Chapitre 18 : Pheonix

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     Pourquoi les personnes qu'on aime sont-elles toujours celles qu'on blesse le plus ?

     Cette question me tourne dans la tête alors que je pénètre dans la tente un quart d'heure après Benji. Ce dernier est couché dans son duvet, lui donnant l'apparence d'une chrysalide. Et c'est exactement ce qu'il est, tel un papillon caché dans son cocon de secret, il attend l'heure où on l'en libérera pour déployer ses ailes. Et je sais que le seul à pouvoir le faire, c'est moi.

     Je me déchausse et retire mes fringues jusqu'à finir en boxer. La nuit a amené la fraîcheur, mais je ne crains pas le froid. Je me glisse dans mon propre duvet que je garde entrouvert pour laisser respirer ma peau. Couché sur le côté, Benji me présente son dos. Il ne dort pas encore. Son corps se soulève à un rythme régulier, mais il est plus rapide que pendant le sommeil.

     Partageant le même matelas double, je m'allonge dans son sens et observe sa nuque encombrée par ses cheveux bouclés. Il cogite encore. J'aimerais extirper jusqu'à sa dernière pensée pour m'éviter de les deviner. De nous deux, il a toujours été le plus mystérieux. Deux décennies n'auront pas suffi à le percer à jour. Chaque fois que je crois l'avoir compris, Benji me prouve que je suis encore loin de la vérité.

     Notre conversation devant le feu de camp m'occupe un long moment. Je sais que lui aussi. On a fait n'importe quoi, n'importe comment. Je n'arrive pas à croire qu'on ait réussi à se planter autant. Je voudrais qu'il me pardonne, qu'il me fasse confiance, qu'il comprenne que je ne veux pas lui faire de mal.

     Il n'a pas idée de l'intensité de mes sentiments envers lui. Mais comment lui reprocher ? Moi-même, j'ai mis tellement d'application afin de les enterrer que j'avais fini par me berner.

     Rapidement, l'obscurité m'empêche de distinguer sa silhouette, mais ma mémoire me permet de la voir même dans le noir. Je tends le bras vers lui et pose ma main sur son flanc. Il se contracte sous ma paume, mais ne bouge pas. Encouragé, je dévale sa taille, puis m'arrête sur sa hanche avant de repartir en sens inverse. Mon invasion achève sa course sur son épaule.

    Soudain, Benji me dégage d'un mouvement brusque. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Je reviens à la charge, pressant tout mon corps contre le sien. J'enfouis mon nez dans ses cheveux et soupire contre sa nuque. Je le veux tellement... Bordel... Si fort.

     — Je n'ai jamais souhaité te faire de mal ou te rabaisser, je murmure contre ses mèches brunes. Pardonne-moi... Ma jalousie a été plus forte que tout, elle me dévorait vivant.

     Ma bouche se presse sous la naissance de ses cheveux. Benji expire faiblement. Je dépose un autre baiser dans son cou tout en caressant sa hanche par-dessus le duvet. Petit à petit, mon geste gagne en intensité. J'appuie sur sa courbe comme pour m'en imprégner. Mon torse épouse son dos et nos bassins s'alignent à travers les couvertures. Je ferme les yeux et baise la peau derrière son oreille.

     — Je t'aime et te désire, Bennie, et tu ne pourras rien faire pour m'en empêcher.

     L'exprimer à voix haute anéantit dix années de contrôle. Je sens mes chaînes se briser et me laisser respirer à plein poumon pour la première fois.

     Lentement, Benji se tourne vers moi. Je ne le vois pas, alors je me penche vers lui et cherche ses lèvres à l'aveugle. Je les trouve comme un chemin qu'on parcourt matin et soir. Je les embrasse fiévreusement et il agrippe mes cheveux courts. Il approfondit le baiser, effaçant jusqu'à mon dernier doute.

     Notre abandon est désespéré et anarchique, et pourtant, plein de douceur. On veut tout à la fois, rattrapant des jours de frustration, de colère, de tristesse, de manque... Je le câline partout où mes mains peuvent l'atteindre. Mais rapidement, ce n'est plus assez. Je tâte un moment jusqu'à tomber sur la fermeture éclair de son duvet. Je la descends en un zip sonore et m'introduis dans son cocon. Les couches de vêtements semblent être aussi fines que du papier après l'avoir touché par-dessus les couvertures.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsDove le storie prendono vita. Scoprilo ora