Chapitre 80 : Le baptême de Rollon

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Aélis

- Dame Aélis !

Je me tournai vers mon interlocuteur en la personne de Robert de Paris. Une courte barbe brune mangeait le bas de son visage, piquetée de petits poils blancs. Mais malgré cela, il ressemblait toujours à un fringant jeune homme avec ses cheveux châtains mi-longs coupés à la perfection, sa haute stature et ses épaules carrées. C'était un guerrier. Mais pour l'occasion, il avait délaissé sa tenue militaire pour une tunique blanche immaculée, néanmoins brodée d'un liséré d'or.

- Comte, le saluai-je à mon tour d'un mouvement de tête.

- Vous êtes en grande beauté, me complimenta-t-il.

- Je vous remercie.

- Puis-je vous conduire à votre place ? s'enquit-il.

Il tendit la main vers moi. Je la pris et nous traversâmes la cour grouillante de vie d'un pas lent. Apparemment, il n'était pas pressé de me lâcher. Ce qui voulait dire qu'il avait quelque chose en tête.

- Lothaire m'a avoué que votre époux, paix à son âme, n'était pas un homme dévoué envers vous.

Il n'avait pas mis longtemps avant de me parler de mariage car j'étais certaine qu'il essayait d'amener le sujet avec plus ou moins de subtilité. Mais je ne pensais pas qu'il savait la vérité ... Après tout, je n'en voulais pas à Lothaire. Il aurait fini par le savoir un jour ou l'autre. Et maintenant que Drogo n'était plus, cela ne changeait rien.

- En effet, répondis-je prudemment. Il avait une maîtresse.

- Votre demi-sœur.

- Vous êtes bien renseigné.

- N'en voulez pas à votre ami, je me suis montré particulièrement insistant.

Je m'en doutais bien. Se serait-il montré aussi insistant en apprenant que Lothaire était en réalité son neveu, bien plus légitime que lui à se réclamer du roi Eudes ? Pourtant, je me tus. Robert ne devait pas apprendre une telle chose. Je ne voulais pas qu'il voie soudainement Lothaire comme une menace pour ses ambitions et qu'il décide de s'en prendre à lui.

- Je voulais vous faire une proposition, dit-il soudainement.

Nous y voilà ...

- Laquelle ?

- Je suis moi-même un homme seul et je recherche la compagnie d'une épouse.

Si prévisible ... Ma main se crispa néanmoins dans la sienne alors que j'essayais de garder un air neutre sur mon visage, saluant avec respect les différents comtes et ducs que nous croisions. Tous lorgnaient sur nous, se demandant sans doute ce que le comte de Paris faisait avec la Dame du Maine.

- Vous ne me demandez tout de même pas de devenir cette femme, fis-je mine de m'offusquer, tournant mes yeux verts dans les siens. Comte, je suis encore en deuil de mon époux.

- Bien sûr, bien sûr, me rassura-t-il. Et prenez le temps qu'il vous faudra ma chère. Mais je suis très sérieux dans ma demande. Vous avez besoin d'un homme pour vous aider à administrer et protéger vos terres et moi j'ai besoin d'une épouse pour faire perdurer ma lignée. Ensemble, nous pourrions accomplir de grandes choses ...

Ne me voyait-il que comme un ventre ? Et s'il croyait qu'étant une femme je ne pouvais pas diriger mon comté seule, il se fourrait le doigt dans l'œil. Il ne me connaissait pas du tout ! Pourtant, je choisis d'être mesurée dans ma réponse.

- Votre intérêt soudain à mon égard n'est-il pas dû à mon statut d'héritière de Charlemagne et donc, par conséquent, si vous m'épousez, vous deviendrez encore plus légitime pour revendiquer le trône de Francie ?

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu