L'éveil

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"La mort n'est pas une chose si sérieuse, la douleur oui" André Malraux.

Adam avait pris ma main et la caressait doucement, sans un mot, simplement en message de "douceur", ce dont j'avais le plus besoin, de la douceur, encore de la douceur, toujours de la douceur... Je n'étais pas "programmée"pour elle sans doute à cette époque. Quelle merveilleuse sensation!

Une thérapie d'un an par ce geste venait de commencer, un nouveau couple se formait. Ensemble nous allions parcourir un bout de chemin, au cours duquel je l'aimerai, le haïrai, le maudirai, et ce à raison de trois fois par semaine.

Je fus alitée huit jours à la clinique pendant lesquels le goutte à goutte me servait de bouée de sauvetage. J'étais reliée à quelque chose qui me soutenait. Je ne voulais pas que l'infirmière retire cette perfusion, je m'y accrochais comme un enfant aux bras de sa mère. Nouveau cordon ombilical apaisant certainement.

Il fallut pourtant l'enlever. A quoi allai-je me tenir ?

A ce bouquet de fleurs qu'on m'avait apporté ? Qu'avait-il de particulier ? Je le regardai et me rendis compte que je n'avais dû à ce jour jamais "regarder" vraiment. Cette fois je le ressentais par mes yeux et dans tout mon être autant que je le sentais.Quelle sensation étrange! Nouvelle certes et donc très étonnante.

Qu'avais-je fait de mes yeux auparavant ? Qu'avaient-ils regardé jusqu'à ce jour ?

Je sus à ce moment précis qu'une transformation en moi venait de s'effectuer. Il y en aura bien d'autres, ce n'est que le balbutiement de la métamorphose. Mes sens s'éveillaient vraiment. Il faut bien un début à tout n'est-ce pas ?

Mon mari vint me chercher.

Cette fois il fallait sortir de mon refuge, de ce cocon protecteur mais provisoire et marcher à l'air libre. Mes pas étaient hésitants, la tête me tournait, j'avais peur, peur d'aller à la rencontre du monde, de la vie. Je me sentais faible, très faible, sensation elle aussi inconnue, nouvelle et qui va m'accompagner longtemps. J'irai de découvertes en découvertes. Je serai mon propre Christophe Colomb ah mais !

Marie Line m'encouragea fortement à faire en même temps que mon travail personnel avec Adam, une thérapie de groupe. Ce que je fis une fois par mois, j'avais hâte de me sentir "en forme"et surtout à nouveau "forte".

J'avais cru qu'en rentrant à la clinique, "ils" me remettraient sur pied en huit jours, et que j'avais atteins: le fond...le fond de quoi d'ailleurs ?

Fallait-il savoir encore ce qu'était le fond . Je l'appris rapidement.

Je repris un nouveau travail essayant de dissimuler ma détresse profonde et bien présente. J'avais quitté le centre de remise en forme où les propriétaires qui étaient des amis depuis quinze ans venaient de me licencier.

Même l'amitié ne supporte pas la dépression.

Mon mari s'éloignait de moi, ou se protégeait ce que je ne croyais pas, je l'ignore encore...enfin pas tout à fait, il n'était pas là pour moi, lassé sans aucun doute par une femme non pas "malade" mais "folle", son incompréhension était totale. Mais je n'avais en moi aucune animosité, pas de place pour ce sentiment, il ne faisait pas partie de mes priorités. Mes filles ne me comprenaient guère plus mais elles au moins me témoignaient toujours leur affection.

Ceux qui liront ces lignes savent très bien que la dépression nerveuse est malheureusement difficilement compréhensible pour l'entourage (même encore de nos jours) , difficilement supportable, mais je tiens à préciser qu'elle n'est pas "contagieuse". Et les mots que vous entendrez le plus de la part de votre entourage est: Allez secoue toi !  Bannissez les à jamais si un de vos proches "tombe", oui le mot est le même que pour l'amour, en dépression. C'est une chute et en aucun cas vous ne pouvez secouez votre corps ou votre esprit en "tombant".

Un autre visageWhere stories live. Discover now