Chapitre 45 : Un traquenard

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Màni

Ivar fit signe à ses hommes d'avancer le plus lentement et le plus silencieusement possible. Màni obéit, le visage dissimulé sous un casque en fer. Il resserra sa prise autour de son bouclier rond et de son épée. 

Ils avaient été convenus avec le comte qu'eux attaqueraient par les bois et le comte par la plaine. Ce dernier provoquerait une diversion qui permettrait aux normands de se faufiler par l'arrière et de couper l'accès des hommes d'Ulrik à leurs navires. De toute façon, ceux de Màni et Ivar descendaient déjà le courant, attendant le signal de la charge.

Tapi derrière un large buisson, Màni attendait que le comte lance son attaque. Dans combien de temps ? Quelques minutes ? Des secondes ? L'excitation du combat pulsa dans ses veines. Et aussi celle de la vengeance. Il avait rêvé de ce moment toute sa vie. Depuis que son oncle avait assassiné son père sous ses yeux ... À peine un an de cela mais sa rancœur était toujours intacte. Une haine féroce pour cet homme qui leur avait tout pris. Leur père, leur cité, leurs terres ... Ivar aurait dû devenir jarl mais Ulrik en avait décidé autrement et même si Màni ne voulait plus jamais remettre les pieds dans son pays natal, il n'en allait pas de même pour son aîné. Et pour lui, il se battrait jusqu'à la mort.

Màni jeta un bref regard vers son frère. Celui-ci hocha doucement la tête, lui intimant de se tenir prêt. Il l'était. Prêt à se battre pour l'honneur de son père. Gyda se tenait également près d'eux, un bouclier dans une main et une longue lance dans l'autre. Ses cheveux blonds, presque blancs, étaient tressés dans son dos et son regard était déterminé. Elle ne faiblirait pas. Màni n'en avait jamais douté. Gyda, outre d'être une excellente guérisseuse et une divinatrice, était aussi une redoutable guerrière. Il fallait être le dernier des idiots pour se mettre sur son passage lors d'une bataille.

Le normand fixa son regard devant lui. Il pensa à tout ce qui s'était passé pour se retrouver ici, aujourd'hui. Leur fuite forcée de Stavanger, leur exil en Francie, leur arrivée dans le Maine, une terre riche et encore relativement épargnée par les raids normands. Ils pensaient y trouver de l'or et pouvoir ainsi composer une armée plus puissante pour vaincre leur oncle mais, au lieu de ça, ils y avaient trouvé Aélis. Et cette rencontre avait bouleversé toutes les certitudes de Màni. Sans elle, jamais ils n'auraient pu mener cette bataille. Jamais ils ne se seraient alliés avec le comte de Paris et ils auraient été contraints de s'exiler ailleurs pour survivre ... Mais Màni ne voulait plus fuir. Aujourd'hui, il allait se battre et enfin se débarrasser de cet oncle devenu son pire cauchemar.

Ivar leur fit signe d'avancer encore. Leur petite bande s'exécuta, se rapprochant de plus en plus du camp d'Ulrik. On pouvait déjà apercevoir les tentes entre les arbres nus de l'hiver. Heureusement, il n'avait pas neigé cette nuit et il ne restait plus qu'une fine couche de neige sur le sol. Assez pour étouffer le son de leurs pas mais pas assez pour rendre chacun de leurs gestes plus difficiles. 

Màni plissa ses yeux bleus à mesure qu'ils avançaient. Quelque chose n'allait pas ... C'était trop calme ... Il n'y avait pas un son autour d'eux ... Pas un homme dans le camp ... Avaient-ils fui avant leur arrivée ? Pourtant, d'après les éclaireurs, leurs navires étaient toujours là ... Aucun normand ne partirait sans ses navires. Ulrik avait-il concentré toutes ses forces dans la plaine, là où viendrait l'attaque du comte ?

- Quelque chose ne va pas ... souffla Màni à son frère.

Ivar, portant aussi un casque en fer, hocha doucement la tête. Lui aussi avait compris qu'il se passait quelque chose d'étrange ...

- Où sont-ils tous passés ? murmura un homme derrière eux.

- Ils ont fui ?

Ulrik n'était pas le genre à fuir ... Et le son de la charge du comte qui ne venait toujours pas ... Màni sentit une angoisse sourde se loger au creux de son ventre. Ce n'était décidément pas normal. Il n'entendait que le souffle du vent glacial autour de lui. Rien d'autre ... Où étaient-ils passés ? Pourquoi le camp était-il désert ?

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora