Chapitre 28 : Phoenix

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     Accueillir Benji chez moi impliquait tout ce qui fait sa vie, y compris le contenu de son appartement. Depuis qu'il a emménagé la semaine dernière, de nouveaux cartons et bibelots viennent s'ajouter quotidiennement à la pile astronomique qui envahit la maison. J'ai découvert l'ampleur de son trésor lorsqu'on est allés chercher ses premières affaires ensemble, mais à présent, j'ai le sentiment qu'il a triplé de volume.

     En rentrant du travail, je force sur la porte d'entrée pour libérer le passage. Une pile de cartons dégringole avant que je ne referme derrière moi. J'en enjambe un, puis trébuche sur un objet qui traîne par terre. Merde, ma baraque ressemble à un post-ouragan. Alerté par mon entrée, Benji apparaît derrière une montagne de DVD qui trônaient sur la table basse. Il les fait tomber dans son geste brusque, mais s'en fout et vient m'embrasser.

     Après avoir pris une douche et troqué mon uniforme pour des fringues de civil, je l'aide à vider ce qu'il a rapporté. Joindre nos deux vies prend du temps. On s'imaginait être déjà imbriqué dans l'existence de l'autre, mais je peux nettement voir nos deux quotidiens s'entrechoquer. Et j'aime cette vision. Je me fous qu'un psychorigide comme moi se fasse envahir par un bordélique comme Benji. Ma maison n'a jamais été aussi accueillante que depuis qu'il y habite.

     Alors qu'on remplit les étagères de la chambre avec ses fringues, je tombe sur un truc insolite au fond de l'un des cartons.

     — Comment un aussi petit appart pouvait contenir autant de... (J'attrape l'objet en bois et l'examine en le tournant) Mais c'est quoi ça ?

     Debout devant le placard, Benji se tourne vers moi.

     — Pas touche à mon masseur pour pieds.

     — Masseur pour pieds... Digne d'un glandeur, j'expose en le mettant de côté. T'avais vraiment besoin de le garder ?

     — Je suis un accumulateur compulsif, laisse-le là où il est.

     — T'as développé des sentiments vis-à-vis de ce machin ?

     — Tu ne te moqueras plus de lui le jour où tu rentreras du boulot après avoir couru à travers tout Rockbury, objecte-t-il en tournant le dos au placard. À ce moment-là, ce machin, comme tu dis, tu le béniras.

     Un autre rire s'échappe de ma bouche. Je m'avance vers lui et saisis sa taille.

     — T'as deux mains, c'est pour t'en servir, je lui souris.

     — Tu crois que je vais masser tes grands panards ?

     — Je masserais les tiens.

     Intrigué, il arque un sourcil.

     — Ça change la donne, concède-t-il.

     Je dépose un baiser sur ses lèvres et on se remet au travail.

     Une fois tous ses vêtements rangés dans mes placards, on s'assoit sur le lit avec la sensation d'avoir bien bossé. J'ai ma journée de boulot dans les jambes, mais je pourrais rester éveillé toute une nuit juste pour passer du temps avec Benji. Même si l'activité consiste à trier son bordel.

     — Et si on sortait ? lance-t-il tout à coup.

     — Tu veux manger en ville ?

     — Je ne sais pas, je n'ai pas spécialement envie de me mêler au monde, je veux juste qu'on sorte tous les deux.

     Je réfléchis un instant. Moi non plus, je ne suis pas tenté de me mêler à la populace. Danny's ne déborde pas de clients, mais il y aura forcément des visages familiers là-bas.

ROCKBURY - Le poids de nos secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant