Chapitre 7 : Benji

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Sept ans plus tôt, mars 2011

    Un jour, mon père m'a dit que dévoiler la vérité faisait souvent moins de dégâts que de s'enfoncer dans les mensonges. Qu'il suffisait d'avoir confiance en soi et en son interlocuteur, que le reste n'était qu'une question de courage ou de faiblesse. Mais lorsque la vérité rend la vie insupportable, faut-il quand même la révéler ?

    J'ai toujours détesté les gens en retard, ce vendredi plus que n'importe quel autre jour. Ça faisait une plombe que j'attendais comme un con devant le lycée que Phoenix se pointe, sans jamais le voir venir. Lors de notre dernier cours, ce dernier m'avait prévenu qu'il devait passer voir le coach avant de me rejoindre. Mais il ne faut pas une heure pour faire l'aller-retour au stade.

    Adossé à l'arrêt de bus, je prenais mon mal en patience en faisant défiler les musiques sur mon portable. Une bourrasque s'infiltra soudain sous mon manteau, me glaçant les os. J'enfonçai mon menton dans mon écharpe en claquant des dents, maudissant ce fichu rouquin pour me faire poireauter dans le froid.

    La plupart des autres élèves de troisième année étaient déjà tous rentrés chez eux, personne n'avait envie de traîner dehors par un temps pareil. J'avais même fait pitié au chauffeur de bus qui m'avait proposé de faire un détour par mon quartier pour me déposer.

    De Benji à Phoenix, 16 : 12 :Tu fous quoi ?! Je t'attends !

    Sans réponse de sa part après dix minutes de plus, je finis par céder.

    De Benji, 16 : 22 : Je rentre !

    Ce n'était pas dans les habitudes de Phoenix de me poser des lapins. J'estimais qu'il devait avoir une bonne raison de le faire, ou du moins, j'espérais qu'il aurait une excuse à me donner pour expliquer son retard. Le chemin du retour me parut horriblement long à pied, dans le vent, mais surtout, en solitaire. J'hésitai à aller m'acheter un snack à la supérette qui faisait l'angle au coin de la rue, mais je n'avais que quelques pennies en poche. En somme, même pas de quoi m'acheter un paquet de chewing-gum.

    Quand j'arrivai à la maison, mon visage était gelé, mon nez coulait, et mon ventre se creusait à m'en donner des crampes. La voiture de ma mère n'était pas garée dans l'allée. Elle était probablement sortie faire des courses. Cette simple idée relança mes gargouillements de plus belle. Avec empressement, je récupérai la clé sous le paillasson et ouvris la maison.

    Une douce chaleur réchauffa aussitôt mes mains engourdies par le froid. J'allai remettre une bûche dans le feu qui commençait à s'éteindre, puis je chapardai un paquet de chips et une canette de Coca Cola dans la cuisine. Profitant d'être seul chez moi, je ne m'attardai pas au rez-de-chaussée et montai directement à l'étage. Manteaux, chaussures et sac de cours s'échouèrent sur le parquet, avant que je ne fonce vers ma console pour l'allumer.

    Mon coin de gamer se situait dans un petit renfoncement du palier desservi par la chambre de Phoenix, la mienne et une salle de bain. En tailleur sur un large pouf disposé sous la fenêtre, je me réjouissais de pouvoir enfin terminer le niveau sur lequel on bloquait depuis des semaines.

    Une demi-heure plus tard, mon portable vibra à mes pieds.

    De Phoenix, 17 : 20 : T'es où ?

    De Benji, 17 : 23 : À la maison.

    De Phoenix, 17 : 23 : Je croyais qu'on allait en ville ?

    De Benji, 17 : 23 : Je t'ai attendu, mais t'es jamais venu.

    De Phoenix, 17 : 24 : Merde, désolé.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsWhere stories live. Discover now