

Je restais ainsi plusieurs jours attendant le moment de la libération persuadée que sous mes bandes apparaîtrait la jeunesse !!!! (bêtise monumentale puisque j'étais jeune et absolument pas en âge de faire cette intervention) et que je serai soulagée de la souffrance physique que je ressentais

Le grand jour arriva.

"La vie ne se compte pas en respirations mais en moments qui t'ont coupé le souffle" (ceci est ma devise malgré tout encore à l'heure où j'écris et mon pseudo "Elle aime vie"). J'aime ces mots, sauf que dans ce qui va suivre effectivement j'en eu le souffle coupé, mais réellement.

Les ciseaux découpaient les bandes sans délicatesse particulière.

Bien qu'affaiblie par une anesthésie de huit heures, je fis quelques pas vers cet objet si banal et si quotidien : le miroir.

Pour la première fois de ma vie, au lieu de me renvoyer l'image de la jolie femme qui paraît-il j'étais à l'époque, il allait me transpercer le coeur, le corps et l'âme en me renvoyant celle d'un "batracien". Un visage de couleur verte était en face de moi.

Un visage tuméfié, lacéré par d'énormes fils partant de derrière la tête, faisant tout le tour de ma tête, passant devant les oreilles et remontant jusqu'aux tempes, avec deux yeux rouges démesurés, gonflés et... désespérés.

Je rêvais ! Ou plutôt je cauchemardais, ce n'était pas moi cette espèce d'ET qui ne me faisait pas rire du tout et ne m'inspirait aucune tendresse.

L'infirmière toujours aussi peu délicate me lava les cheveux en pestant contre l'équipe de chirurgie qui s'était amusée à me faire de petites tresses africaines dans mes longs cheveux. L'équipe mais quelle équipe au fait ? mais l'heure n'était pas à ce genre de questions puisque j'étais "sidérée".

Cela avait dû les distraire le temps de mon sommeil et cette idée m'exacerba.

Pendant qu'elle s'acharnait sur leur "distraction", moi, la tête en arrière, je ne comprenais toujours pas comment mon visage avait-il pu changer de matière et ne plus "être identique".

Il n'était plus fait de chair et de muscles souples.

Ce n'était plus qu'une masse lourde et compacte, dans un énorme étau d'acier refermant ses griffes sur ma peau, enserrant mes vaisseaux dans une compression infernale.

J'étais broyée.



Un autre visageWhere stories live. Discover now