Chapitre 14 : les chemins du Destin

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Bonnet de laine enfoncé au raz des oreilles, mains dans les poches de sa parka, Karine avançait à pas lents vers l'entrée du collège, avec sa tête des mauvais jours. Tout allait de travers.

Son père lui avait fait une scène pas possible lorsqu'elle était rentrée la veille au soir et n'avait visiblement pas cru un mot de tous les mensonges qu'elle avait pourtant préparés avec soin. Sa mère avait fondu en larmes, lui expliquant que la police était venue procéder à une fouille en règle de l'appartement et en particulier de sa chambre.

Révoltée, Karine était venue vérifier les dégâts. Ces enfoirés de flics avaient tout renversé et les efforts de sa mère pour tout remettre en état avant son retour n'avaient pu réussir à masquer la brutalité de leur incursion. Pire : la jeune fille avait dû vider ses poches devant ses parents et jurer qu'elle n'avait trouvé aucune pierre dans le square. Tout juste s'ils ne l'avaient pas fouillée ! Son père avait ensuite haussé le ton de sa voix, le visage empourpré, pour lui expliquer qu'à cause d'elle, ils devraient se rendre tous les deux le lendemain midi au commissariat de police pour un entretien.

Karine sortit une nouvelle fois son portable de sa poche, espérant y trouver un SMS d'Alexia. Il était 8h35, elle avait encore largement le temps d'arriver à la porte du collège. Elle hésita à téléphoner directement à son amie, pour vérifier si rien ne lui était arrivé. Ses parents ne lui avaient octroyé qu'un tout petit forfait voix et elle faisait attention à ne pas dépasser le temps autorisé. Elle décida d'envoyer un dernier SMS puis de téléphoner cinq minutes après si elle n'avait toujours aucune réponse.

Soudain, elle aperçut la silhouette un peu trapue de son amie quelques centaines de mètres devant, sur le trottoir d'en face. Pourquoi ne l'avait-elle pas appelé pour lui proposer d'aller ensemble à l'école ? Elles étaient quasiment inséparables et adoraient ce moment tranquille qui les menait vers le collège. Pas de parents, pas d'oreilles indiscrètes... C'était un instant parfait pour échanger potins et confidences.

Karine eut tout d'abord une réaction de dépit, se disant qu'Alexia avait peut-être simplement décidé de rester seule ce matin-là. Elle semblait de mauvaise humeur, elle aussi... Mais l'amitié fut la plus forte. Elle se mit à courir vers elle et la rattrapa juste avant l'entrée du collège.

– Salut, Alex ! Alors ? On ne respecte plus le protocole ? La Reine des Bisounours doit toujours avoir sa cour pour l'accompagner en classe !

– Ouais, ben la reine des Bisounours va devoir se trouver de nouveaux sujets, si cela continue...

– Toi, tu as été mise à la Question par les autorités paternelles... Je me trompe ?

Alexia haussa les épaules, le visage empreint d'une gravité que Karine ne lui connaissait pas.

– S'il n'y avait que ça... De toute façon, mes vieux sont toujours en train de me gueuler dessus...

– J'y ai eu droit, moi aussi, figure-toi. Heureusement qu'on avait avalé nos pierres avant de rentrer ! Mais dis-moi... Il y a autre chose ? Tu as l'air bouleversée ?

Alexia marcha encore quelques pas, essayant de retenir ses larmes, ce qui mit Karine au bord de la panique. Elle n'avait jamais vu son amie dans cet état.

– J'aurais bien aimé ne jamais les trouver, ces foutus cailloux... Cela m'aurait évité de savoir ce qui va se passer !

Karine sentit son cœur se serrer et prit son amie dans ses bras, la serrant fort contre elle.

Instantanément, Alexia se mit à pleurer toutes les larmes de son corps, au grand étonnement des autres adolescents qui convergeaient par petits groupes vers l'entrée du collège. La sonnerie allait retentir dans quelques minutes et personne ne voulait se retrouver avec un mot de retard sur son carnet de correspondance. Karine ne se souciait vraiment pas de cela. Elle comprit que son amie avait un vrai problème.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant