Un autre visage

Ecrire

"J'ai peur du jour où je n'aurai plus peur". Martine Delerm

Voilà mon fortin s'était effondré. Mon échauguette disparue. Et pourtant les deux m'avaient terriblement servis toute mon existence, ils me protégeaient d'un attendrissement certainement, stupide certes, mais je fus construite ainsi.

Solide apparemment, du cristal à l'intérieur.

Mes remparts m'avaient cernés afin de faire bloc contre la vie. Le bloc il était là maintenant sous forme de visage.

Sur cette plage brûlante, je portais un chapeau en pagne car le soleil était chose révolu pour moi. Un simple chapeau léger comme une plume qui semblait peser une tonne tel un heaume sur mon crâne en béton. Béton armé ? Armé contre qui ?

Mais cependant nue comme un ver, dépouillée de mes protections, allongée sur le sable j'écrivais ou plus exactement je tentais d'écrire de longues missives à ma soeur aînée. Nous avions sept années d'écart ce qui étant petites ne nous avait permis aucune communication, aucune entente.

Nous étions et sommes toujours très différentes. Forcément, un enfant est identique à ses parents ou opposé ce qui revient au même puisque le référent reste le parent. Il est fréquent d'entendre une mère dire: J'ai deux enfants ils sont complètement opposés...évidemment chère mère et te ressemblent en tout point !

Pourquoi me tournai-je vers cette aînée ? Bonne question car aujourd'hui nous ne nous adressons quasiment plus la parole mais ceci est une autre histoire.

Et pourtant c'était à elle que je racontais jour après jour ce qui m'arrivait.

Ecrire relevait de l'exploit, non pas que je manquais d'inspiration mais il fallait tenir le stylo, oui tenir ce stylo, imaginez la force que j'avais ! Mon écriture était devenue illisible, comme moi d'ailleurs, je devais arracher de mes doigts une parcelle de force pour que ce fichu feutre reste vertical.

Je sais qu'elle ne comprenait pas grand chose à ce que je pouvais lui narrer, mais elle répondait à mon courrier, elle était là, même si ce que j'essayais de lui transmettre ressemblait à une langue étrangère. Car je puis vous garantir que lorsque vous effectuer un travail sur vous, votre langage, votre façon de communiquer change mais surtout dérange. Et pour ma part cela s'accentuera avec la psychanalyse.

Serions nous réunies de nouveau toutes deux ?