La déchirure

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Je repartis donc la joue entrouverte, le coeur aussi, ne voulant plus penser.

Je n'étais plus qu'un amas de chair sanguinolent.

Tout saignait en moi .

"Non je n'ai pas fait cela, c'est impossible, je ne me suis pas défigurée pour le restant de mes jours "!!!

Trois semaines passèrent ainsi dans cette angoisse, cette rage, cette haine, interrompues parfois par les paroles apaisantes de ma mère, qui me gavait de mes gâteaux préférés et que j'engloutissais essayant de combler le vide qui augmentait en moi et qui allait s'installer pour de nombreuses années.

J'arriverai avec un travail sur moi incessant à faire disparaître la rage et la haine, mais difficilement l'angoisse qui est une autre histoire...

La douleur physique s'ajoutait à ma tourmente.

La tourmente également j'arriverai à la vaincre la douleur physique jamais.

Il était temps pour moi de retourner à l'étranger et de reprendre mon travail, un mois s'était écoulé...

Mon visage n'avait plus d'hématomes, une croûte répugnante se formait à la place de la déchirure, mais j'étais toujours enflée, soufflée comme une baudruche.

Les fils avaient été retirés laissant apparaître des "griffes" rouges devant les oreilles, dans le cou, et un crâne à peine réuni, encore ouvert et séparé par une espèce de rigole qui supurait.

Je repartis ainsi, un bandeau dans les cheveux et sur les oreilles pour dissimuler toutes ces déchirures, bien petites finalement à côté de celles qui venaient de s'ouvrir en moi.

"Toute douleur qui n'aide personne est absurde". André Malraux

C'est pour cette raison et uniquement pour cette raison que je vous confie ce récit. Mais ces douleurs ne m'ont elles pas aidée moi même également ?

A la douane dans la file d'attente, devant moi se trouvait une personne de ma connaissance.

Elle se retourna, me regarda d'un air indifférent.

J'allais la saluer quand je compris à cet instant précis qu'elle ne me reconnaissait pas.

Un frisson terrible me parcourut, me glaçant malgré la touffeur de l'aéroport.

Etais-je devenue transparente ?

Avais-je disparu ?

Derrière les barrières mon mari et mes deux filles m'attendaient curieux du résultat.

Je compris immédiatement à leurs regards à tous trois que le visage que je leur présentais n'était plus celui de leur maman ni celui aimé par l'homme qui partageait ma vie.

Ils n'osaient pas parler, accentuant en moi un profond désarroi.

C'était le silence absolu. Silence retentissant de sens.

Je repris le travail avec une anxiété non dissimulée.

J'avais un métier public : je dirigeais à l'époque un centre de remise en forme.

Il fallait affronter les clients friands de ragots et potins comme dans tout club qui se respecte.

Je fus confrontée à la méchanceté pure, à la médisance à l'état brut, sauvage pourrai je dire, qui, me donnèrent la sensation d'entrer dans une arène où les prédateurs m'attendaient, avides de lacérer mon coeur davantage.

Certains prétendirent que pour être enflée ainsi je devais avaler sans aucun doute des corticoïdes afin de soigner un sida...!!!

Je me retrouvais seule, au milieu des rapaces qui prenaient en pâture ma propre chair.

Un autre visageWhere stories live. Discover now