Chapitre 24 : Robert, comte de Paris

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Lothaire

Lothaire attendit avec impatience que la nuit tombe sur la grande cité de Paris. Il avait dit au père Carloman qu'il avait besoin d'aller prier dans la chapelle. Ce dernier n'avait pas insisté, sentant bien sa morosité. Comment ne pourrait-il pas l'être ? Le roi Charles avait purement et simplement refusé de se porter au secours d'Aélis. Il préférait la voir mourir plutôt que de payer une rançon qu'il pouvait sans doute payer ! Lothaire était fou de rage ! Et si démuni ... 

Si le roi ne pouvait pas l'aider, vers qui d'autre se tourner ? Il n'avait guère d'autre possibilité. Le comte de Paris, Robert. Judith et Drogo tueraient Aélis si elle revenait en vie au Mans, le roi ne se préoccupait que de son royaume ... Avait-il un autre choix ? Non. Alors il rencontrerait cet homme. Une rencontre n'avait jamais fait de mal à personne ... Il n'était pas obligé d'accepter mais seulement d'écouter. Même si ce comte de Paris ne lui inspirait guère confiance ... De plus, il avait dit que les murs de ce palais avaient des oreilles ... Mais qui espionnerait Lothaire ? Et pourquoi ?

Ce fut l'esprit embrumé de questions qu'il sortit du palais, emmitouflé dans un large manteau sombre que lui avait généreusement offert le roi. C'était à peu près tout ce qu'il avait fait pour lui. Lui offrir un manteau, le gîte et le couvert. Mais rien pour aider sa cousine en danger de mort. Lothaire pesta dans sa barbe une énième fois avant de se diriger vers l'abbaye Saint-Martial, comme lui avait indiqué son nouvel « ami ».

Le brun se figea devant l'entrée, observant la façade gigantesque en pierre se dressant devant lui. Mais la nuit noire ne lui permettait pas d'en voir davantage. De plus, la neige se mit doucement à tomber. Lothaire poussa un long soupir avant de pousser la lourde porte en bois. Étrangement, elle était ouverte. Sans doute par les soins du comte.

Lothaire referma prudemment la porte derrière lui et s'avança dans la large nef. Quelques chandelles étaient allumées autour de lui mais ne lui permettaient pas de distinguer le plafond de l'édifice. Ce dernier restait dans les ombres. Lothaire retira doucement la large capuche posée sur son visage, observant avec inquiétude autour de lui. Peut-être aurait-il dû amener une arme, même si elles étaient interdites dans la maison de Dieu. Mais cet endroit ne lui disait rien qui vaille ... Ou était-ce ce comte de Paris ?

Le jeune homme remarqua alors une silhouette devant lui, agenouillée devant l'autel. Au-dessus de la silhouette était représentée une mosaïque datant sans doute de l'empire romain, évoquant un évêque. Sans doute Saint-Martial de Limoges à qui était dédicacé cette abbaye. Lothaire s'approcha, n'ayant de toute façon rien d'autre à faire. Était-ce un piège ? Pourquoi ? Lothaire ne savait rien de compromettant, excepté la volonté de Judith et Drogo de tuer Aélis mais il ne pensait pas que le seigneur du Maine connaissait le comte de Paris. Mais peut-être se trompait-il ...

La silhouette encapuchonnée se redressa soudainement, s'étirant de sa haute stature et de ses épaules carrées. Elle se signa avec lenteur avant de se retourner vers Lothaire. Ce dernier reconnut les yeux bleu glace de son interlocuteur.

- Personne ne vous a suivi ?

Il n'avait pas fait très attention à cela mais il ne le pensait pas. Qui le suivrait ? Personne ne s'intéressait à un aspirant prêtre venu demander de l'aide pour son amie à la Cour. Même le roi l'ignorait ...

- Non, dit-il seulement.

- Très bien. Maintenant, suivez-moi.

Le comte le conduisit sur le côté du chœur, prenant une chandelle sur son chemin. Il se dirigea dans une petite pièce vide à l'écart de la nef, à l'exception d'une vieille table en bois qui reposait là depuis de longues années, ainsi que d'un large coffre mais rien de plus. Lothaire frémit quand la porte se referma sur eux deux. Si le comte voulait le tuer, il n'avait plus qu'à le faire. Mais pourquoi le ferait-il ? En silence, ce dernier déposa la chandelle sur la table et laissa tomber sa capuche dans son dos, révélant son visage aux traits fins.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now