Chapitre 19 : une espèce dangereuse

Depuis le début
                                    

– De mieux en mieux ! Qu'est-ce que je fais là, dans ce cas ? Si on ne veut pas de moi, je veux bien retourner sur Terre, au moins, je pourrai retrouver mes amis et mes parents.

– Et laisser ton amie Alexia dans cet état ?

Karine resta silencieuse, vaincue par l'argument.

Ils parvinrent devant une haute falaise, constituée d'écailles géantes aux reflets violets. Deux plaques se soulevèrent soudain à trois mètres du sol, laissant apparaître des énormes yeux globuleux. Une bouche se forma un peu au-dessous, boursouflure de plaques triangulaires plus petites qui ressemblaient aux deux lèvres d'un visage.

Quand la forme se mit à parler, ce fut sur un mode tellement grave, que Karine sentit sa cage thoracique se mettre à vibrer, comme avec la baleine. Les basses fréquences semblaient être la norme, sur cette étrange planète.

Korian répondit, en émettant des cliquetis de dauphins. Une fois l'étrange dialogue achevé, il se tourna vers la jeune fille pour traduire.

– Le gardien de l'Université nous autorise à entrer. Suis-moi et rappelle-toi : à partir de maintenant, ton cerveau émotionnel va être saturé de stress et te poussera à fuir devant chaque nouvelle surprise. A toi de maîtriser ces émotions. Force ton intellect à garder le contrôle. Si tu paniques, le Gardien te fera immédiatement sortir de l'Université, par sécurité pour les autres élèves.

– Eh ben ! On a si mauvaise réputation que ça ?

– A un point que tu ne peux pas encore imaginer...

Avec un lourd grondement, une porte se souleva dans la paroi, ouvrant un passage obscur vers les entrailles de la montagne.

Immédiatement, une sensation de paix et de tranquillité submergea Karine. Après avoir traversé un tunnel humide, ils débouchèrent face à un immense lac aux teintes turquoise, qui emplissait une large vallée cernée de douces collines herbeuses. Le ciel était d'un bleu tout à fait terrestre et on distinguait quelques immenses bâtiments blancs à l'autre extrémité du lac.

Karine sentit de hautes herbes lui chatouiller les jambes. Elle eut instantanément l'envie d'ôter ses chaussures et de fouler cette moquette de gazon qui ondulait à perte de vue. Mais une autre partie de son cerveau s'était éveillée en elle, lui disant de rester sur ses gardes. Tout cela semblait trop tranquille pour être naturel.

– C'est une image, c'est cela ? C'est mon esprit qui imagine tout ce décor ? Le jardin d'Eden ?

– L'Université accueille chacun à sa manière et s'adapte à son esprit. Les humains verront un jardin d'Eden, d'autres espèces y verront leur propre paradis... Bravo... Ton cerveau ne se laisse pas berner si facilement !

– L'Université, ce sont ces tours blanches, tout là-bas ?

– Les tours, mais aussi ce décor, les êtres que tu vas croiser... L'Université n'est pas réellement un endroit. C'est un univers virtuel dans lequel ton esprit vient d'accéder. Excuse-moi, mais je ne sais pas quels sont les mots que je dois utiliser avec toi. Je n'ai pas été formé pour cela. Encore une fois, je ne suis qu'un guide. Il faudra que tu poses ces questions à ton professeur.

– Et où est-il, celui-là ? En retard, comme tous les profs ? Je suppose que je dois m'attendre à un type en robe à étoiles, avec un chapeau pointu et une longue barbe blanche qui lui descend jusqu'au bide ?

– Ça, c'est Merlin l'Enchanteur ! s'exclama soudain une voix d'enfant, dans le dos de Karine.

La jeune fille sursauta et fit volte-face, pour se retrouver nez à nez avec un petit garçon brun, au visage rond et bronzé, qui la regardait avec deux grands yeux rieurs. Il ne semblait pas avoir plus d'une douzaine d'années.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant