ROCKBURY - Le poids de nos secrets

Chapitre 27 : Benji

     Une semaine plus tard...

     Certaines plantes meurent prématurément, tandis que d'autres subsistent et s'enracinent. C'est ce qu'il s'est produit avec le secret que j'ai gardé au plus profond de moi. Il m'a d'abord étouffé, dévoré, puis usé, tel un morceau de métal abandonné aux intempéries. Après l'avoir refoulé si longtemps, une fois révélé, j'ai eu l'impression qu'il s'était subitement envolé. Disparu pour toujours en ne laissant qu'une tâche noircie sur mon âme.

     Lever le voile sur ce qui m'a brisé m'a permis de me libérer, de me sentir plus léger. Je ne dirais pas que je suis un nouvel homme, mais je me sens changé. Du moins, un peu.

     J'ai toujours su que je pouvais compter sur le soutien de Phoenix, mais c'est encore plus vrai à présent qu'il sait tout de moi, que je lui ai enfin dévoilé ce que j'éprouvais pour lui. Je l'aime, si fort que je me demande parfois comment un tel sentiment est possible. Mais il est bien présent, couvé en moi depuis toujours, et il aura fallu que mon pote me force la main pour enfin le réaliser.

     Je me sens plus en phase avec lui qu'avec aucune autre personne au monde. Je sais à présent que toutes les aventures que j'ai eues avec les nanas n'ont été que pour assouvir mon besoin de Phoenix... Une envie dont je n'avais jusqu'alors jamais eu conscience. Maintenant que j'ai goûté au bonheur d'être en couple avec lui, je ne le laisserai plus jamais m'échapper. Il est à moi, et inversement, je suis à lui corps et âme.

     J'ignore si c'est l'émotion qui me porte aujourd'hui et me fait voir les choses sous un autre angle, mais ce midi, je profite de mon jour de congé pour aller faire un tour du côté du lycée Lincoln.

     J'arrive dans la cour alors que la pause déjeuner vient de sonner. Je sais que mon cousin mange souvent avec ses potes dans le parc, une habitude que les Bad Boy de mon époque leur ont cédé, pour se faire remarquer des cheerleaders qui s'entraînent dans le gymnase. Et même s'il fait un froid de canard, le soleil se sera chargé de convaincre les plus réfractaires, et surtout, les plus excités.

     Ma prédiction s'avère exacte lorsque j'aperçois Justin et sa dégaine d'ado passer la porte du bâtiment, entouré d'un groupe de lycéens. Je n'attends pas qu'il m'ait repéré et viens à sa rencontre. L'énorme sourire qu'il adresse à son pote dans les marches s'efface progressivement pour une expression craintive.

     — Qu'est-ce que tu fous là ?! s'effare-t-il quand je le rejoins.

     — Salut à toi aussi, t'as deux minutes ?

     Il juge un instant mon visage, cherchant sûrement à savoir si, oui ou non, il devrait accepter ma proposition. Ses potes, eux, ont bien compris le message, et s'éclipsent en nous laissant seuls. Justin leur lance un regard trahi avant de le reporter sur moi.

     — Ouais, répond-il sans vraiment avoir eu le choix.

     — Je voulais savoir comment tu allais, je lui dis en commençant à avancer.

     — Pourquoi ?

     — Parce que la dernière fois, je n'ai pas été très cool avec toi.

     Son visage se perd sur la cour tandis qu'il remet progressivement de l'ordre dans ses idées. Voyant qu'il semble avoir récupéré le souvenir de la journée des métiers, je poursuis sur ma lancée :

     — Le but n'était pas de te rabaisser, mais de te faire comprendre que tu jouais avec le feu avec...

     — Ludwig, termine-t-il à ma place.