Chapitre 9 : Benji

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Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. Comme des screamers, des images de Phoenix me masturbant dans mon salon sont revenues me tourmenter jusqu'à l'aube. Pourtant, c'était il y a deux jours... J'ai tenté de ne pas y repenser depuis, car c'est souvent lorsqu'on se met à cogiter que les choses se compliquent. Mais chaque fois que j'essaie de chasser ces pensées de ma tête, elles profitent de la moindre faiblesse pour revenir à la charge.

C'était la première fois que Phoenix me tripotait, je mentirais si je prétendais que ça ne m'a pas plu, au contraire, c'était agréable, même très agréable. Au fond, une bouche reste une bouche, une main reste une main, et mon pote en a de sacrément adroites.

Pour ce qui est de ma sexualité... Suis-je un hétéro curieux ? Un bi ? Ou un gay qui s'ignore ? Je n'en ai aucune idée et je n'ai pas envie de me prendre la tête avec ça maintenant. Chaque chose en son temps.

Ce matin, c'est la tête dans le brouillard que je sillonne les rues d'une ville voisine afin de rapporter des décorations d'Halloween à mes parents. Je me suis engagé auprès de ma mère à décorer la maison avec elle cette année, et je tiens toujours mes promesses. Le trente et un octobre est dans un peu plus de deux semaines, alors mieux vaut m'y prendre avant que les magasins se retrouvent dévalisés par une horde de familles hystériques.

Dans le Vermont, Halloween est quasiment un évènement national. J'ai toujours adoré cette fête américaine par excellence, que ce soit à mes cinq, dix, quinze ou vingt ans, je ne manquais jamais une occasion de décorer la maison et le jardin de mes parents. Ma mère me suivait dans mon délire morbide, tandis que mon père s'employait à restreindre le nombre de citrouilles, toiles d'araignées artificielles et fantômes en plastique suspendus dans toutes les pièces. Je me suis longtemps demandé ce qui le poussait à détester Halloween, avant de comprendre que ce n'était pas ce jour en lui-même qu'il redoutait, mais le lendemain. Nous ne sommes pas croyants, mais la Toussaint a une résonnance particulière pour chaque personne ayant perdu un proche. Pour mon père, il lui rappelle la mort de ses meilleurs amis, les parents de Phoenix.

Plusieurs voitures sont déjà stationnées sur le parking du magasin Fest'Land quand j'arrive. S'il y a bien un endroit dans tout le Vermont où on peut dénicher les meilleurs déguisements et articles de fête, c'est ici, à la sortie Nord de Middlesex. On y trouve de tout, de quoi satisfaire ma mère et faire diminuer le budget déco qu'elle m'a confié.

Je salue une vendeuse familière en entrant alors qu'elle remplit un étalage, puis je fonce dans le rayon qui me fait face. Depuis le temps que je viens m'approvisionner, je suis limite devenu un habitué de la boutique. Rapidement, je trouve tout ce dont j'ai besoin et regagne la caisse avec un panier plein.

Derrière moi, une blonde dépose une paire de menottes bon marché et un costume de diablesse sur le comptoir. De prime abord, je ne m'y intéresse pas plus que ça tandis que je vérifie l'heure sur mon portable. Mais lorsqu'elle ouvre la bouche pour dire un mot à sa pote, je reconnais aussitôt la voix douce de Janet.

Heureusement pour moi, elle ne semble pas m'avoir capté. L'employée scanne mes achats en ponctuant chaque article d'un commentaire qui se veut humoristique. Je prie intérieurement pour qu'elle passe la seconde, car je n'ai aucune envie de m'attarder. Le dos toujours tourné aux nanas qui patientent, je lâche deux billets à la vendeuse qui les encaisse avec une lenteur incroyable.

— Et voilà, Benji, me dit-elle en me rendant enfin ma monnaie. Avec ça, t'as de quoi faire. Tu m'invites ?

— Peut-être une autre fois.

Mon sourire se crispe en entendant les chuchotements derrière moi. Je récupère mon sac et passe la porte d'un pas rapide. Une bourrasque m'accueille sur le parking. Ma voiture n'est plus qu'à quelques mètres, lorsqu'on m'appelle depuis l'entrée de la boutique.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsWhere stories live. Discover now