Chapitre 34 : Il suffit de demander

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Aélis

- Alors raconte-moi tout.

Je pris une longue inspiration avant de venir m'asseoir près de lui. Je lui contai alors notre fuite, ma rencontre avec Nix, puis notre refuge dans ce monastère. Il m'écouta sans m'interrompre, attentif.

- Puis, nous avons rencontré Rollon. J'ai cru que nous étions perdues et qu'il allait nous asservir. Mais, il n'en a rien fait. Il s'est montré étrangement amical.

- Il a l'air très préoccupé par ton sort ... murmura Màni.

Je poussai un long soupir, jouant machinalement avec le collier que je portais toujours autour du cou depuis qu'il me l'avait donné. Màni suivait mes gestes avec amusement.

- Parce que c'était l'amant de ma mère, lâchais-je en un souffle.

Il se redressa brusquement et fut près de moi en un instant.

- Rollon ? répéta-t-il comme s'il ne pouvait y croire.

Je me levai du lit, marchant de long en large dans la pièce. Le bois du parquet était froid sous mes pieds nus mais je n'en avais cure.

- Moi aussi je n'ai pas voulu y croire au début mais c'est la vérité. Il ... Je sais qu'il a connu ma mère. Il a parlé de détails que seul un amant pourrait connaître. Et cette façon dont il avait d'évoquer ses souvenirs ... Il y avait une telle tendresse dans sa voix ...

- Mais ta mère était la comtesse du Maine, n'est-ce pas ? Et la sœur de l'ancien roi ? déduisit-il.

- Oui.

- Comment Rollon a-t-il pu la connaître ?

- Ils se sont connus lors du mariage de Rollon avec Poppa de Bayeux. Puis, ils ne se sont plus quittés. Ma mère ne m'a jamais parlé de lui mais je suppose qu'elle l'a fait pour me protéger.

Même si je ne saurais jamais la réponse maintenant ... Màni émit un petit ricanement entre ses dents.

- La pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre ...

Lui aussi connaissait cette expression ? Deux fois que des normands me la disaient en une seule journée.

- Rollon a dû mettre un terme à sa relation avec ma mère, continuais-je, ignorant sa remarque.

- Parce qu'elle était mariée ... supposa Màni.

- Oui. Mais il lui a fait la promesse de prendre soin de moi. Il m'a connue alors que je n'étais encore qu'une enfant. Et moi, je ne me rappelle pas de lui !

- Alors c'est pour cela que tu parles notre langue ... comprit Màni. Parce que ta mère avait une liaison avec l'un des nôtres.

Oui sans aucun doute. Sa décision me semblait plus légitime désormais. Elle n'avait pas fait cela uniquement dans une situation hypothétique où des normands viendraient s'emparer de mes terres (même si elle avait vu juste). Elle avait aussi fait cela pour que je parle la langue de l'homme qu'elle avait sincèrement aimé ...

- Sans doute. Màni ... Je ... J'ignorais tout cela. L'apprendre m'a fait un choc. Jamais je n'aurais pensé que ma mère puisse avoir une aventure avec un normand !

- Elle savait reconnaître les véritables hommes, se vanta-t-il.

Je m'arrêtai dans mes pas alors qu'il me gratifiait d'un clin d'œil amusé. Je ne pouvais nier qu'il était beau, ainsi étendu sur mon lit, sa longue natte blonde tombant sur son épaule, seulement éclairé par les quelques chandelles installées dans la pièce et le grand feu de cheminée. D'ailleurs, Nix ne bronchait plus, dormant d'un lourd sommeil. J'avais rapidement constaté que les bébés loups dormaient énormément.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now