Chapitre 14 : Exilés de Norvège

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Màni

- Alors que faisons-nous d'elle ?

Ivar croqua dans une patte de lapin que venait de ramener les chasseurs. Cette terre regorgeait de gibier. Ainsi le camp ne manquait pas de vivres. Ils se servaient dans la forêt en viande, dans la rivière en poisson et de leur pillage pour le reste. Pour l'instant, tout allait bien. Du moins, tant que le comte du Maine ne décidait de pas de les déloger. Mais pour l'instant, le gentil petit seigneur se terrait dans sa cité, pleurant sur son sort. Quel pleutre !

Màni releva ses yeux bleus vers son aîné, assis en bout d'une table en bois volée à l'abbaye. Il croqua dans l'autre bout du lapin.

- Que veux-tu en faire, mon frère ? ricana Màni. Nous allons demander une rançon bien sûr ! Imagine l'argent que nous aurons ... Bien plus qu'en des mois et des mois de pillage !

Màni imaginait déjà l'argent dans ses paumes ouvertes. Toute cette fortune ... Bien plus qu'il n'en aurait de sa vie ... Aélis était réellement une prise de choix !

- Certes mais nous ne pouvons pas non plus ignorer la prophétie, lui rappela Ivar, engloutissant sa bière qui macula sa barbe blonde.

Gyda hocha la tête, assise sur la table entre les deux frères, les jambes croisées. Ses cheveux blonds étaient nattés dans son dos, mettant en valeur les courbes de son joli visage. Màni croyait en Gyda et en ses visions. Jamais elle n'avait eu tort. Mais en quoi cette prédiction les concernait ?

- Celle du sang sacré ? s'étonna Màni. Mais en quoi cela nous concerne-t-il ? Sans offense, Gyda.

La jeune femme balaya l'air de la main avant de tremper ses lèvres pulpeuses dans la bière de Màni.

- Je ne suis pas offensée. Je ne peux affirmer ce que signifie le sang sacré mais je sais en revanche que mes visions se réalisent toujours.

Un pouvoir qu'elle avait hérité des Nornes sans nul doute. Gyda voyait l'avenir et jamais ne se trompait. Mais parfois, ses prédictions étaient incertaines et avaient souvent un sens caché.

- Eh bien, Aélis aura un jour un enfant gesticulant et brayant avec un homme qu'elle aimera. Ce n'est pas une surprise. Certainement avec le petit brun qui la couvait du regard lors des négociations. Peu importe en fin de compte ! En revanche, le fait qu'elle soit l'héritière de Charlemagne m'intéresse bien plus ...

Il vit également une lueur apparaître dans les yeux de son aîné. Lui aussi flairait la fortune à plein nez.

- Soyons prudents. Elle est peut-être l'héritière de Charlemagne mais rien ne nous prouve qu'elle est une proche du roi de Francie.

Certes, Charlemagne était mort depuis des années, de longues années et peut-être n'était-elle qu'apparentée de loin à ce roi mais si ce n'était pas le cas ... Màni se redressa de son tabouret, posant ses deux grandes mains sur la table en bois.

- Mais imagine mon frère si c'était le cas ... Nous pourrions amasser une si grande richesse et même demander des terres ! Nous pourrions établir une colonie !

Vivre sur ces terres riches et fertiles pour toujours ! N'était-ce pas une bien meilleure vie ? Mais Ivar avait pourtant le regard sombre, semblant ne pas voir les avantages de cette situation.

- Alors tu ne veux pas retourner au pays ? demanda son frère d'une voix basse.

Parce que lui le voulait ? Màni n'était pas aussi décidé. Qu'est-ce qu'il l'attendait au pays ? La mort ? Il n'y avait plus rien pour lui en Norvège. Rester ici était la meilleure chose à faire. Il ne rêvait pas de devenir un vulgaire éleveur de mouton, mais devenir le seigneur d'une terre ... Voilà son rêve. Et grâce à Aélis, il pourrait peut-être le devenir ... 

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now