Chapitre 36 : Passer un pacte avec le Diable

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Aélis

- Alors, Dame du Maine ? Acceptez-vous mon offre ?

Je ne répondis pas tout de suite. J'avais l'impression de perdre mon âme dans ce marché mais je n'avais pas d'autres choix. Je devais vaincre Ulrik le plus rapidement possible, avant qu'il ne s'en prenne à Màni et qu'il ne le tue. J'avais déjà craint pour sa vie et je ne supporterai pas de le perdre de nouveau. Je ne le voulais pas. Et si pour cela, je devais passer une alliance avec le Diable en personne ... Alors ainsi soit-il. Màni, mes terres et mon peuple passaient avant toute autre chose.

- Réfléchissez, insista le comte de Paris. Vous n'avez pas d'autres choix qui s'offrent à vous.

- Deux frères normands m'ont déjà promis leur soutien, lui avouais-je.

- Et croyez-vous pouvoir leur faire confiance ?

J'avais bien plus confiance en eux qu'en lui, oui c'était certain.

- Et combien ont-ils d'hommes ? insista Robert.

Je détournai le regard. Je me détestais de penser ainsi mais j'allais avoir cruellement besoin des deux cents hommes du comte de Paris. Ma réussite et ma survie, ainsi que celle de Màni, ne dépendaient que de son appui. Mais ne risquais-je pas la colère de Charles en promettant mon soutien au comte de Paris ? Car un jour la guerre civile éclaterait en Francie et ce jour-là, je devrais choisir un camp. Mais ce jour-là n'était pas encore arrivé ... Alors peut-être devrais-je penser à moi seule pour le moment ? Et prendre en compte ce problème quand il serait une certitude et non une vague probabilité ?

- Pas assez c'est cela ? devina Robert devant mon manque de réponse. Sinon vous ne perdriez pas votre temps à négocier avec moi.

- Si j'accepte, je trahis mon propre sang. Comprenez que la décision est difficile à prendre.

- Elle est fort simple au contraire. Vous allez devoir décider ce que vous voulez le plus. Reprendre vos terres et redevenir la comtesse du Maine ou rester ici, sous la protection de vos amis normands en attendant qu'ils se lassent de vous et qu'ils ne vous tuent pour leur bon plaisir.

Màni ne laisserait jamais cela arriver. Ni Rollon. Mais je me gardais bien d'exposer mes soutiens à voix haute. Mieux valait que Robert me croie faible. Qu'il pense être mon seul allié. Jamais je n'aurais cru avoir plus confiance en des hommes du Nord, des envahisseurs, plutôt qu'en un comte franc. 

Robert s'approcha encore plus près de moi. Je relevai mes yeux dans les siens, le défiant du regard.

- Vous avez besoin de moi, insista-t-il. Et j'ai besoin de vous. Ensemble, nous pouvons être les plus puissants de Francie. Si votre ami est venu me trouver, c'est qu'il n'avait plus d'autres alliés possibles. Le roi n'est pas votre allié, Aélis.

C'était la première fois qu'il m'appelait par mon prénom mais je commençais à comprendre ce qu'il envisageait à plus long terme ... Une idée qui ne me plaisait pas du tout. Mais il avait raison. J'avais besoin de ces hommes. Alors, pour l'instant, j'allais devoir mettre ma vie entre ses mains. Heureusement, je ne serai pas qu'avec lui sur le champ de bataille. Màni et Ivar seraient aussi là et j'espérais que leur présence permettrait de garder Robert à distance. Il était bien trop ambitieux ... Mais ses soldats étaient nécessaires.

- Très bien, acceptais-je finalement. Aidez-moi à vaincre ce normand qui a volé mes terres et je vous soutiendrai le jour venu.

Je vis Lothaire fermer les yeux et j'eus envie de faire de même, mais, à la place, je me contentai d'un sourire faux sur les lèvres. Robert prit ma main dans la sienne et la baisa. 

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now