Chapitre 2 : Benji

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    Planqué derrière une rangée de jeunes cyprès en pot, je checke les textos que j'ai reçus ce matin. La jardinerie est calme ce midi. Pas étonnant, il n'y a jamais foule au Garden Center la semaine. C'est ce qui m'avait convaincu de postuler ici à la fin du lycée. Je ne suis pas carriériste, tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un salaire convenable, de collègues sympas, et d'un planning modulable ... Ce job était fait pour moi.

    De Ruby, 12 : 48 : Salut, beau gosse. T'es libre ce soir ? Je passe près de Rockbury et je n'arrête pas de penser à toi, mon string te le confirmera.

    Je profite de l'absence de mon manager dans le rayon et ôte un gant afin de répondre à Ruby. On couche ensemble depuis un peu plus de trois semaines. Rien d'extraordinaire de mon côté, mais elle n'a pas l'air d'être du même avis. Elle semble partie pour faire de moi son plan cul régulier, malheureusement pour elle, je ne suis pas du genre à m'attarder très longtemps avec la même nana. Et en plus, aujourd'hui, je suis trop claqué pour tenir son rythme.

    De Benji, 12 : 51 : Pas dispo, je suis en inventaire.

    De Ruby, 12 : 51 : Sérieux ? Tu finis à quelle heure ? Je peux attendre.

    J'hésite à continuer sur ma lancée et lui raconter les pires bobards pour m'en débarrasser. Ruby est une fille canon, sympa, drôle, et plutôt futée... Pour coucher, je n'en demande pas autant d'habitude. Elle pourrait convenir à plein de mecs de Rockbury qui veulent se caser, mais je n'en fais pas partie, et elle non plus. Mes relations avec les nanas se résument au sexe, rien de plus.

    Finalement, mon envie l'emporte sur ma fatigue. Je consens à la revoir une dernière fois, histoire d'officialiser la fin de notre « partenariat ».

    De Benji, 12 : 52 : 22h.

    Ce qui est pratique avec ce genre de nanas, c'est qu'elles comprennent vite et bien. Inutile de préciser à Ruby qu'on ne passera pas toute la soirée ensemble, mais simplement une heure ou deux sur mon canapé ou dans mon lit. Elle me répond par un bref « Pas de soucis » et notre conversation s'arrête là.

    Mais avant de ranger définitivement mon portable dans la poche de mon jean, je m'intéresse aux derniers messages envoyés à Phoenix. Ils datent d'hier, avant qu'il ne s'égare sur mon canapé. Plus j'y repense, plus mes pensées s'emmêlent.

    Merde... Phoenix m'a embrassé !

    Pendant plusieurs secondes, mon doigt reste en suspens au-dessus de l'écran. Quelque chose me retient de lui écrire. En vérité, je ne sais pas quoi lui dire. Est-ce qu'il évoquera ce qu'il s'est passé chez moi hier soir ?

    Il avait la tête en vrac, il était complètement claqué, et on avait descendu la moitié de ma bouteille de Whisky... Ça peut arriver à tout le monde de se perdre. Phoenix ne m'a simplement pas habitué aux excès, aux pertes de contrôle ou aux écarts de conduite. Il fait partie de ces gens raisonnables et constants. C'est ce que j'ai souvent admiré chez lui, sa stabilité. En plus de sa couleur de cheveux éblouissante.

    Comme si penser à lui avait pu l'invoquer, la jeep du shérif adjoint se gare sur le parking. À travers le grillage extérieur de la jardinerie, j'aperçois les deux flics en tenue de service assis à l'avant. Ils sortent simultanément de voiture, l'un restant fumer dehors, tandis que l'autre se dirige vers les portes automatiques du Garden Center.

    Même à distance de l'entrée, je distingue la crinière de feu évoluer entre les rayons jusqu'à atteindre la serre extérieure. Phoenix passe la porte vitrée, s'avançant vers moi d'un pas décidé, son chapeau d'adjoint dans une main et l'autre tenant deux cafés fumants disposés dans un support.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsWhere stories live. Discover now