ROCKBURY - Le poids de nos secrets

Chapitre 20 : Benji

     Il n'y a pas à dire, prendre l'air nous a fait un bien fou !

      Ça fait quelques jours que chacun a repris son boulot, Phoenix au bureau du shérif à courir dans tous les sens, et moi à la jardinerie à m'occuper de mes plantes. La routine s'est de nouveau installée, avec un petit quelque chose de changé. Car je ne compte pas ignorer les rapprochements qu'on a eus dans la tente ni les vérités qui y ont été dévoilées. Je n'ai plus envie de faire semblant avec Phoenix, ni avec moi-même.

     J'éprouve des sentiments forts pour lui, beaucoup plus puissants qu'envers un simple meilleur ami ou même un frère. Il l'a compris bien avant moi, et s'il prétend pouvoir encaisser la face cachée de l'iceberg, je pense pouvoir me livrer à lui. Du moins, en partie.

     Ce soir, c'est dans une demeure gigantesque, sur les hauteurs de Rockbury, que la relation Phoenix-Benji prend un nouveau tournant. Une fête a été organisée chez les Morelli par Falcon et Terence, afin de fêter le retour du chef de leur bande. Jethro. Et on a été expressément invités.

     Je ne suis pas particulièrement proche du trio, je ne l'ai jamais été. Selon moi, Jethro n'est pas ce qu'on peut appeler un mec avenant ni franchement abordable. Il pète plus haut que son cul et dédaigne tous ceux qui osent le contredire. Le parfait sosie de son père. Mais pour l'heure, je me fous pas mal de celui qui organise la soirée comme du sujet principal de cette dernière. Tout ce que je veux, c'est rattraper le temps perdu avec Phoenix à me voiler la face. Je retrouve donc ce dernier dans un manoir situé à la sortie Est de la ville.

      La musique nous accueille sur le pas de la porte, avant que le maître des lieux ne fasse son apparition. Jethro Morelli s'est sapé pour l'occasion d'une tenue étriquée et sombre qui renforce son côté androgyne. Avec ses cheveux bruns laqués, son visage fin et ses yeux sombres un peu tombants, personne ne pourrait croire que ce bourgeois dissimule en vérité un véritable requin. Il nous invite à entrer, on échange quelques banalités, avant qu'il ne nous abandonne pour retrouver son pote, Terence.

     Falcon a déjà bien entamé la dose d'alcool autorisée quand Phoenix et moi le rejoignons dans l'immense salon. Accoudé près d'un récipient rempli de punch, il parle avec Kaio et un serveur qui n'a pas l'air insensible à ses charmes.

     Avant que mon pote me dévoile son homosexualité, je faisais rarement attention à ce genre de détails. Mais depuis qu'il m'a appris comment fonctionnent les gays, je remarque qu'il y en a plus autour de moi que je le pensais. Pour ma part, je ne me sens pas totalement en accord avec eux. Je suis attiré par Phoenix, c'est indiscutable, mais je n'éprouve aucun penchant pour les autres membres de mon sexe. Il n'y en a qu'un qui arrive à me séduire, et il se trouve à côté de moi, en train de dévorer un petit four.

     Lorsqu'il nous repère enfin, Falcon délaisse son mec pour nous rejoindre, son verre vide dans une main, et son smartphone prêt à mitrailler dans l'autre. Ce mec est décidément sur tous les dossiers. À en juger par son air fatigué et son sourire niais, il ne sera pas en mesure de prendre beaucoup de photo ce soir.

     — La dernière fois que je t'ai vu en soirée, Falcon, t'as fini à quatre pattes sous la table, le charrie Phoenix.

     — J'avais toujours mes fringues ?

     — Là où je m'en étais arrêté, ouais. Après, je ne sais pas ce que tu as fait de ton cul.

     — Et tu ne veux pas le savoir, j'interviens.

     Le journaliste lâche un rire lent tout en s'accoudant à l'épaule de Phoenix. Je suis son geste sans pouvoir m'en détacher, une vague ardente se réveille en moi.