Chapitre 15 : Phoenix

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Le week-end suivant, Jeremiah m'appelle la veille au lendemain pour m'inviter à la chasse. Je suis loin d'être fan de cette pratique, mais autrefois, elle m'a permis de passer des journées entières avec mon parrain. Et aussi terrible que ce soit, je suis doué avec une arme. Ce qui finalement s'avère être un bon point pour un flic.

Jerry n'a pas besoin de trop insister pour que j'accepte son invitation. Je passe mon temps libre seul chez moi depuis que Benji me fait la gueule. Alors, même s'il ne s'agit pas d'un tête à tête puisqu'il a convié toute sa bande de potes, je les rejoins à l'aube le dimanche matin.

Sous une pluie fine, on parcourt champs et forêts, chaussés de bottes en caoutchouc et vêtus d'anoraks. Il fait un temps de chien, mais ça ne les a pas découragés. Les coups de feu retentissent à la pelle, résonnant au milieu des étendues d'arbres flamboyants.

Parmi les invités, Ronald Murphy et Christophe Delacroix sont présents. Jerry et ses potes se connaissent depuis presque trente ans. Leur amitié va au-delà des idéaux politiques, des croyances ou des erreurs. Ils sont tous très différents, mais ne se sont jamais lâchés.

Cependant, je soupçonne cette journée de n'être ni à l'honneur de la chasse ni de la camaraderie. Jeremiah ne cesse de me mettre en avant, démontrant comme je tire bien à la carabine, comme je suis fiable et sûr de moi. C'est officiel, il a commencé ma campagne de shérif. Ça me flatte qu'il prenne ça à cœur alors que je ne fais pas autant d'efforts de mon côté.

Alors que Jered Fox me félicite pour les deux pauvres canards qui s'ajoutent à son tableau de chasse, Jerry m'attire par l'épaule et sourit de toutes ses dents. L'Amérindien est l'oncle de Falcon et travaille en collaboration avec le père de ce dernier dans le commerce de marbre. Jerry n'a pas seulement un groupe d'amis soudés, chacun a de nombreuses relations. Même Murphy, à sa manière. Mais je pense que celui-ci est présent dans l'optique de se souler au barbecue de ce soir.

En revenant trempé vers les voitures en fin d'après-midi, Fox balance les nombreuses volailles à l'arrière de son pick-up. Si Benji était là, il pèterait un câble devant autant d'animaux sauvages abattus. Il a horreur de ça, un des nombreux points communs qu'il partage avec sa mère. Mais il n'est pas là, alors la bande de quarantenaires s'en est donné à cœur joie.

Tandis qu'on se réunit près des véhicules sur l'aire qui borde la Nationale, Delacroix profite du fait que Pierce Osborne va ranger son fusil pour aborder l'arrestation de Liosha Yuri. Ce dernier est le fils biologique d'Osborne, un beau gosse à la barbe blonde, qui ne l'a pas reconnu à la naissance. Je ne crois pas qu'il ait déjà agi comme un père avec lui, mais Delacroix évite quand même de cracher sur son homosexuel de progéniture devant l'ami de Jerry. Le fervent protestant défend que « ce mec n'était qu'un déchet et que c'est une bonne chose que la ville en soit débarrassée ». L'évocation dudit délinquant ouvertement gay durcit les traits de son visage carré.

— Il n'a pas encore été jugé, je lui rappelle.

Même si les charges contre Liosha sont lourdes, il ne restera pas très longtemps éloigné de Rockbury. Au pire, il écopera d'un an de prison. Au fond, ce n'est pas un mauvais type, il a juste tendance à faire des choix douteux. Je ne lui souhaitais pas de finir en taule, mais il n'y échappera pas après avoir été arrêté avec autant de cocaïne sur lui.

— Une perquis' a été faite chez Yuri, s'impose Murphy. C'est Lewis qui m'en a parlé. Ils y ont déniché tout un tas de drogue.

— En réalité, on a trouvé que de l'herbe, j'objecte pour calmer ses ardeurs. Ce qu'on peut espérer de mieux à présent est qu'il livre ses complices, ce sont eux le vrai problème. S'il n'y a plus d'approvisionnement en drogue, il n'y a plus de trafic.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsWhere stories live. Discover now