L'oiseau sans ailes (Tome 1)

Chapitre 63 : "Retrouvez-la !"

Màni

La fraicheur de la nuit lui remit les idées en place, ainsi que la pluie qui lui fouettait le visage. Il n'arrivait pas à y croire ... Màni avait définitivement tourné la page, sachant parfaitement qu'il n'y aurait rien de plus entre Runa et lui. Ils avaient passé de bons moments certes mais de bons moments appartenant dorénavant au passé. Il ... Il pensait que Runa ne ressentait plus rien pour lui. Elle n'était qu'une amie d'enfance à ses yeux, rien de plus. Et il pensait naïvement qu'elle l'avait compris. Il avait rapidement mis fin à ce baiser qui ne signifiait rien pour lui. Et il espérait qu'elle avait compris le message. C'était Aélis qu'il aimait de tout son cœur. Elle toute entière. Sa douceur, son courage et oui même son innocence. Il aimait la voir découvrir l'amour auprès de lui, il aimait la voir sourire, la voir rire ...

Il pressa le pas jusqu'à la grande bâtisse où devait se trouver la jeune femme. Il allait lui dire ce qui s'était passé. Pas pour la blesser mais pour être honnête avec elle. Elle méritait de savoir. Il savait qu'elle craignait plus que tout d'être abandonnée ou remplacée par une autre, comme son époux l'avait remplacée par sa demi-sœur. Mais jamais il ne la remplacerait. Il l'aimait bien trop pour cela. 

Il grimpa quatre à quatre les marches en bois de l'escalier et arriva dans le couloir de la demeure de Rollon. Étrange, tout était sombre ... Il se pressa vers la porte de la chambre d'Aélis et l'ouvrit doucement.

- Aélis ?

Personne. Était-elle encore à la cathédrale ? Décidément, elle en avait des choses à confier à son dieu. Màni referma la porte derrière lui, dévala les marches dans l'autre sens et ressortit de la bâtisse. Il se dirigea vers la cathédrale, silhouette imposante dans les ombres de la nuit. Il se protégea vainement de la pluie avec ses mains et entra dans la cathédrale. Ici aussi régnait un silence glacial. Màni eut soudainement un mauvais pressentiment. Il fit un pas dans l'obscurité absolue.

- Aélis ?

Pas de réponse. Mais où était-elle ? Il fit un autre pas, soucieux. Ce silence était étrange ... Où pourrait-elle être allée ? Aélis n'était pas du genre à disparaître. Sauf une fois ... Quand cet assassin ... Màni sentit soudainement la peur lui enserrer les entrailles. Non ... L'assassin était mort. Mais si sa demi-sœur ou son époux en avaient-ils envoyé d'autres ? Non ... Non ...

- Aélis ! cria-t-il plus fort.

Soudain, il crut entendre une plainte. Un geignement. Màni ouvrit en grand les portes de la cathédrale pour tenter de distinguer quelque chose dans cette obscurité à glacer le sang. Puis, il se figea, attendant. La plainte reprit. Sur sa gauche. 

Le normand s'avança dans la direction du geignement avant d'apercevoir de la fourrure blanche.

- Nix !

Il s'agenouilla rapidement près de la louve. Elle était dans un sale état, semblant ne pas pouvoir se lever. Màni passa une main dans son pelage, essayant de la calmer. Il sentit soudainement un liquide sous ses doigts. Du sang ... Nix était blessée ? Son genou buta alors contre quelque chose. Sans cesser de caresser la louve qui gémissait de douleur, il attrapa ce qui l'avait gêné. Une chandelle ... Aélis ... Son cœur s'affola dans sa poitrine. Non ! Pas encore une fois ! Il avait juré à Lothaire de veiller sur elle ! Il ne pouvait pas la perdre le soir-même ! 

Où était-elle ? Avait-elle été enlevée ? Était-elle ... ? Non, si elle était morte, son meurtrier l'aurait laissée dans la cathédrale. Pourquoi l'emmener ? Elle était vivante. Il en était persuadé.

- Je reviens, assura-t-il à Nix.

Il sortit en trombe de la cathédrale et fonça vers la taverne, ignorant la pluie lui martelant le visage. Il avait bien trop peur pour se soucier de cela. Il devait prévenir ses hommes ! Prévenir Rollon ! Et retrouver Aélis avant qu'il ne soit trop tard !