Chapitre 15 : La rançon

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Aélis

Je fus tirée du demi-sommeil dans lequel j'avais finalement réussi à m'enfoncer par les pas lourds d'un homme. Était-ce l'un des frères ? Je me redressai péniblement sur mon lit de fortune, jetant un œil dans la petite pièce. J'ignorais quelle heure y était mais le jour était là. La lumière illuminait ma tente tout entière. Je n'eus que le temps de poser un pied hésitant sur le sol qu'un guerrier entra. Il ne m'adressa pas un mot, ni un regard et se pencha seulement vers ma chaîne. Il allait me libérer ? Trop aimable ... Mais c'était sans doute pour me conduire quelque part. Que comptait-il faire de moi ? Mon souffle s'accéléra dans ma poitrine. Je serrai les poings, griffant de mes ongles ma paume. Cela ne me calma pas. J'avais l'impression de suffoquer.

Le guerrier m'ignora et libéra ma cheville de la chaîne. Heureusement, mes geôliers avaient pris soin de ne pas trop la serrer, histoire de ne pas ajouter une blessure de plus à mon corps déjà meurtri. Mais grâce au traitement de Gyda, mon corps allait bien mieux. Je ne sentais presque plus rien En revanche, la peur logée dans mon ventre était toujours bel et bien présente. L'homme me fit signe de le suivre, une main posée sur son épée pour me faire bien comprendre ce qui se passerait si j'essayais de m'échapper. Mais je ne comptais rien tenter. Je n'étais pas idiote. Le camp regorgeait de guerriers qui se feraient une joie de me donner la chasse.

Escortée du guerrier, je sortis dans l'air glacial. Il me poussa sans douceur dans le dos, me dirigeant vers la plus grande tente du camp. Sans doute celle des deux frères. Je nouai mes bras autour de ma robe qui devenait trop fine pour le froid mordant qui s'abattait sur mes terres. Je frissonnai depuis plusieurs jours et ma couverture en laine me manquait atrocement. 

Tous les hommes du Nord s'arrêtèrent dans leurs activités et me regardèrent passer avec attention. Certains se léchaient les lèvres, d'autres se contentaient de m'observer. Je tentais de les ignorer mais cette peur qui frappait mes entrailles avec force ne me laissait aucune seconde de répit. Qu'allaient-ils me faire ? Me jeter en pâture aux guerriers ? Ou voulaient-ils encore connaître le nombre de soldats du Mans ? Car je ne leur dirai toujours rien !

Soudain, je vis Julienne apparaître entre deux tentes. Elle portait une longue robe sombre épaisse et elle semblait en bonne santé. Du moins en apparence. Je vis dans ses yeux une terreur qu'elle essayait de dissimuler. Ses courts cheveux blonds bouclaient au-dessus de ses oreilles. Un guerrier lui donna une petite tape sur les fesses, l'incitant à reprendre son travail. Ses yeux marron se désintéressèrent de moi et elle disparut de nouveau.

Celui qui m'escortait me poussa une fois encore dans le dos, me demandant implicitement d'accélérer la cadence. N'ayant d'autres choix, j'avançai jusqu'à la tente. Mon cœur pulsait avec frénésie dans ma poitrine et mes jambes tremblaient. Pourtant, par je ne sais quel miracle, je réussis à tenir debout. 

Sous l'œil autoritaire de mon geôlier, je poussai le pan de la tente et entrai. J'avais vu juste. Les deux frères étaient bien ici, ainsi que Gyda. Cette dernière était assise en tailleur sur une grande table en bois, croquant avec appétit dans ce qui devait être du lapin. Ivar releva ses yeux bleus vers moi, sans bouger de son tabouret recouvert d'une peau de bête. En revanche, son frère se leva de son siège, ouvrant grand ses bras comme s'il était heureux de me revoir.

- Petit oiseau ! C'est très aimable de ta part de te joindre à nous !

Avais-je vraiment le choix ? Continuant de faire celle qui ne comprenait pas leur langue, je ne réagis pas, les mains nouées sur le devant de ma robe. C'était ça où elles tremblaient. Et je refusais de leur montrer ma peur. Même si j'étais terrifiée. 

Je fis un pas en arrière avant que Màni ne puisse me toucher. Il lorgna sur mes cheveux emmêlés et sales, ainsi que sur ma robe trop légère pour l'hiver qui approchait.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant