Accompagnement

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"La mort ferme les yeux des morts et ouvre ceux des vivants". Gilbert Cesbron

Je l'ai accompagné dans son cercueil et n'ai pas un seul instant détourné mon regard de son visage. J'ai vécu les phases de mon chagrin les unes après les autres. Je n'ai rien occulté et ai vécu en toute conscience profonde ma tristesse.

Ne pas fuir, ne pas partir en courant, surtout pas, ne pas retenir.

Sinon je serai forcément rattrapée ou je fuirai "avec".

Vivre l'instant dans toute son intensité même la plus difficile afin de le liquider.

Si c'est le travail avec les psychothérapeutes qui m'a donné la force d'être en communion avec mon père en son dernier instant, je le remercie. Si mes douleurs au visage m'ont permis "d'être" avec lui au seuil de "son passage", je ne regrette plus mon acte, je les remercie.

Si mon chemin douloureux m'a permis de croiser le sien vers cet immense inconnu, je ne le regrette pas. Je crois souffrir moins de son absence pour avoir vécu chaque phase de mon chagrin en toute clairvoyance.

Quand je pense à lui maintenant, une immense paix m'envahit et je souris le revoyant danser et danser encore e t m'emporter dans son tourbillon de vie.

J'ai pu dès ce jour, porter un autre regard sur le quotidien, mais j'ai toujours besoin de son, de mon tourbillon.

Le travail que j'avais effectué sur "l'ici et maintenant", indispensable pour être dans le vrai sentiment et non dans la confusion, portait enfin ses fruits.

On ne fait pas son deuil, on fait un "travail" de deuil, des êtres, des choses, de moments. Oui c'est du boulot, un vrai boulot, c'est long, très long, et c'est dans le "parler" que cela se passe et non dans le silence. Pour que la souffrance s'apaise et ne laisse pas trop de séquelles, il m'a fallut la vivre et la revivre, et la dire et la redire, la "rabâcher" pour qu'un jour le souffle bienfaiteur renaisse.

Et en finir enfin avec les démons du passé ?

Ce que j'ignorais encore à ce jour précis c'est que j'allais encore avoir à en découdre avec mon très cher père sur un divan pendant de nombreuses années et le faire revivre mais moi avec.

La sagesse je pensais l'avoir touchée du doigt, j'étais loin du compte !

Lorsque ma mère mourut il y a quelques années je fus présente aussi dans les derniers instants et pendant près de deux heures j'ai posé ma tête sur son épaule pour l'accompagner de la même manière que je le fis pour mon père, mais avec d'autres mots bien sûr en rapport avec notre histoire à toutes deux et son histoire. J'ai attendu de si nombreuses années qu'elle me dise je t'aime,  ou plutôt qu'elle me le montre, voire qu'elle me le démontre, mais son regard était sur ma soeur et mon frère.

Tandis que son dernier souffle allait aspirer ma dernière parole d'amour, elle souleva l'épaule où ma tête reposait comme pour me dire: "J'entends ce que tu me dis moi aussi je t'aime". Puis l'épaule retomba à jamais. Ce dernier sursaut je le pris pour un geste d'amour et mon coeur le reçut comme le plus beau message de toute ma vie.

Je n'ai plus en moi ni aucune amertume, ni aigreur et malveillance vis à vis d'eux deux, tout est remplacé par sérénité quiétude et apaisement, à mon tour je me préparerai ainsi vers l'inéluctable.

L'amour, la mort, comme cette vie est violente !





Un autre visageWhere stories live. Discover now