Un regard

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"La douleur est un siècle, la mort un moment". Jean Louis Baptiste Gresset.

Un soir, au sortir d'une séance mensuelle de groupe, chacun remonta dans sa voiture. Je vis Didier fermer la portière de la sienne et je crus à ce moment m'évanouir, mourir sur place. Oh non cela continuait ! Mais c'est pourtant grâce à ces "signaux" corporels épouvantables que j'allais sur le bon chemin, enfin je crois. Mais bon ce fut si dur de les vivre.

Que refermait-il sur lui, sur moi ? Que se cachait-il derrière cette symbolique ?

Mes jambes se mirent à se dérober, à flageoler, je vacillais, titubais presque. J'allais vers lui arrachant à mes muscles chaque pas, chaque petits pas : "Tu t'en vas ?" lui dis-je désespérée avec une voix aussi noire que la nuit. Comment ce départ "non définitif" bien évidemment me bouleversait-il autant ?

Ainsi se manifeste les reflux immédiats d'un travail sur soi, qu'il faut arriver à surpasser, à dominer. Dominer quel mot ! Impossible de dominer quoique ce soit, subir encore et encore et essayer d'y voir clair dans ma nébulosité et quel "fog"!

Isabelle avait vu la scène, anodine pour n'importe qu'elle autre personne, mais pas pour elle qui s'approcha de moi. "Tu ne vas pas bien ?" me dit-elle, et sans attendre de réponse ajouta : "Je te raccompagne chez toi".

Arrivées à mon domicile, nous gravîmes les marches qui menaient à la terrasse de l'appartement  et me dit de façon directive : "Donne moi tous tes médicaments". Je ne prenais plus d'anti-dépresseurs mais avais en ma possession des tranquillisants.

"Je ne te quitte pas, j'attends d'un ton aussi ferme que son propre affaiblissement pouvait lui accorder." dit-elle.

Je lui remis les comprimés.

Elle savait, tout autant que moi, que j'allais avaler les tubes ce soir là. Elle resta près de moi, en silence, épuisée, harassée elle aussi mais présente, là, proche, si proche, jusqu'à ce que la mort s'éloigne de moi, de nous deux peut-être. Les paroles étaient inutiles entre nous. Elle avait saisi en une minute à peine que la grande faucheuse allait être mon refuge, simplement par un regard.

Chacun voyait en l'autre son propre désespoir, sa propre fin, son propre désir d'en "finir" d'une manière ou d'une autre, parfois rapidement car le courage nous lâchait quelques instants et notre port de paix ne pouvait être qu'elle, la mort.

Comment oublier Isabelle  ?

Impossible.

Un autre visageWhere stories live. Discover now