Chapitre 18 : A l'intérieur de Ganymède

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Karine regardait, bouche bée, le ciel totalement blanc qui formait une voute sphérique tout autour d'elle. Cela faisait cinq bonnes minutes que Korian l'avait fait arriver ici, sur cet espèce de petit iceberg rose pâle et elle ne parvenait toujours pas à détacher son regard de l'interminable paroi de glace qui s'élevait sur tout l'horizon.

Au début, lorsqu'elle avait émergé du tunnel de lumière par lequel l'avait fait passer Korian, elle n'y avait pas trop pris garde, croyant qu'il s'agissait d'un ciel nuageux, tel qu'on peut en voir parfois au-dessus des grandes villes. Un ciel dans lequel des nuages élevés auraient couvert uniformément l'horizon, bloquant le passage du soleil.

Mais lorsque Korian lui avait expliqué de quoi était réellement constituée cette voute blanche et où ils se trouvaient, la stupeur s'était emparée d'elle.

Elle respira un grand coup et tenta de mettre de l'ordre dans son esprit. Trop de questions se bousculaient en elle, faisant monter son niveau de stress de manière inquiétante.

– Tu as bien dit que  nous étions sur Ganymède ? Le satellite de Saturne, c'est bien ça ?

Le rire cristallin de Korian s'éleva, troublant le silence des lieux. Ils étaient seuls, perdus sur ce glaçon rosâtre, qui dérivait à la surface d'un océan tout ce qu'il y a de plus liquide.

– C'est ça, confirma tranquillement Korian. Nous sommes DANS Ganymède, plutôt que SUR Ganymède. Cette lune de Jupiter contient un immense océan liquide et une croute extérieure, faite de plusieurs centaines de mètres de roches glacées... C'est cela que tu prends pour le ciel...

– C'est encore un rêve ?

Korian secoua la tête, amusé.

– Non, cette fois, c'est bien réel. La pierre que tu tiens, en ce moment même, bien serrée dans ta main, permet à ton esprit de se libérer de ton enveloppe charnelle. Il faut un certain temps pour s'habituer à contrôler ce pouvoir, mais je suis là pour te guider.

– C'est complètement fou. Je t'avoue que j'ai du mal à croire à tout cela... Je pense toujours que je vais finir par me réveiller.

– Quand tu dis "Je vais finir par me réveiller", c'est le "Je" de ton corps qui pense cela. Mais si tu regardes autour de toi, tu vois bien que tu es réellement ici, sur Ganymède. C'est le "Je" de ton esprit qui s'en rend compte. Tout le pouvoir de ces pierres venues de l'espace est justement de vous apprendre, à vous les humains, à séparer ces deux "Je".

– Pitié, Korian ! Tu commences déjà à m'embrouiller les idées !

– Alors, rappelles-toi pourquoi je t'ai amenée ici : tu m'as bien dit que tu voulais tout faire pour sauver ton amie Alexia ?

– Oui ! Je ne veux pas qu'elle meure !

– Aux dernières nouvelles, son corps est entre de bonnes mains. J'ai vu plusieurs docteurs très compétents qui s'occupaient de lui. Son cerveau n'est pas trop gravement touché, mais ces docteurs n'ont pas assez de connaissances pour réparer ses tissus cérébraux. Je vais t'emmener voir quelqu'un qui pourra te transmettre ces connaissances. Ainsi, tu pourras revenir sur Terre et sauver ton amie...

Karine se sentit soudain déséquilibrée. Le petit iceberg, sur lequel ils se trouvaient, était comme aspiré par un léger tourbillon qui venait de se former devant eux, à la surface de l'océan.

– Mais comment sais-tu tout cela ? Tu es toujours resté avec moi, depuis qu'elle a disparu dans ce tunnel de lumière. Comment sais-tu qu'elle n'est pas morte ?

Korian sourit mystérieusement puis se tourna vers Karine. Il lui tendit son bras.

– Il faut que tu me fasses confiance. Si tu veux sauver ton amie, je vais devoir te faire franchir en très peu de temps de nombreuses phases de connaissance, que les humains mettent parfois plusieurs générations à assimiler... C'est un peu comme si je te faisais sauter une dizaine de classes d'un seul coup. Disons plutôt... une centaine ! Certains pourraient perdre la raison, mais toi, grâce à ta pierre, tu as une chance d'y parvenir.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant