Chantier

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Le plaisir est toujours un bien, et la douleur toujours un mal, mais il n'est pas toujours avantageux de jouir de plaisir et il est quelquefois avantageux de souffrir la douleur."

Nicolas de Malbranche

Mise en pièces, à plat par terre au sens propre du terme, je pourrai cette fois "choisir" les éléments qui conviendraient à ma nouvelle personne, enfin quand je dis nouvelle je devrais dire à ma "vraie" personne, celle qui est enfouie sous un monceau d'éducation parentale, scolaire, sociale, religieuse etc etc ...

Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Et pourtant jour après jour, année après année j'allais "me créer"différemment. C'est moi et moi seule qui remettrai en place les morceaux éparpillés de ma personne et qui les harmoniserai. Les récupérant, les examinant, les nettoyant ou plutôt les décapant, les jetant aussi.

Mais avant d'effectuer cet assemblage je devais déjà reconnaître les pièces (pas simple), les décaper donc (épuisant et salissant), éventuellement, les jeter si trop abîmées (regrettable, triste), les replacer au bon endroit (recherche et prise de tête) ou alors en trouver de nouvelles (oui mais où ?), et normalement la mécanique humaine se remettrait en marche.

Le chantier était en cours, un vrai garage de pièces détachées et de vieilles carcasses. Javais fait un tour par la casse et maintenant j'allais passer par la refonte et me couler dans la peau d'une nouvelle Lmvie de ma convenance, dans une peau où je serai à l'aise, que j'apprécierai et qui serait, du moins je l'espérai, douce et apaisée.

Mais la création sera longue, douloureuse.

Plus j'allais voir Adam et plus j'étais malade suite à l'arrêt des anti dépresseurs car tout remontait en vrac n'importe quand et n'importe comment et le pire n'importe où !

Je me retrouvais parfois en "état d'urgence". Mais l'ambulance c'était moi.

Un état bien particulier que je rencontrerai plusieurs fois au cours de cette maladie, quel état ? Quand le spectre de la mort vous attire de nouveau et que vous vous laissez glisser doucement mais sûrement vers elle, votre corps ne répond plus, votre esprit est synonyme de néant.

Bien qu'épuisée dans ces instants et aboulique, je trouvais toujours le réflexe de prendre le téléphone pour appeler au secours mon psy préféré, de me traîner jusqu'à ma voiture prendre la rocade qui surplombait la lagune, dont la vue est une vraie carte postale, mais je puis vous dire qu'à ce moment précis mes talents de photographe amateur était loin bien loin, car je laissais aller le véhicule au ras de la falaise pour dévier sa trajectoire au dernier moment.

Pas besoin de passer la marche arrière, nous en avons une en nous, que nous passons inconsciemment nous empêchant d'effectuer ainsi le geste fatal.

"Le goëland qui vole le plus haut voit le plus loin". Richard Bach

Marie Line m'avait offert la cassette de Jonathan Levingston le goëland. Cette musique sublime était ma bouée de sauvetage.

Les paroles me portaient, me tenaient en vie authentiquement. Tout cet ouvrage est dans la symbolique et quelle symbolique !

Je propose aux personnes qui ne se sentent pas très bien, de courir acheter cette mélodie et le film également qui enrichissent énormément ou du moins les apaiseront, quel remède !

Cette musique était ma bouée de sauvetage, à chaque trajet où je faisais des écarts avec ma voiture vers l'abîme, la cassette était enclenchée. Je l'ai écoutée des années. Sans elle, je crois que je serai au fond de la lagune dans la carcasse rouillée de ma voiture.

J'arrivais chez Adam, qui me recevait toujours avec ce léger sourire tendre qu'il me réservait, tout du moins le pensai-je, peu importe, son accueil déjà réchauffait mon coeur et dans cet état le moindre signe chaleureux devenait capital.

A nouveau les mots sortaient de ma bouche, toujours sans logique, sans réflexion, tels qu'ils venaient au bord de mes lèvres. Sans même m'en apercevoir j'avais entamé ma recherche du passé. Puisque c'était du passé que je commençais à parler.

Je n'avais pas choisi le moment, mon monologue était apparut surgissant de nul part, sans aucune volonté de ma part, à mon insu; eh bien voilà tout en l'ignorant j'allais dans l'inconnu et j'allais m'y perdre quelques temps en passant par mon histoire. Mais voilà puisque cet inconnu est inconnu comment donc s'y retrouver ? S'y reconnaître ? Quel moyen utiliser pour qu'il devienne connu ? Comment dois-je m'y prendre ? Houlala il est comment ce pays ? Ou bien ce continent ?

J'ai une passion: Les voyages. Mais celui-ci fut pour moi le plus incroyable, le plus difficile mais le plus extraordinaire de toute ma vie. La destination ? Je vous la donne: L'inconscient. Je vous révélerai ultérieurement quelques découvertes.

En thérapie de groupe, en parallèle, comme les autres, j'explorais, fouillais, creusais, scrutais la maison de mon enfance et les personnages qui la peuplaient pour  y chercher...quoi ? aucune idée et y trouver quoi ? aucune idée non plus mais le flot, que dis-je ? La rivière de mon discours m'entraînait inexorablement à l'aube de ma vie. A contre courant je ne nageais pas, je ne barbotais pas non plus, non non je me noyais.

Ma mère, mon père, ma soeur et mon frère et même mon grand-père débarquaient directement de ma mémoire et de mes souvenirs et surgissaient de ma souffrance.

Mais qu'avaient-il à voir avec un lifting?


Un autre visageWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu