La mue

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"Celui qui n'a pas peur, qui n'a peur de rien est un imbécile". Claude Jasmin

Ouf ! Je n'étais pas une imbécile car personnellement j'étais morte de trouille !

Durant cette année écoulée j'avais écarté ma famille complètement. Je n'avais pas le choix, c'était eux ou moi. Quand une mue a lieu, elle se fait lentement, très lentement, secrètement et délicatement. L'animal est en danger durant cette période transitoire. Il est sans protection et risque le pire jusqu'à sa nouvelle peau.

J'étais cet animal.

Croyez bien que faire "tomber mes défenses" était loin d'être un jeu d'enfants, elles avaient servi à me construire, à me protéger évidemment, à tenir debout comme pour tout à chacun. Certaines étaient nécessaires voire indispensables, d'autres nocives à mon être. En partie désencombrée de certaines nuisibles, je vacillais, trop légère sur moi- même. Il me manquait "des bases" et je devais en retrouver. D'autant que j'avais perdu dix kilogs ne pouvant que très difficilement me sustenter, et surtout, tout ce que je croyais "être moi" et qui n'était que "fabrication" de mes parents, de ma fratrie, de la société...etc.

Le temps de ce changement, de cette évolution, de cette mue donc, j'avais dû me terrer. Oui me terrer. Mon mari ne comprit jamais mon attitude à l'époque à mon grand désespoir. Il n'était pas le seul. Il y a vingt cinq ans la dépression était une maladie "cachée", tabou,  et dire que j'allais chez un psy c'est que forcément j'étais folle !

Cela a quelque peu évolué.

Ma mère elle même m'a lancé cette phrase : "Tu as tout pour être heureuse de quoi te plains-tu?". 

Elle me transperçait davantage, déjà peu reconnue par elle dans mon enfance, je l'étais  encore moins dans la dépression. Je ne me plaignais pas et ne me suis jamais plainte, je me suis soignée seule, vraiment toute seule et n'ai reçu de l'aide que des professionnels, dans cet état il n'y avait plus personne pour moi.

Incompréhensible cette maladie ?

De nos jours j'ai des doutes encore, car je puis vous dire que je la décèle parfois chez des personnes qui elles ne le savent même pas et quand après un léger épanchement de leur part je tente un : "Tu devrais peut-être te faire aider". La réponse est : Pourquoi faire ? Je vais bien!

Une personne qui ne le désire pas ne peut-être aidée.

Quand on a mal aux dents on va chez le dentiste non ? Pour une radio on va chez le radiologue, et bien j'avais mal l'âme donc j'allais chez le psy. Pour moi c'était  clair comme de l'eau de roche et cela restera à jamais.

Pour se soigner il faut d'abord accepter de reconnaître qu'on est malade.


Un autre visageWhere stories live. Discover now